Chapitre 1: Hyung ?

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Chapitre 1 : « Hyung ? » :

Jingyu était épuisé. Il n'avait pas l'habitude de se plaindre, mais il n'avait qu'une envie : que la musique s'arrête de résonner dans le vieil entrepôt en ruine dans lequel il se trouvait. Il n'avait pas beaucoup dormi la veille, comme chaque année à cette époque, et avait dû se lever tôt ce matin-là, ce qui n'arrangeait pas son état de fatigue. Lui et les quatre membres du boysband dont il faisait partie devaient cependant tourner le clip de leur nouvelle chanson, alors il n'avait pas été question de traîner au lit, même en ce jour si particulier où tout lui semblait plus difficile que d'habitude.

— Coupé ! On fait une pause ! hurla le réalisateur du clip dans son micro alors qu'un vent frais balayait l'endroit.

Une cinquantaine de techniciens s'affairèrent sur les lieux du tournage, déroulant de longs câbles électriques. Jingyu les regarda faire pendant un instant alors qu'il s'installait à l'écart des membres de son groupe pour reprendre sa respiration. Les chaises mises à disposition par l'équipe technique semblaient plus confortables que le béton froid et poussiéreux du sol sur lequel il venait de s'asseoir, mais Jingyu avait besoin de tranquillité et de solitude. Il n'avait pas envie de se mêler aux conversations pleines d'entrain de ses amis et préférait les observer de loin. L'ambiance mystérieuse et épurée qui émanait de cet entrepôt correspondait parfaitement au titre que son groupe voulait proposer à leurs fans pour leur come-back, mais il correspondait aussi à l'état d'esprit dans lequel se trouvait le jeune homme. Il avait le sentiment de n'être plus qu'une ruine, comme ce vieux bâtiment.

Voyant qu'il gênait l'activité de son staff, Jingyu se leva et alla s'accouder quelques mètres plus loin à ce qui avait un jour été l'encadrement d'une fenêtre ; il n'y avait à présent plus rien d'autre qu'un trou béant donnant sur une plaine aux couleurs automnales.

Jingyu contempla la nature qui s'offrait à lui, cela faisait quelque temps qu'il ne s'était pas retrouvé en campagne. Il avait espéré que ce panorama lui remontrait le moral, mais rien n'y faisait. Il n'arrivait pas à être heureux. Il souffla, exaspéré par son comportement, puis sortit une photo de la poche de son jean, la déplia et la regarda attentivement. Elle le ramenait onze ans en arrière, à l'époque où il vivait encore à Tongyeong, dans le sud du pays, entouré de ses parents, de son frère aîné et de son frère cadet. Leurs joues rosies et le sourire que les trois garçons arboraient sur l'image qu'il tenait entre ses mains ne mentaient pas : lui et ses frères avaient passé une bonne journée.

— Ça me fait penser à quand j'étais gosse, commença Jiho, amusé, en s'asseyant sur le rebord de la fenêtre.

Son allure, aussi mature qu'elle pouvait paraître, cachait un enfant dans l'âme. Ses cheveux teints en châtain foncé virevoltèrent sous un nouveau coup de vent. Jiho arrêta de contempler le décor naturel qui lui faisait face pour fermer les yeux et profiter de la douce chaleur que produisaient les rayons du soleil sur son visage malgré les courants d'air frais sporadiques qui balayaient l'entrepôt en cette fin d'après-midi.

— Il y avait une vieille usine en ruine près de chez moi, reprit-il. J'y allais avec mes amis pendant les vacances. On y a fait les quatre cents coups, tu peux me croire ! On s'est même fait une partie de paintball à l'intérieur ! Autant te dire qu'on a repeint les murs.

À voir le sourire qui illuminait ses traits, Jingyu ne doutait pas un instant qu'il y avait passé de bons moments. Il lui répondit en étirant légèrement ses lèvres, mais dans le fond, Jingyu enviait son aîné. Il aurait aimé avoir lui aussi ce genre d'histoire à raconter, mais il souffrait d'une sorte d'amnésie post-traumatique que les médecins eux-mêmes n'arrivaient pas bien à expliquer. Contrairement aux symptômes habituels de l'APT, Jingyu n'avait en mémoire que l'événement le plus traumatisant de son enfance. Cette réminiscence avait occulté tous les autres souvenirs de sa vie, si bien qu'il n'avait aucune anecdote datant d'avant ses huit ans. À part cette photo, il n'avait en fait plus rien pour se remémorer son enfance.

Rêves par correspondance [Éditions Bookmark]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant