2-Edinson

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J'ai toujours pensé que maman exagérai en disant que j'avais beaucoup d'habits. Seul devant ma valise, cela fait déjà vingt bonnes minutes que je tente de la fermer. Il y a un dicton pour ce genre de trucs. Lequel déjà ?

Les positions que je prends sont on ne peut plus gênantes. Je me suis toujours dit, comme la quasi-totalité des personnes qui ayant vues des scènes du genre, que les actrices – car, oui cela n'arrive qu'aux femmes – étaient dans des situations totalement improbables. Franchement, se mettre dos à une valise pour la fermer pour de bon ? J'ai un scoop pour vous : c'est tout à fait probable. Vous pouvez le voir à ma position actuelle. Je ressemble à un hérisson qui se gratte le ventre contre une valise dont la fermeture a l'air au bout du rouleau. Tiens bon, papa a bientôt fini.

Je me cramponne ardemment au bas de la valise et emploies les dernières forces qu'il me reste pour achever de la fermer. Enfin ! Je peux me permettre de savourer ma musique. Je respire MJ. Sa musique accompagne toutes mes humeurs. Maintenant que cette valise est close, c'est le moment parfait pour me noyer dans Man In The Mirror. J'allume mon enceinte et m'affale sur mon lit, probablement pour la dernière fois. Les yeux au plafond, j'observe le fruit de ma stupidité. Mon poster d'Alicia Keys est encore bien fixé. Depuis quelques temps il est devenu une part du décor. Mais je peux vous assurer que ma main en a connues des belles à cause de cette photo. Mon sourire s'évanoui au moment où un bruit lointain me parvient.

Je tente de faire abstraction des cliquetis que forment les pas de la personne qui passe près de ma chambre – mon père. C'est inutile puisqu'il approche de ma chambre. Lorsqu'il arrive à ma porte, il se racle la gorge. Je me redresse, par politesse et attend qu'il dise ce qui l'amène.

- Ta tante ne va pas tarder. Tu es prêt ? me dit-il, le regard évasif.

- Oui Baba.

Il émet un hochement de tête. Je sais quel genre de conversation nous allons avoir. Celle du genre que tout le monde fuit. Celles des conseils des aux revoir. Elles prétendent à ce que les conseils qui en sortent changent notre vie ou nous servent de base pour toutes les péripéties de notre vie. Mais en vérité, un seul discours, un seul conseil, une citation aussi parfaite soit-elle, ce n'est pas suffisant pour changer le cours de notre vie. C'est comme croire que comprendre un chapitre de cours suffisait à la réussite d'un examen. C'est être dans l'ignorance totale que la régularité n'a aucun rôle là-dedans, car elle est maîtresse de la situation.

Papa se rapproche et s'assoie à mes côtés. La proximité entre nous me rassure un peu sur la suite de notre conversation.

- Quel que soit ce qui t'a poussé à prendre ta décision, je reste persuadé que d'autres alternatives s'offraient à toi.

C'est reparti pour un tour, le dernier, si Dieu le veut. Toujours par politesse, je me retiens de lever les yeux au ciel. Il met alors la main dans sa poche et manipule son portable quelques secondes avant de me montrer les derniers mouvements de son compte bancaire.

Je t'ai fait un virement. Si l'envie te prend de venir nous rejoindre, tu sais où trouver de l'argent.

Je hoche la tête et souffle un « merci » presque inaudible. Inutile Baba, je ne viendrai pas. Je n'ose pourtant pas dire ces paroles à voix haute. Je n'ai absolument aucune intention de me pointer ici de nouveau.

Demain, je serai juste, celui qui a donné de sa personne. Et cela me suffit. Je n'ai pas à être autour de quelqu'un qui n'a aucune connaissance de la valeur d'être sain et sauf. Il suffit d'être soi-même de nouveau pour savoir que l'on est allé de l'avant et pas à se prouver ou prouver à qui que ce soi que c'est le cas. Le cas échéant, nous sommes juste dans le déni.

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