Mon meilleur ami était resté jusqu'à la fermeture, sans jamais se lever de sa banquette. Il n'était pas là pour danser. Je regardais ses verres se remplir et se vider. Il était comme emporté par un courant violent, malmené par les vagues. J'étais impuissant, la main tendue vers l'abysse où il coulait.
Sa lèvre avait légèrement gonflé et le bord de son œil commençait à noircir. Je l'avais plus souvent connu avec la gueule cassée qu'autre chose. C'était un bagarreur. Souvent le premier à cogner...
Après la fermeture, il traîna de longues heures sur la promenade qui longeait la rivière. Jusqu'à trouver un banc où s'asseoir. Il errait comme moi. Mort à l'intérieur.
Vers dix heure du matin, son téléphone sonna. Son ex. La terrible, insupportable et collante Nadège. Cette meuf avait trouvé le bon plan. Consommation gratuite en écartant les cuisses. Et Dylan s'en était contenté un moment. Mais, il y a quelques mois de ça, il avait décidé d'avoir mieux. Qu'en était-il aujourd'hui ?
- Réponds pas, t'as assez de problèmes comme ça.
Les sonneries s'accumulaient et il fixait l'écran. Et quand il fut enfin trop tard pour répondre, il continua de fixer son portable. Son visage trahissait quelque chose de grave... Il faisait plus qu'hésiter à rejoindre cette meuf. On aurait dit qu'il tergiversait entre deux voies. Deux vies. L'homme qu'il était et celui qu'il voulait être... Je posais ma main sur son épaule, même s'il ne pouvait pas la sentir.
Il releva la tête, inspira un grand coup et rangea son portable dans sa poche. J'espérais de toute mon âme qu'il ait fait le bon choix...
Quand il partit, je ne le suivais plus. Sarah devait être levée, je voulais la voir. Même si j'avais cette peur de ne pas la trouver seule... Et, pour retarder l'instant, je marchais.
Les rues étaient désertes. De ce côté de la ville il n'y avait que des bureaux et nous étions dimanche. J'étais presque aussi seul que j'étais mort... Le ciel était gris, la pluie menaçait et le vent balançait ses bourrasques sans pouvoir m'atteindre. J'étais hors du temps. En mouvement mais figé. Mort mais toujours là. Amoureux mais ignoré...
Sarah était seule dans son lit, encore habillée. Il était midi passé. Le visage marqué par les larmes qui avaient ruiné son maquillage. Ses cheveux en bataille. Elle était réveillée, recroquevillée autour de mon oreiller comme une enfant effrayée. Ses doigts jouaient avec le petit éclair à son poignet.
Oh, ma Sarah...
Chaque fois que je la quittais et que je revenais vers elle, je découvrais une réalité différente. Un coup elle luttait, l'autre elle était rattrapée par le chagrin. Combien de temps encore cela allait-il durer ?
Sur sa table de nuit, son téléphone se mit à vibrer. Alice avait cherché à la joindre plusieurs fois vu le nombre d'appels en absence. Sarah se décida à donner un signe de vie. Elle pianota sur son clavier tactile, un message bref...
« Ok, ça va, je dors. »
Et avant qu'elle ne repose son téléphone sur le meuble, un autre appel arriva.
Cécile, sa mère.
Depuis ma mort, elle avait soigneusement filtré chacun de ses appels. Refusé de lui ouvrir la porte les quelques fois où elle était venue. Et je ne savais pas pourquoi. Je les avais toujours connues très proches, complices et inséparables. Et j'adorais Cécile. Elle avait un peu comblé le vide laissé par ma mère. Je ne comprenais pas. Et je voyais bien sur son visage que sa mère lui manquait...
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Ce qu'il reste de nous
RomanceAprès sa mort David erre auprès des siens, simple spectateur de la vie qui était la sienne. Jour après jour, il remet en question son vécu, ses amours, ses actes. Alors, quand la femme qu'il a aimé toute sa vie commence à se reconstruire, à envisage...