« Isak, apprends-moi le dessin »

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Je m'appelle Even Bech Naesheim, j'ai 20 ans, et comme tous les mardis à 17 heures, j'allume mon ordinateur, ouvre ma boîte mail et télécharge le document envoyé par Isak Valtersen. J'avais décidé d'apprendre le dessin il y a plusieurs semaines, et étais donc parti à la recherche de quelqu'un qui pourrait m'apprendre gratuitement, via Internet. C'est un étudiant de mon âge qui a répondu à l'appel, Isak Valtersen. Je ne l'ai jamais vu et je ne sais rien de lui, si ce n'est qu'il est très doué en dessin -j'ai vu quelques-unes de ses œuvres. Depuis, deux fois par semaines, Isak m'envoie des petits exercices de dessin, et à chaque fois, je lui envoie en retour quelques-uns de mes croquis. Isak m'encourage beaucoup, il dit que je progresse très vite, il a l'air d'être quelqu'un de très gentil et bienveillant.

Aujourd'hui, Isak m'écrit que nous allons apprendre à dessiner des corps. Il a mis en pièce jointe quelques croquis explicatifs, ça m'a vraiment l'air difficile. Je prends néanmoins mes feuilles et mon crayon et me lance. Je trace des courbes pas assez courbées, des ronds pas vraiment ronds, des traits parfois trop longs, parfois trop courts. Quelques minutes plus tard, je regarde mon œuvre terminée et m'aperçois du désastre qu'elle est. Rien ne va, je déchire ma feuille et recommence, encore et encore.

Au loin, j'entends l'église sonner 18 heures. Je pose mon crayon, me retourne et me rends compte de l'état de ma chambre. Les papiers chiffonnés d'une longue heure de dessin sont éparpillés partout. Je suis en colère contre moi-même, je n'ai pas réussi une seule fois à dessiner convenablement les corps qu'Isak m'a proposé. Je regarde les siens sur mon ordinateur et tente de comprendre ce qui est à améliorer. Le corps de la femme dessinée par mon « professeur » est fin, précis, il a l'air réel ; je me demande s'il représente quelqu'un qu'Isak connait. Sa petite amie, peut-être. A cette pensée, mon cœur se sert un peu. Je me surprends à espérer qu'Isak n'ait pas de copine, j'aime l'idée que lui et moi sommes seuls dans notre bulle, à dessiner. Ce genre de pensée est absurde, je dois me reprendre, je ne connais même pas ce garçon, et si c'était le cas, je ne devrais pas me soucier de sa vie amoureuse, c'est insensé. J'aime les filles, je me fiche des hommes. Je réponds rapidement à Isak, lui exposant ma difficulté à représenter les corps, et m'en vais me préparer à manger.

Il est quasiment 21 heures quand je retourne voir mes mails, et je m'aperçois qu'Isak m'a répondu :

« Even, je t'envoie en pièce jointe quelques autres croquis, d'hommes cette fois, tu y arriveras peut-être mieux ? Surtout, prends ton temps. Mais si ça ne va pas mieux, nous pourrions se téléphoner une fois, si ça te dit, ce sera plus simple de t'expliquer de vive voix. Ne te décourage pas, tu en es capable, tu finiras par y arriver 😉. »

J'ouvre la pièce jointe et analyse les croquis en question, et remarque qu'ils me ressemblent tous un peu : un corps fin, pas vraiment musclé, des cheveux relevés au-dessus de la tête. Mais au-delà de la ressemblance, ces croquis sont d'une précision incomparable, comment pourrais-je les reproduire ? Cela me semble impossible. En fait, je n'ai pas réellement envie de les reproduire correctement. Je veux entendre la voix d'Isak, je ne sais pas pourquoi, mais c'est ce que je veux maintenant. Je griffonne alors quelques esquisses, pas très travaillées, et les envoie à mon professeur, lui expliquant que je ne parviens décidément pas à réaliser ce qu'il me demande.

Je n'ai pas le temps de me lever que mon ordinateur m'indique un nouvel e-mail reçu. Je me précipite sur le message, plein d'espoir, et les battements de mon corps accélèrent quand je lis le mail d'Isak :

« Donne-moi ton numéro et dis-moi si tu es libre demain, j'aimerais t'appeler dans l'après-midi, pour t'aider pour ces fameux croquis. »

Professeur Isak  |  Even/IsakOù les histoires vivent. Découvrez maintenant