Salle blanche 3/3 + épilogue

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Le contact de l'eau sur mon corps me remet les idées en place, comme une grande claque. Par réflexe, j'agrippe le rebord de la plateforme avant de le perdre dans le noir. Toujours déchirée par cette douleur brûlante, je lutte pour me hisser hors de l'eau. Finalement, j'atterris à plat ventre sur la terre ferme, complètement trempée et haletante.

"Hé, réveille-toi !"

Une voix d'homme brise le silence. Elle semble venir de tous les côtés à la fois. Mais tout est toujours noir, il n'y a personne sur les murs. Je me remets sur le dos pour soulager la pression sur ma poitrine. Je respire fort et cela semble apaiser quelque peu ma douleur.

"Hého ! Réponds-moi ! T'es vivante ?"

Toujours la voix d'homme. Soudain, la plateforme sur laquelle je me tiens se remet à luire de sa lumière blanche uniforme. Contrairement à moi, l'eau est déjà redevenue calme et je vois distinctement mon reflet au plafond, allongé, cheveux trempés. J'ai l'air misérable.

La douleur commence alors à s'atténuer, et, petit à petit, un paysage apparaît autour de moi. Des montagnes au loin, un village de l'autre côté, au bord d'un lac. Et là, juste derrière moi, un îlot de nénuphars. Je frissonne.

À côté de moi, il y a un homme d'un âge avancé. Il a un visage inquiet. Je le reconnais, c'est lui qui m'a recueillie pendant les premiers jours de l'Après. Regardant autour de moi, je remarque que je ne suis nulle part. L'homme regarde directement dans ma direction. Étrange..

"Ah, tu es réveillée ! Je ne sais pas ce qui t'es arrivé, mais tu ne devrais pas rester allongée ici, aussi peu vêtue.."

Je tique. Ce n'est pas sa voix que j'ai entendue à l'instant. Alors, qui ? Il n'y a pourtant que lui. Il tend une main vers moi, et je vois soudain une autre main, qui semble sortir de ma plateforme, s'avancer et la saisir. Mon autre moi se relève et entre enfin dans mon champ de vision.

Après un échange de paroles assez banal, il me propose de rester quelques jours chez lui, ce que j'accepte volontiers, n'ayant nulle part où aller.

Les visions recommencent alors à s'enchaîner à un rythme plus soutenu. En même temps, ces souvenirs sont récents, je m'en souviens bien.

D'abord, je fais connaissance avec la famille de l'homme qui m'a recueillie. Pendant les jours suivants, j'aide sa femme dans les tâches ménagères pour les remercier de leur hospitalité. Je ne suis pas douée car je n'ai jamais rien fait de semblable, mais ça ne la dérange pas. Elle apprécie mes efforts, et je commence peu à peu à retrouver le sentiment que j'avais quand je vivais encore avec mon père. Celui que tout va bien.

C'est pendant cette courte période que j'ai pu réfléchir enfin à mon futur. Pour la première fois, j'avais le choix. Enfin, pas tant que ça, car j'étais rongée par les remords de toutes ces années où j'avais été aveugle. Je ne pensais qu'à une chose : me faire pardonner. Mes bienfaiteurs m'avaient questionnée à propos de mon passé, mais j'avais répondu ne pas vouloir en parler, et ça leur avait suffi. C'étaient vraiment des gens bien.

Puis, dans une vision un peu plus longue que les précédentes, je me vois quitter leur maison, émue mais déterminée. Ils m'avaient donné quelques habits et de quoi survivre seule. Le strict minimum, car je ne voulais pas m'encombrer et qu'ils n'étaient pas très riches.

Puis, il y a la route. À nouveau encapuchonnée, je marche plein est, pour mettre le plus de distance possible entre moi et Lui. En cours de route, un marchand ambulant me rattrape avec sa calèche et me propose de monter à l'arrière, ce que j'accepte. En effet, marcher pendant une journée entière est fatigant, même pour une tueuse expérimentée. À ce moment, je commençais à apprécier la bonté des gens de ce côté des montagnes.

Riza Ashe [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant