Chapitre 4 - ARA

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    "Tous les animaux sont nés avec l'innocence, la curiosité et l'amour."

*****

       Le matin du jour suivant mon étrange découverte, les températures ont à nouveau chuté, et ma nuit c'est avérée tumultueuse. Après avoir fui le village aux oiseaux, je me suis rendu compte que le soleil déclinait bien plus vite que je ne le pensais. J'ai rapidement élu domicile dans une vielle cahute de bûcheron à l'orée de la forêt, afin de m'abriter de la tempête à venir ; les nuages grisonants et le vent violent ne m'ayant point échappé. Par chance, j'ai également réussi à faire entrer ma chère Bellona par la petite porte de l'habitacle qui, à première vue, m'avait semblé trop étroite. Bien qu'à l'abris du vent virulent, le froid n'a cependant pas tardé à s'installer. Le degré négatif n'a pas dérangé la jument un seul instant, mais il fut pour ma part un véritable tourment. Je me suis interdit à fermer l'oeil. La fatigue, cependant, n'a pas tardée à emporter le peux de raison qu'il me restait, et c'est au néant que je m'abandonnais cette nuit là.

Je me réveille dans un sursaut. L'aurore s'introduit par une fenêtre de mon abris de fortune et un halo de lumière vient réchauffer mes jambes emmitoufflées dans les couvertures. La chaleur irradie.
Que c'est bon !
Ainsi lovée, coupée de l'extérieur, en sécurité, il devient difficile de trouver une raison de me lever... Mais la vie n'attend pas. Et si vous êtes à la traine ou souffreteux, elle ne fera qu'une bouchée de vous. C'est ainsi que va le monde. Il appartient aux audacieux et à ceux qui ont la volonté de se battre...
Dans un grognement étouffé, je m'extirpe sans ménagement de mon cocon de chaleur, le froid ne tarde pas à m'assallir. La jument, elle aussi éveillée, m'observe de son oeil brillant d'intelligence, et de douceur.
Brave bête que tu es, jamais je ne trouverais aussi fidèle monture.
Bellona était arrivé à la maison le jour de mon 9ème anniversaire. Mon père l'avait acheté une bouchée de pain à un marché aux bestiaux. Jamais la jument n'avait été travaillée, il était même difficile de l'approcher. Mais nous nous sommes armés de patience, et un an plus tard nous disposions d'un cheval de travail polyvalent. Brave, volontaire et calme en toute circonstance.
Que je suis heureuse de l'avoir à mes cotés en cet instant... Je me sens, en quelque sorte, moins seule.
Je m'approche de l'animal à la robe grisonante et dépose une caresse sur son front. Aussitôt, je suis happé...

◇ L'herbe est verdoyante dans la prairie, appétissante. Je suis bien. Je ne suis pas seule. On prend soin de moi.
Au loin, de petits cris stridents. Ce n'est rien, j'y suis habitué. Non, pas besoin d'avoir peur. Pourtant, il faut tout de même que je vérifie, que je m'en assure. J'observe ; c'est bien elle. Petite, elle est si petite. Elle accours vers moi, puis me tend sa main avec délicatesse. Mon nez entre en contact avec ses doigts gracilles : Bonjour Petite. Elle viens alors couvrir mes yeux avec tendresse. Je n'ai pas peur. J'ai confiance en toi Petite. Pourtant je ne voie plus!
Mais continu, je suis bien... ◇

Le retour dans le présent est toujours abrupte. Comme une déchirure, un lien qui se rompt. Retrouver sa propre conscience, ses souvenirs, sa douleur.  Et lorsque je permet à mes paupières de s'ouvrire, je me rends compte que celles-ci sont humides. Mon regard capte celui de Bell, un regard empli de sollicitude et de confiance. Oui, elle croit en moi. Je me jette alors sur elle, et m'agrippe à son encolure avec force. Elle ne bouge pas. Elle connait déja ma douleur et accepte ma souffrance sans rechigner, celle que j'ai besoin d'évacuer, celle toute récente, ce deuil inachevé. Mes doigts s'encrent avec encore plus de désespoire dans son pelage, et je laisse libre court à ma peine. Tout me manque. Depuis que j'ai entamé ma marche, mon coeur meurtri hurle de douleur. Je fais de mon mieux pour être forte et avancer, et je continuerais de le faire! Mais la plaie est toujours à vif. Il est trop tôt encore. Il faut laisser du temps au temps. En attendant, je ne peux que m'apitoyer sur mon sort.
Bientot il faudra repartir.
Je reste donc ainsi de longues minutes, emplissant le creux dans ma poitrine de chaleur et de sérénité. Bellona a toujours été le meilleur remède pour atténuer mes maux et me faire oublier la solitude.
Pour m'aimer.

J'ai repris la route. C'était difficile au début, d'avancer. Mais très vite la mécanique s'installe. Marcher, toujours marcher. Lutter contre le froid, la neige et de nouveau avancer. La tempête de la nuit dernière n'a rien épargné, les animaux même restent niché dans leurs terriers. Le sol de neige immaculé frôle mes rotules et la douleur que m'infligent mes orteils ne me laisse pas un seul moment de répit. Bellona semble autant en difficulté que moi. Le confort de la forêt est à présent bien loin derrière nous, et sous nos yeux seul s'étendent les immences plaines de Lancesna, vêtu de son manteau le plus blanc. Il s'agit du territoire le plus vaste, après la forêt d'Ef, au Nord de Mag Del ; qui comprend également les côtes Ivory ainsi que le mur de Bréenne. J'aime la géographie, en particulier celle du continent d'émeraude. Je m'en abreuvais constamment autrefois, au travers des énormes livre que mon père m'offrait en cadeau ; trouvailles de ses excursions.
Le continent d'émeraude est une vraie petite merveille en matière de biodiversité! Une telle variété de milieux, et une faune particulièrement exotique. En effet, Mag Del est le seul territoire que les différents peuples s'autorisent à partager, et le seul à pouvoir tous les accueillir également. Aucun paysages ne se ressemble.
A son contraire, il me semble par delà mes lectures que les continents de Saphir et de Rubis sont bien moins diversifié. Il en va de même pour la Lune Blanche : Fé Rely, terre flottante et sanctuaire du peuple Céleste.

Ces territoires ne comprennent qu'une seule biotope* , aux conditions parfois hostiles ne permettant pas le développement d'autres civilisations. Le continent de Rubis n'est qu'une vaste fournaise, un volcan actif et monstrueux implanté au milieu de l'océan Argarique. La chaleure y est accablante, les plantes inéxistantes. Un paysage de colère suintante et de rancoeur dégoulinante. Les éruptions, fréquentes ébranle jusqu'à la pointe Est de Mag Dell. Peu de peuple peuvent se permettre de s'y établir, aussi est-il essentiellement occupé par l'espèce la plus résistante, mais également la plus rare ; les dragons. J'ai aussi pu lire que certains démons c'étaient exilé sur ce territoire, surement en quête de se faire oublier.
La Lune Blanche, elle, est unique en son genre. Tel un satellite, elle est reliée à la gravité de notre planète, cependant à une altitude qui dépasse l'entendement. On appelle "jours de nuit" la semaine durant laquelle Fé Rely se trouve au dessus de nos têtes. La cité est ci grandes, que le temps de sont passage celle-ci occulte les rayons du soleil.
Sur cette île, rien de naturel, tout artificiel. Un univers de confort pour des êtres tout aussi délicats que puissants. Des anges vangeurs. Ou déchues. On ne le saura trop jamais...

Quand au continent de Saphir, il est celui sur lequel je porte le moins de connaissances

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Quand au continent de Saphir, il est celui sur lequel je porte le moins de connaissances... une terre cachée, en partie submergée et occupée pas un peuple mystérieux qui n'aimerait pas se montrer. Les dires voudraient que leur cité se trouve sous les eaux, engloutie. Je ne sais rien de plus que les mythes qui les décrivent : des êtres ignobles, visqueux, qui vous attireraient vers les bas fond pour vous dévorer. Mais autant dire que je ne préfère pas trop m'y référer, il faut savoir rester critique, peut être tout cela cache-t-il un tout autre secret qu'il serait préférable de conserver à l'abris des curieux ?

Cela doit maintenant faire 6h que je marche, gelé jusqu'aux os ; la fatigue commence à se faire sentir. Terriblement. Mon dos grince de protestation et mes genoux flanches à chaque enjambée. Si je ne m'arrête pas bientôt, il est fort probable que je m'écroule. Bell semble elle aussi ne plus en pouvoir, son souffle se fait plus bruyant qu'à l'accoutumé et il exalte de ses nasaux une brume opaque de condensation.
Pourtant, le relief montagneux qui se dessine au loin me remplis d'espoir et, revigoré, j'accélère la cadence.

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* Biotope : aire géographique caractérisée par des conditions climatiques et physiques homogènes permettant l'existence d'une faune et d'une flore

ABYSSE - T1. DamnationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant