Chapitre 2

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      Dans un bruit fracassant et un tourbillon de poussière, la calèche s'arrêta devant les escaliers. Les chevaux soufflaient bruyamment et luisaient de sueur sous la lumière du soleil levant, laissant deviner l'effort intense qu'ils venaient de produire. Posant leurs outils, les deux jardiniers s'avancèrent au devant de la voiture, intrigués :

- Qui cela peut-il être ? S'interrogea Samuel.

Le cocher descendit, salua les deux hommes et ouvrit la portière. Deux femmes en sortirent, chaudement emmitouflées dans des manteaux pour parer au froid matinal normand :

- Mesdames pouvons-nous vous aidez ? Demanda François.

- Ne vous donnez pas cette peine, nous connaissons plutôt bien ces lieux, dit l'une d'elles en se retournant.

Les premiers rayons de soleil éclairaient les visages des voyageuses. Les deux jeunes filles avaient des traits similaires et les mêmes yeux noisette :

- Je m'excuse Mesdames mais il ne me semble pas que... commença François

- Lucille ! C'est bien toi ? le coupa Samuel

La jeune fille retira sa capuche et un grand sourire illuminait son visage. De joie, elle se jeta à son cou en riant :

- J'ai cru que tu n'allais pas me reconnaître ! Je suis tellement heureuse d'être rentrée ! La vie à Paris me devenait insupportable avec toute cette population, tout ce bruit incessant. Ma campagne me manquait ! dit-elle en se détachant du jardinier.

- Vous nous manquiez aussi Mesdemoiselles, répondit François en regardant tour à tour les deux filles.

La seconde, qui était restée en retrait, s'avança et retira son capuchon de laine noire, laissant s'échapper ses cheveux bruns fournis :

- J'ai bien cru que nous n'allions jamais arriver, soupira-t-elle en retirant ses gants. Notre diligence est partie sans nous, nous avons donc dû attendre la prochaine qui ne partait que le soir. Le voyage était des plus inconfortable vraiment !

- Voyons Elisa, cesses de te plaindre ! Nous sommes arrivées et c'est tout ce qui importe.

La jeune fille soupira et leva les yeux au ciel avant de se diriger vers la maison et disparaître derrière la porte :

- Je suis désolée, son comportement à beaucoup changé depuis que le mariage de nos parents est rompu et ces quelques années à Paris n'ont pas été des plus bénéfiques, s'excusa Lucille.

- L'air d'ici va l'adoucir ne vous en faites pas Mademoiselle ! Venez donc vous réchauffer à l'intérieur, je suis persuadé que Madeleine a préparé son fameux bouillon ! Sam accompagne donc Mademoiselle Lucille, tu feras tes tâches plus tard, proposa François.

Le jeune homme remercia son père et se dirigea vers les cuisines en compagnie de la jeune voyageuse.

      En poussant la petite porte de chêne, un florilège d'odeurs mêlant épices et bois brûlé s'échappa de la pièce. Les cuisines du manoir étaient plutôt spacieuses. Sur la droite, plusieurs fourneaux étaient allumés sur lesquels étaient en train de mijoter deux marmites. Au centre, se trouvait une longue et large table, servant de plan de travail et de table à manger pour les domestiques. Une petite femme énergique s'affairait activement autour de la table centrale, remuant de temps à autre le contenu des marmites. Entendant des pas elle se retourna :

- Samuel ! Tu es bien matinal, quel bonheur ! Et qui est cette jeune demoiselle ?

- Voyons Mady, tu ne reconnais pas Lucille ?

- Lucille ? Tu veux dire Mademoiselle Lucille ? Oh mille excuses, mes yeux ne sont plus ce qu'ils étaient. C'est un vrai plaisir de vous revoir ! Votre sœur n'est pas avec vous ?

Madeleine s'approcha de la jeune fille et lui pris le visage dans ses mains comme pour mieux l'observer :

- Vous avez tellement changée ! Où est donc la petite fille qui courait après les sauterelles dans le champ du père Guérin ? Mais je manque à tout mes devoirs, vous devez mourir de faim après le voyage que vous venez de faire !

- Je vous avoue que oui, le voyage était éreintant ! Je vais chercher Elisa, elle doit être aussi affamée que moi, je ne serais pas longue.

Lucille se leva, déposa son manteau qu'elle avait gardé jusque là et sortit de la pièce :

- Tu dois être plus qu'heureux de la revoir je me trompe ? demanda Madeleine à Samuel après que Lucille ai refermé la porte.

- Que veux-tu dire ?

- Oh tu sais très bien de quoi je parle. Tu la dévores des yeux. 

Le jeune homme rougit et ria nerveusement :

- Lucille et moi sommes amis depuis l'enfance, il est donc normal que nous soyons proches.

La cuisinière le regardait avec un air amusé. Madeleine connaissait Samuel et Lucille depuis de nombreuses années, alors qu'ils n'étaient encore que des nourrissons. Elle avait été témoin de leurs nombreux jeux et les avaient vu grandir, en même temps que leur amitié. Mais désormais, elle en était certaine, un sentiment bien plus fort les unissaient sans qu'ils ne s'en rendent compte.





Les sœurs BoltonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant