Deuxième partie (2/4)

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   Le samedi suivant, l'adolescent se décida à retenter l'expérience, attiré par l'envie de rencontrer de nouvelles personnes et par le besoin de se retrouver avec des individus qui lui ressemblaient. De plus, il ne souhaitait certainement pas s'arrêter sur un échec. Ce dernier se mit pour objectif de vaincre sa timidité et de réussir à aborder un jeune homme séduisant, si toutefois il y en eût eu un. Cela lui eut paru complètement inconcevable une semaine en arrière, mais peut-être qu'un ou deux verres d'alcool lui aurait donné suffisamment de courage pour y parvenir.

Rempli d'assurance et bien plus serein que lors de sa première venue, David se retrouva devant le gardien des lieux.


— Eh bien, te revoilà toi ! Dis-moi, tu ne penses pas avoir été suivi ? s'inquiéta-t-il.

— Je ne pense pas, j'ai fait en sorte que personne ne me voit venir.

— Bien, entre. Mais fais attention, il se dit des choses insensées là dehors.


Le jeune homme ne comprenait pas vraiment ce qu'entendait par-là le géant, mais il lui promit de se méfier davantage. Quand il poussa la porte de l'établissement pour la deuxième fois une bonne ambiance animait le bar, mais tout comme la dernière fois, les conversations s'arrêtèrent brièvement, puis reprirent lorsque le barman l'accueillit.


— Un soda, c'est ça ? lança-t-il chaleureusement.

— Non, mettez-moi un demi s'il vous plait, répondit l'adolescent en imitant son père qu'il avait souvent accompagné au bar.

— T'as bien raison de profiter ! s'amusa le serveur.


Il s'assit à la même place que la fois d'avant, puis goûta la bière que venait de lui apporter son hôte. La première gorgée lui arracha une grimace, surpris par le goût amer de la brune.


— Pouah ! Quelle horreur ! s'exclama-t-il.

— Ah, c'est sûr que c'est plus fort que ton soda, rit René assis à la place qui semblait lui être réservée.

— Comment vous faites pour boire ça ? s'étonna David.

— Simple question d'habitude. Ou bien peut-être que cela vient avec l'âge.

— Tu veux un verre d'eau, petit ? demanda le barman, égayé devant la scène que lui offrait l'adolescent.

— Non ça ira, la surprise est passée, je devrais y arriver maintenant.


Ainsi, le jeune David plaisanta avec les deux vieux hommes à propos de la qualité douteuse du breuvage. Il commençait à apprécier René et comprenait que le vieillard avait beau être plutôt moqueur, il ne paraissait en revanche pas être malveillant.

L'adolescent prit quelques instants pour observer la clientèle et, s'il ne trouva pas Alex, il reconnut tout de même quelques têtes. Deux des amis du dragueur répondaient présents, et la table du fond était occupée par les cinq mêmes personnes qu'à son premier passage. Déçu de ne pas voir de garçons de son âge, il prit une nouvelle gorgée de bière, toujours aussi infecte. Le charmant jeune homme qu'il eut imaginé rencontrer quelques minutes plus tôt n'était plus qu'un doux rêve. Il pensait cela jusqu'à ce qu'il s'aperçût que quelqu'un l'épiait par le biais d'un miroir accroché derrière le barman. Il se retourna et fut surpris de constater que l'homme continuait de le regarder dans les yeux. Quelque peu gêné, il fit volte-face et se concentra sur son verre, désormais bien entamé.


— Alors, je t'ai fait peur pour que tu partes aussi vite la dernière fois ? interrogea René.

— Non, je crois que j'avais juste l'impression d'être ridicule, répondit-il, honteux.

— Pourquoi ridicule ? Parce que tu m'as menti sur ton âge ? Tu n'es pas le premier.

— J'imagine bien.

— Alors, dis-moi, tu as quel âge en vérité ?

— Si je vous dis dix-huit ans, vous me croyez ?

— Toujours pas, ricana l'homme tatoué.


Pendant que David continuait de répondre aux questions du vieillard, il s'amusait à scruter le jeune homme dans la glace, par-dessus l'épaule du serveur. Celui-ci n'arrêtait de l'observer, ce qui le troubla. Néanmoins, il s'efforça de dissimuler son embarras et se lança dans un duel de regards à travers le miroir. Durant cette bataille qu'il crut durer une éternité, l'adolescent distingua les traits fins du visage de son adversaire. Si le mystérieux individu lui paraissait plutôt jeune, il demeurait pourtant incapable de lui donner un âge. Il plissa légèrement les yeux afin de le discerner plus distinctement, mais le reflet était trop flou pour que David ne pût en voir davantage.

Ce dernier se retourna une seconde fois afin de percevoir plus nettement celui qui ne voulait pas le lâcher des yeux et fut surpris par le sourire que le jeune homme lui adressa. Il tenta de lui rendre la politesse d'un rictus maladroit puis détourna à nouveau le regard.


— Il s'appelle André, affirma René qui sans doute avait remarqué le manège de David.


C'est un beau prénom, pensa-il. André ne paraissait pas plus vieux que lui, mais semblait tout de même plus grand et légèrement plus robuste. Il arborait un regard séducteur et sa mèche blonde coiffée sur le côté lui donnait un air rebelle.


— Il vient souvent ici ? s'enquit David.

— Je l'ai déjà vu quelques fois oui, mais il ne me semble pas très bavard. Un peu comme toi, ricana le vieillard. Tu peux essayer d'aller lui parler, mais ceux qui s'y sont risqués sont toujours repartis la queue entre les jambes.


Sur ces mots, l'adolescent finit son verre d'une traite puis se leva et avança dans la direction d'André. Un geste qu'il regretta immédiatement, mais il était trop tard pour faire marche arrière ou il eût eu l'air encore plus idiot qu'il ne l'avait déjà été. Faisait-il cela pour prouver à René qu'il avait du culot ou bien pour se le démontrer à lui-même ? Peut-être fallait-il mettre cette action sur le compte de l'alcool. La vérité se trouvait certainement quelque part entre ces trois options.

Arrivé devant la table du séduisant garçon, David ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Il se trouvait debout, en plein milieu du bar, prêt à aborder un charmant jeune homme au visage atrocement joli, et le ridicule de la situation le bloqua net.


— Enchanté, moi c'est André, lança l'adonis quelque peu gêné.

— David, enchanté, balbutia-t-il.

— Eh bien assis-toi, ne reste pas planté là.



Merci pour votre lecture, j'attends vos retours avec impatience ! :)

Juste le temps d'un demiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant