Chapitre 3

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Sarah était adossée contre la porte de notre foyer. Notre cocon. On l'avait rêvé longtemps avant de pouvoir nous le permettre. Vivre avec elle avait été ma plus grande motivation pour trouver du travail. J'avais rêvé lui offrir une vie de reine. Sans calculs interminables à la fin du mois, sans soucis ni manque.


...


- David voulait que tu deviennes sa femme, avait dit mon père.

- C'est pas un secret, on...

- Non tu ne comprends pas, il allait te demander ta main. Il était venu me voir une semaine avant...


Parler de ma mort était encore trop difficile. Mon père reniflait en frottant son nez d'une main tremblante. Ses yeux rouges trahissaient sa fatigue autant que sa douleur.


- Je lui ai donné la bague de sa mère. C'était plus qu'une promesse, il était décidé.

- Je le voulais plus que tout !

- Où est-elle ?

- Quoi ?

- La bague ?

- Je ne sais pas. Il l'aura sûrement cachée en attendant...


Mais Sarah ne l'écoutait plus. Elle filait vers l'appartement, rapidement, sous le regard triste de mon père. Il s'en voulait, et moi aussi. On aurait dit qu'il venait de la gifler en plein visage. Et culpabilisait comme s'il l'avait vraiment fait.


...


Je ne m'attendais pas à ce qu'elle réagisse si mal. Même si je me doutais que ça la ferait souffrir. Elle semblait si abattue, comme choquée. J'aurais voulu lire dans ses pensées...

J'allais à le fenêtre pour regarder mon père partir. Ce n'était pas le moment de la laisser seule, même si elle ne savait pas que j'étais là. Quand je la regardai à nouveau, elle s'était levée. Et elle semblait en colère, sur le point d'exploser ! Ce qui ne tarda pas.

Elle commença par arracher tous mes vêtements de leurs cintres dans la penderie de l'entrée. Perdant l'équilibre, tombant sur le tas de linge plusieurs fois. Criant quand quoi que ce soit lui résistait. Puis elle fouilla chaque poche, chaque doublure déchirée à la recherche du bijou. Les chaussures furent toutes retournées, balancées dans tous les sens. Jamais je ne l'avais vu si enragée !

Je restais dans un coin, à la regarder péter les plombs, comme un enfant puni...

Six mois plus tôt, un peu après mes funérailles, elle avait pris soin de ranger chacune de mes affaires comme pour les garder et ne plus y toucher. L'appartement s'était vidé de mon bordel et de ma présence sans que pour autant je ne perde ma place. Elle mettait de l'ordre, pas seulement dans l'espace. Notre chez nous me faisait penser à la maison de mon père. Figée dans l'après. Comme de l'espoir plié, rangé, entassé dans des meubles, se recouvrant de poussière sans jamais mourir pourtant... Papa attendait ma mère, et Sarah m'attendait moi...

Mais le chaos qui régnait à présent n'avait plus rien à voir avec l'espérance. C'était de la rage.

Sarah était par terre, le dos contre le pied du lit, épuisée. Elle n'avait pas trouvé, évidemment. Mes t-shirts et mes pulls étaient éparpillés autour d'elle, comme si une bombe avait explosé. Elle observait les vestiges de l'ouragan de douleur qui l'avait submergée, sans bouger. Je ne savais plus quoi faire. Je ne pouvais rien faire...

Ce qu'il reste de nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant