ABYSSE - T1. Damnation

Chapitre 1 - ARA

Si on devait faire attention aux fourmis, alors on ne pourrait plus marcher.

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La forêt s'éveille à peine lorsque je claque la porte de notre maisonnette derrière moi. Le vent mordant de novembre ne met pas longtemps à s'attaquer à mes doigts, mais je l'ignore. L'hiver avait frappé à nos portes plus tôt que nous ne l'avions pensé et déjà, les sentiers n'étaient plus qu'un labyrinthe de neige et de glace.

Enguoncé dans le manteau que mon père m'a confectionné l'hiver dernier, je repousse les longues mèches de cheveux platines qui viennent s'écraser sur mon visage et m'engage sous les arbres. Hier, déjà, j'ai du m'aventurer plus loin que je ne l'ose d'habitude, les proies se faisant de plus en plus rares, et ai perdu beaucoup de temps perchée sur une branche avant de comprendre que cette stratégie serait inefficace. Je ne peux donc me permettre, à nouveau, de rentrer les mains vides. Mon père me le rapprocherait.

Après quelques instants d'exploration minutieuse, je fini par m'accroupire au milieux d'un bosquet enneigé, offrant une vue dégagée sur l'ensemble d'une clairière. J'espére qu'une proie passera à la portée de mes flèches, ce qui m'éviterai une traque interminable au coeur de la forêt.

Les minutes défilent et une brume éphémère commençe déjà à s'échapper d'entre mes lèvres. Je ne sens plus le bout de mes doigts et de vicieuses petites aiguilles viennent s'attaquer à mes orteils. Minutieusement, j'articule mes membres endoloris, à la recherche d'une position plus confortable contre le tronc auquel je suis adossé. Aussi, afin d'éviter que mon souffle ne révèle ma présence au gibier je remonte mon écharpe jusque sur mon nez gelé. Puis je patiente à nouveaux ; prêtant l'oreille aux bruits de la forêt. Après quelque instants seulement, le froid me plonge dans une agréable léthargie. Traîtresses, mes paupières se font de plus en plus lourdes et je laisse libre cours à mes pensées. Des brides de souvenir me reviennent ;

Une petite fille aux cheveux argentés cours à toute allure dans la forêt. Des branches semblent tenter de la ralentir dans sa course effrénée, en s'aggipant à ses vêtements, mais elle n'en a que faire. Alletante, et humide de transpiration, sa hâte et son excitation sont palpables. Ses pieds suivent une cadence telle qu'elle semble se mouver au dessus du sol, et soudain la forêt s'ouvre à elle.

- Papa ! PAPA !

Là, un homme à la carrure impressionnante s'attelle à couper du bois près d'une modeste maisonnette faite en bois et en pierres.
Lorsqu'il entend la petite le héler il se raidi et lève la tête brusquemement. Ce n'est qu'en apercevant la mine réjouie de l'enfant qu'il se detend, et dépose la hâche à ses pieds.
La fillette accoure jusqu'a l'homme et se jette littéralement sur lui. Habile, il la réceptionne sans grande difficulté.

- J'en ai vue une !
Le père couve l'enfant d'un regard empli de tendresse et ressère son entreinte.
- Ha oui, Ara. Et qu'à tu donc vu?
- J'ai vu une âme!
La joie et la fierté transparaissaient dans sa voix, et son regard était empli d'étoiles. Les dieux seuls savaient a quel point ces yeux étaient beaux. L'homme lui accorda un sourire chaleureux et la déposa à terre. Il s'abaissa alors à la hauteur de l'enfant, de telle sorte qu'il puisse la regarder dans les yeux, et ébouriffa gentillement les cheveux opalins de la petite ;
- Je suis fière de toi ma fille. Très fière. Tu as fait de gros progrès et pour cela, je suis près à te récompenser. Y a-t-il quelque chose qui te ferai plaisir?
La fillette lui offrit un sourire resplendissant.
- Oui, papa. Je veux voir des gens! Je veux t'accompagner lors de ta prochaine sortie au village voisin et ...
- Aralégosa, tu sais bien que ce n'est pas possible..
Le regard de l'homme s'était durci, et celui de l'enfant perdait de son éclat.
- Mais papa tu m'as dit que...
- Non c'est non! Combien de fois va t'il falloir que je te le répète pour que tu comprennes enfin ?
La petite au cheveux argentés laissa alors s'échapper une larme, ce qu'elle regretta aussitôt. Elle vint immédiatement l'écraser de ses doigts encore potelés par l'enfance.