Chapitre 2 Daniel

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Daniel

C'est un vrai déluge qui s'abat sur Limoges depuis vingt-quatre heures. Les quelques mètres qui séparent ma voiture de la maison de mes parents ont suffi pour me tremper jusqu'à l'os. À l'abri dans la véranda, je m'ébroue comme un chien.

Ma mère, toujours aussi prévenante, arrive aussitôt, une serviette dans une main et une tasse de thé fumante dans l'autre.

— Sèche-toi vite avant de tomber malade et avale-moi ça, m'ordonne-t-elle.

J'ai beau avoir vingt-six ans, elle continue de me couver comme si j'en avais dix.

Je secoue la tête, à la fois exaspéré et amusé par ses directives, et accepte de bon coeur le mug qu'elle me tend.

Puis je lui emboîte le pas tandis qu'elle rentre dans le séjour. Elle se retourne et me lance un regard torve.

— Où crois-tu aller comme ça avec tes chaussures pleines de boue ?

— Euh...

— C'est bien ce que je pensais. (Elle m'indique d'un signe de tête les chaussons alignés près de la porte.) Ah, ces hommes ! Toujours à croire que la serpillière se passe toute seule, maugrée-t-elle.

Je n'ai jamais été le genre de fils ingrat qui n'en fiche pas une ramée pour aider ses parents. Même si j'ai déménagé de chez eux depuis bientôt quatre ans, je passe plusieurs fois par semaine et aide mon père à retaper le grenier qu'il a décidé d'aménager en pièce à vivre. Cependant, manier le tournevis n'est pas la discipline dans laquelle j'excelle le plus. Je suis un piètre bricoleur, je l'avoue. Mais là n'est pas le problème, ma mère est une râleuse dans l'âme. Quoi que l'on dise ou quoi que l'on fasse, elle rouspète. Et elle adore ça.

Son côté bougon en impressionne plus d'un, à commencer par Camélia, ma fiancée, qui n'a jamais vraiment réussi à communiquer avec elle, surtout ces derniers temps. Pourtant, derrière cette facette bourrue se cache un coeur immense. Ma mère serait prête à tout sacrifier pour nous. Il faut dire que nous sommes une famille réduite, composée uniquement de trois membres. Je suis fils unique, comme mes parents avant moi. Je n'ai donc ni oncle, ni tante, ni cousin, ni cousine. Je n'ai jamais connu mes grands-parents maternels – ils sont morts quelques années avant ma naissance. Et mes grands-parents paternels, eux, sont décédés quand j'étais tout gamin, à quelques mois d'intervalle seulement. Mon père et moi sommes le centre de l'univers de ma mère et réciproquement.

Une fois mes chaussons enfilés, l'accès au reste de la maison m'est enfin autorisé. Je prends place au plus près de la cheminée pour essayer de réchauffer mes membres engourdis par la pluie glaciale. Je ferme les yeux un instant et me laisse bercer par le crépitement des flammes. Mon corps se détend doucement, ramolli par la chaleur vive que dégage l'âtre rougeoyant.

— Où est papa ? demandé-je à ma mère qui vient de s'installer à mon côté.

— Dans le jardin. (Elle secoue la tête, dépitée.) Il bataille avec le barbecue.

— Tu rigoles ?! Il pleut comme vache qui pisse. Ne me dis pas qu'il prépare un barbecue !

— C'est pourtant le cas.

Elle secoue une nouvelle fois la tête.

— Je te jure, s'il chope un rhume, ça va barder ! Monsieur avait envie de poisson grillé.

— Et il ne pouvait pas se les faire griller ici ?

De l'index, je désigne la cheminée.

— Après tout, il y a un feu ici aussi.

Mon Crush Mes Bêtises Et Moi [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant