3 - Yacine

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***

- Au Verre de Nuit

Cela fait maintenant un bon quart d'heure que l'on joue à ça. Enfin, si le terme de jeu est approprié. Je me sens comme une gamine de 11 ans. Lorsque je tourne la tête, je sens son regard s'attarder sur moi. Et lorsque je le regarde, il feint ne pas m'avoir vue, mais son rictus moqueur le trahis. Jamais je n'avais vu ce client. Un nouveau du coin je présume. Je pense que je l'aurai remarqué même si nous ne jouions pas. Malgré la distance qui nous sépare et le box à la lumière tamisée dans lequel il se trouve, je ne peux que fondre en apercevant la beauté de ses traits. J'aimerai tellement le voir de plus près que j'hésite à feindre une envie pressante étant donné que le chemin des toilettes m'obligera à passer près de son box. Sans m'en rendre compte, je me suis mise à le fixer. Lui aussi d'ailleurs. Avec un petit sourire qui vint flatter mon ego.

- Yass ?! Moins de rêves, plus de travail ! Si je voulais te voir rêver je ne te ferai pas venir jusqu'ici !

- Désolée...je...

- T'apprêtais à doubler d'efforts ? Je n'en doute pas une seconde, me dit Nora tout sourire.

- C'est que j'allais dire.

Ce n'est pas ce que j'allais dire. Nora est adorable et rieuse. Mais ça c'est tant qu'on bosse plus dur qu'on ne le peut.

Il est déjà 1h du matin. Plus que 2 heures de travail... je peux le faire ! Sans m'en rendre compte j'oublie rapidement l'autre.

M'acharnant dans ce que je fais de mieux, j'enchaîne le service et aperçoit 2h20 du matin sur l'horloge entre un Sex on the Beach et une Tequila. Nora m'accorde une pose pipi. Je marche dans le bar en passant les box où ce qui me semble être des étudiants célèbrent le début des vacances à coup de bières et de shots.

Je passe maintenant devant le box de l'autre. Vide. Bon, il s'est en allé. Je ne saurais peut-être jamais à quoi il ressemble de près. Pourquoi jouait-il avec moi ? Et que faisait-il seul dans un bar un vendredi soir ? Le verrai-je demain ?

Mon portable se met à sonner, ce qui interrompt le fil de mes pensées. Vous connaissez ces moments j'en suis sûre. Ces moments où vous espérez désespérément qu'une personne ne vous appelle pas. Vous le souhaitez tellement fort que vous ne retournez pas l'écran et priez avant de le faire - comme si cela changerai l'émetteur de l'appel.

J'hésite longuement avant de répondre puis enfin, lentement, je retourne l'écran et voit s'afficher le nom de la dernière personne à laquelle je souhaiterai parler. J'ai arrêté de compter les appels de Thomas à partir du trentième. Et ça, c'était il y a plus d'un mois. J'ai fuis la conversation que nous devons avoir depuis que je l'ai surpris dans la pire situation qu'une petite amie puisse voir celui qu'elle aime. Dans les bras d'une autre.

Avant cette fois-là, je ne connaissais pas le sens du mot trahison. Je me suis toujours sentie en sécurité avec lui. Jamais je ne m'étais imaginé qu'il ferait une telle chose, alors que j'étais sous le choc de l'inexplicable départ de mon géniteur. Je ne lui avais jamais été infidèle en 2 ans. Je sais pertinemment que je n'ai rien mérité de tout cela.

Visiblement, il n'a toujours pas compris que parler avec lui n'étais plus une option. Je vais décrocher et lui faire comprendre que nous n'avons absolument plus rien à nous dire et que tout est clair. Je peux le faire ! J'accélère le pas, et décroche en longeant le couloir.

- Allô ? Dis-je.

- Yass... tu décroche enfin, dis Thomas le soulagement plein la voix. Tu aurais pu...

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