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Nous roulons depuis à peu près une heure si je m'en tiens à l'horloge de son tableau de bord. La route est déserte, le paysage est sombre. Nico n'a pas hésité à allumer ses feux de route, mais il veille également à ne pas dépasser les cent vingt kilomètres heures.

J'ai le cœur qui bat presque aussi vite, je sens des gouttes de sueur perler sur mon front malgré le vent qui m'afflige un violent revers tiède. Je me résigne à fermer la fenêtre même si je meurs de chaud. Il faut que je me calme.

Pourtant, cet effort s'avère surhumain.

Je ne peux m'empêcher de le surveiller du coin de l'œil, lui, le volant, son pied sur l'accélérateur... absolument tout ses gestes y passent. Si cet homme veut me tuer je me dois d'être vigilant, mais je sais aussi que cette vigilance serait vaine, si je n'avais pas de quoi me défendre.

Aucune arme, aucun téléphone, rien.

Et je la sens désormais, cette détresse que je tentais de refouler au fin fond de mon être. Je ne me suis jamais senti aussi seul de toute mon existence. J'ai envie de retrouver ma femme, mon pote, ma belle sœur invivable et ma vie d'avant, si tranquille, si paisible... Mais bon sang, pourquoi je faisais cette route à contre sens ?

- Il serait temps d'y répondre à cette question.

Je sursaute, horrifié et le fixe tandis qu'il fixe la route comme s'il ne m'avait jamais adressé le moindre mot. Je passe mes mains moites sur le visage, lentement. Mon dépit et ma peur révèlent en moi une nouvelle personne que j'ignorais.

De toute manière il n'y a pas trente six solutions...

Soit ce mec lit dans mes pensées et j'ai intérêt à sortir de là, soit ma migraine me rend totalement parano. J'aurais aimé que toute cette histoire soit le fruit de mon imagination, mais il faudrait être fou pour se mettre en scène de la pire des façons.

Réfléchis...

Garder son calme pour pouvoir interagir librement et sans encombre avec son cerveau. C'était ce qu'Isis me répétait, quand il m'arrivait à plusieurs reprises, de m'énerver sur un dossier un peu trop complexe.

- On arrive bientôt, t'as l'adresse de tes vieux ?

La lenteur avec laquelle il configure son GPS est un peu trop évidente.

- Je vais m'en charger, garde tes yeux sur la route...

... S'il te plaît.

Je ne sais pas si c'est lui ou le Seigneur que j'implore. Je suis bien heureux de ne pas avoir oublié l'adresse. Après un rapide calcul, l'itinéraire se dessine en bleu sur la carte, et le temps de parcours est de trente six minutes.

Si seulement j'avais quelque chose pour stimuler ma mémoire, ce n'est pas ma nature de tout oublier. Ma mère m'a toujours dit que ma mémoire était excellente, mes notes à l'école l'étaient aussi jusqu'à l'université, mon parcours est excellent, tout est excellent.

Et pourtant quelque chose m'échappe, si ce n'est pas tout. Le sac de Stella est resté dans la voiture. Que le sien. Comme si c'était la seule à être restée avec moi. Je jette un coup d'œil à la besace couleur camel restée à mes pieds et entreprends de le fouiller une seconde fois.

Son porte feuille, du parfum, une trousse de maquillage, une bouteille d'eau, un paquet de clopes...

Le paquet de clopes...

Un nouveau flash me parvient. Je la vois essayer de me retenir, une cigarette entre les doigts. Elle me demande expressément de garder mon calme.

- Et ben, sympa la baraque. Faudrait que tu me présentes !

Nous arrivons à destination. Dans la cour, Nico descend le premier. L'adrénaline et l'angoisse sont à leur paroxysme et me préviennent dès lors que je ne serai plus en mesure de garder mon calme. 

About Last NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant