Chapitre deux : Leo

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Avec Fox, il avait écoulé tous les sujets de conversations possibles, passant de la ville de Rinvik à son école, sa famille, ses amis. Il avait été très évasif sur chacun des sujets. Mais elle sut qu'il travaillait pour son père à la boulangerie principale de Rinvik et qu'ils avaient été dans la même école.

Mais celui sur lequel il avait coupé court était sur la catastrophe. Ce qui l'avait étonné, c'était que Fox n'en n'avait entendu nulle part. Il voyait qu'elle voulait en savoir plus mais elle n'insistait pas.

Il s'était passé quelque chose de terrible et d'effrayant.

« Leo, je suis désolée, mais si c'est la fin du monde, je dois savoir », finit-elle par insister. Elle avait raison et les yeux de Leo se remplirent de larmes. Il les essuya du revers de la main, pris une longue inspiration et commença :

« C'était horrible, affreux même. Je n'ai jamais vu ça de ma vie. Tout à commencer par des saignements de nez sur une bonne partie de la population. C'était il y a quatre jours. Tout le monde pensait à une allergie printanière ou une réaction dû à la mauvaise météo. Personnellement, je pensais plus à un virus. Mais dans tous les cas, rien n'était inquiétant.

« Le lendemain, les plus âgés se mirent à saigner des oreilles et des dents. C'était vraiment bizarre, mais ils ne souffraient pas. Le soir même, les enfants n'avaient plus de saignements de nez, alors on avait tous espoirs que ça finirait. Pendant la nuit, tous les adultes perdirent toutes leurs dents. Ils se réveillaient dans une flaque de sang, leurs oreilles et leur nez continuant de saigner. Le matin d'après, les cheveux et les ongles se mirent à tomber aussi.

« On était tous effrayés. Alors les habitants sains ont décidé de parquer les malades dans la crainte que ce soit contagieux. Mais ça ne l'était pas, au final.

« L'après-midi du troisième jour, ils... Leo prit une inspiration avant de continuer. Ils se sont tous arracher leurs propres yeux. Avec leurs mains, ils ont tiré dessus et ont tranché les nerfs optiques avec un couteau. Ensuite, ceux qui avaient un cristal l'ont arraché, mettant leur nuque en sang, avant de mourir dans d'horribles gémissements. »

Fox eu un sursaut d'horreur « tu veux dire que des porteurs de cristaux ont arraché leur propre cristal ? Mais dans quel but ? Et pourquoi les dieux s'en prendraient à eux ? Ils n'ont jamais rien fait de mal ».

« Ce n'était pas les porteurs de cristaux sains, c'était tous des cristaux verts. »

Fox émit un soupir de soulagement.

***

La route défilait sous la voiture. Malgré l'eau, Leo avançait vite. Le vrombissement de la voiture et la pluie tombant sur la carlingue créait une atmosphère paisible. La bruine qui s'était installée redonnait l'espoir que la seconde mousson finirait vite. Leo repensait aux champs de blé et à toute cette farine qu'ils n'auront jamais pour la saison prochaine. Le ventes de la boulangerie seront réduites à néant. Son père sera encore plus insoutenable pour toute la famille.

Mais il devait laisser ses pensées négatives de côté. Tout irait mieux maintenant. Il quittait Rinvik pour Gredvik. Il finirait par trouver un moyen d'atteindre les montagnes afin de recommencer une nouvelle vie.

Il aurait tellement aimé avoir l'insouciance de Fox. Dans le rétro intérieur, il la voyait étendue sur les sièges arrière, à regarder le paysage avec des yeux admiratifs. Il ne prenait plus le temps de regarder autour de lui depuis longtemps. Il avait oublié à quel point la forêt du comté de Rinvik pouvait être si importante. Déjà onze heures qu'ils roulaient et ils n'en n'étaient toujours pas sortis. Ensuite, il faudrait remplir le réservoir d'essence et faire une pause pour dormir, sauf si Fox souhaitait conduire de nuit.

Gredvik était à une semaine de route de Rinvik. Normalement, le lendemain, ils attendraient un village à la sortie de la forêt. Avec un peu de chance, les habitants auront été épargnés par la catastrophe.

***

Mais la catastrophe n'épargna personne. Ainsi après une nuit de route où Fox y conduisit les deux tiers du temps, après avoir vidé un jerricane d'essence, ils étaient arrivés à Spoliarvik. Leo s'arrêta dans le but de trouver de quoi se nourrir et un peu d'essence. L'odeur lui prit le nez à peine il fut sorti de la voiture. Elle était encore plus forte que dans ses souvenirs. Fox avait relevé le col de son sweat kaki afin de se protéger de l'odeur acerbe. Leo fit de même avec son t-shirt gris. Ils avaient oublié la pluie qui trempaient leurs vêtements tant le spectacle qui s'offrait devant eux était horrible.

Une dizaine de corps en putréfaction avaient été rassemblés au milieu de la place du village. Les pavés de grés étaient imbibés de sang noirci par le temps. Le sang s'était infiltré dans les interstices, dessinant des trainées géométriques. Les cadavres n'avaient ni yeux, ni dents, ni ongles, ni cheveux. Autour de la place, les petites maisonnettes en grés, avec leurs barrières et les jardins dénotaient avec l'horrible spectacle. La couleur beige du gré s'imposait, grisée par la bruine. Les lampadaires éclairaient toujours à travers la pluie, nourrit par les éoliennes qu'il était possible d'entendre dans le fond. Leur zone de lumière, restreintes par la météo, se balançaient dans un rythme destructuré tout en grinçant.

Spoliarvik avait été un village très prisé par les touristes de Rinvik pour son charme et son accueil. Dorénavant, les maisons étaient vides de tout humain. On entendait çà et là des portes claquer. L'ambiance, digne d'une histoire d'horreur, donnait des frissons à Leo. Il ne voulait pas trainer dans les parages. Il fallait trouver de la nourriture et de l'essence. « Fox, fouille les maisons et prends le plus de bouffe possible ». Son ton n'avait pas été très amical, mais il souhaitait que les choses se déroulaient vite. Ils contournèrent par la droite la pile de cadavres en prenant soin de ne pas marcher dans le sang et ni de les regarder. Leo prit la première maison et découvrit un énorme garde-manger plein à craquer, une aubaine.

Après la catastropheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant