Salle rouge

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Boum boum ! Boum boum !

Un rythme monotone, une douce mélodie rassurante qui me rappelle que la vie coule dans mes veines, un bruit infime qui me sort d'une torpeur écrasante, tant pour mon corps que pour mon âme, et qui fait se révéler le monde à mes sens, une fois de plus. Riza est de retour parmi les vivants.

Une douleur lancinante me saisit le bas-ventre alors que le brouillard quitte peu à peu mon esprit. Enfin, je peux recommencer à penser normalement. Je suis allongée sur un sol froid et irrégulier. Je sens contre ma joue une arrête coupante, traçant une petite ligne douloureuse de ma pommette à l'arrière de ma mâchoire. Je me suis mordu la lèvre. Le sang n'arrive plus dans l'une de mes pattes, qui me donne l'impression qu'elle veut s’enfuir le plus loin possible. Tant pis, elle reviendra.

Rouge. C'est le mot qui décrit le mieux la première chose qui s'impose à moi lorsque mes yeux, impatients de découvrir ce qui me cause ces douleurs, s'ouvrent en papillotant. Un rouge sombre qui rappelle celui du sang. Doucement, je me redresse et je m’assois, prenant garde à ne pas me servir du bras gauche, qui, je le sais, continuera quelques minutes encore à me lancer des signaux de détresse. Tout est silencieux, si ce n'est le bruit de mon cœur qui se calme peu à peu. Où suis-je ?

Devant moi, une jeune humaine entièrement nue me regarde d'un air hébété. Elle a de longs cheveux blancs qui pendent jusqu'à sa taille menue. Son air hébété et curieux, ainsi que ses formes discrètes, me font penser qu'elle n'a pas plus de 14 ans. Ses yeux sont inhabituels, dorés, avec des pupilles verticales. Subitement, elle prend un air sévère, me jaugeant, comme tâchant de déterminer si je représente ou non une menace. Je me campe face à elle, sur trois pattes puisque la dernière est inutilisable. Je veux lui faire comprendre qu'elle ne m'intimide pas, mais que je n'ai pas l'intention de lui faire du mal. Elle fait de même. Sa façon de bouger sa queue blanche et soyeuse en l'air est légèrement arrogante. Je fronce le nez. Les humains n'ont pas de queue.

Je finis par me rendre compte avec amusement que ce n'est que mon reflet que je contemple. Je suis une neko : une femme-chat. Petit à petit, des bribes de mémoire me reviennent. Ce n'est pas la première fois que la mémoire me fait défaut au réveil. Ma propre identité s'en trouve parfois modifiée, mais cela ne dure jamais très longtemps.

Je baisse doucement les yeux sur mes mains, en guettant tout de même instinctivement que le reflet imite mon geste. Mes mains ne sont pas celles d'une humaine. Ni celles d'un chat. Mes doigts sont bien trop courts pour appartenir à un deux-pattes, et beaucoup trop longs pour ceux d'un quatre-pattes. Mes pieds, quand à eux, ressemblent à ceux des humains, mais possèdent de petits coussinets qui amortissent le son de mes pas.

Détournant mon attention de mon reflet, je remarque pour la première fois qu'une multitude d'autres reflets m'entourent. La salle aux murs de sang est remplie de miroirs de toutes les formes et de toutes les tailles, certains gigantesques, d'autres tout juste assez grands pour que je discerne un œil ou une épaule dedans. Certains jaillissent des murs, tranchants comme la lame d'un sabre. D'autres parsèment le sol, le plafond, ou se dressent fièrement vers le ciel, tels des îlots montagneux dans une mer de sang.

Quel est cet étrange endroit ? J'entreprends de faire le tour de la pièce, cherchant une issue contre les murs. Rien. Cette pièce est parfaitement hermétique. Enfin, elle le paraît tout du moins, car si l'on m'a amenée ici, je suis forcément entrée par quelque part. Repérant sur l'un des murs un miroir de forme rectangulaire, je me place en face de lui. Rassemblant ma force dans mes jambes, je décide de me mettre debout afin d'avoir un champ de vision plus large. Cette tâche est plus difficile que je ne l'avais prévu, compte tenu de la douleur sourde qui continue à me serrer le ventre comme si elle voulait l'aplatir. Néanmoins, j'y parviens et me redresse devant le miroir, qui me jette un regard contrarié.

Riza Ashe [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant