Chapitre 6

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La scène qui se déroulait sous mes yeux m'emplissait de joie autant qu'elle me brisait le cœur. Ma famille était attablée dans la salle à manger de mon père, dans la maison où j'avais grandi, pour célébrer mon anniversaire. J'aurais eu vingt-six ans aujourd'hui...

Dylan était assis à côté de Sarah, mais ils ne se parlaient plus. Et osaient à peine se regarder. Alice était à côté de mon père, qui semblait un peu nerveux. Je savais pourquoi...

Ils attendaient un dernier invité et quand il sonna à la porte, papa se leva en regardant Sarah. Inquiet.


- J'espère que tu ne m'en voudras pas ma belle.

- C'est ma mère, n'est-ce pas ? demanda Sarah en se redressant sur sa chaise.

- Je ne pouvais pas ne pas l'inviter...


Je le suivis jusqu'à la porte d'entrée. Heureux de revoir Cécile. Celle-ci était habillée telle une femme d'affaire, comme toujours. Son long gilet en laine grise était la seule pièce de sa tenue qui indiquait qu'elle était en week-end. Elle tendit un bouquet de fleurs à mon père qui la prit dans ses bras. Ils étaient amis de longue date. Comme Dylan et Sarah, ils avaient partagé la même douleur à la mort de ma mère...

C'est fou comme l'histoire se répétait.

Je regardais Sarah qui était anxieuse. Elle voulait revoir sa mère mais se l'interdisait et j'ignorais encore pourquoi. J'attendais beaucoup de cette soirée. Entre Alice qui l'évitait, Dylan qui semblait mal à l'aise en sa présence depuis leur escapade un mois plus tôt, Sarah avait beaucoup de choses à régler. Sa mère la suppliait du regard...

Cette dernière s'installa en bout de table, entre sa fille et mon père. Il avait ajouté un couvert à l'autre bout, pour moi...

Alors je prenais place avec eux, même si ils ne pouvaient pas le savoir.


- Sarah, viens m'aider à la cuisine, demanda mon père.


Elle bondit brusquement de son siège et fila dans l'autre pièce, presque en courant. Trop soulagée d'avoir l'occasion de s'échapper du piège qu'il lui avait tendu. Mais mon père avait forcément une idée derrière la tête.


- Ta mère a l'air très fatiguée, tu ne trouves pas ? commença-t-il en ouvrant le four.

- Peut-être.

- Sarah...

- Paul, je vous en prie. Je vous adore, mais ne prenez pas sa défense. Vous ne savez rien.

- Je ne voulais défendre personne. Je voulais qu'une fille se réconcilie avec sa mère. Une mère qui sait quelle chance elle a de t'avoir.

- Pas ce soir.


Sarah n'arrivait pas à lui faire face. À ses mains crispées sur le rebord de l'évier, je devinais qu'elle voulait s'empêcher de pleurer. Mon père continuait de s'occuper de son plat de lasagne en la laissant se calmer. Mais elle avait tant de colère en elle...

Elle en était là : la colère.

La rage.

Contre moi, le monde, l'amour et elle-même. Personne n'était épargné. Et, tandis que papa quittait la cuisine, Cécile le remplaça.

Ce qu'il reste de nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant