Chapitre 1

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Huit ans plus tard

Je marche d'un pas rapide et m'engouffre dans la bouche de métro, je m'arrête quelques instants pour frotter mes mains glacées les une contre les autres. Je sors ensuite de mon sac noir mes écouteurs afin de me couper du monde et des gens qui me regardent avec curiosité. T'en va pas d'Elsa Lunghini retenti alors, me procurant des frissons de tristesse.

Encore cinq stations.

Je suis bringuebalée dans tout les sens avant que le métro ne daigne enfin s'arrêter. Le dos courbaturé je me relève et sors des souterrains étouffants . Dehors il neige, je rentre mes mèches de cheveux rebelles sous mon bonnet gris et miteux, je me mets ensuite à courir jusqu'à notre appartement. Les bourrasques de vent m'empêche d'aller vite mais j'atteins tout de même la porte vert bouteille de mon chez-moi sans encombre.
-Bonjour papa, un homme de taille moyenne, vêtu d'un pantalon à bretelles se redresse lentement et me scrute de ses yeux bruns et chaleureux par dessus ses lunettes.
-Coucou ma poupée, comment c'est passé ta journée?
-Pas original, je me suis ennuyée...
Il me fait un petit sourire
-J'ai fait des pâtes à la carbonara, je sais que tu adore ça.
-C'est gentil, dis-je en souriant, je vais mettre la table.

Mon père est français, il est venu s'installer en Russie lorsqu'il à épousé ma mère, nous parlons donc français entre nous mais il n'a jamais voulu m'emmener en France avant cette année. Nous partons deux semaines, je suis si excitée! C'est un pays que je veux absolument découvrir, j'ai envie d'aller voir les musées, les châteaux, la Tour Eiffel et tout photographier! Je photographie tout les instants qui me paraissent importants ou qui sortent de l'ordinaire depuis la mort de ma mère. Les photos c'est mon jardin secret, ma chambre en est tapissée. Des clichés de mes parents, de l'école, du conservatoire de musique, d'une forêt d'Irlande, de Berlin et même des pyramides de Gizeh, en Egypte que j'ai visité à onze ans...

Je suis allongée sur mon lit, je m'assieds en tailleur et parcours ma chambre du regard. Elle est relativement petite mais j'ai quand même réussi à y caser un bureau, une petite bibliothèque et le plus important : mon piano! Je joue depuis toute petite, je me souviens comme si c'était hier du jour où j'ai eu une illumination.

J'étais dans une boutique un peu miteuse, il y avait de la poussière tous les deux pas et je me rappelle avoir toussé comme jamais. Nous étions ici pour acheter un nouvel accordéon à ma mère qui en jouait divinement bien. Dans mes souvenirs, au centre de la pièce se trouvait un imposant piano à queue. Ce n'est pas l'instrument qui a en premier attiré mon attention de petite fille mais plutôt l'homme assit sur le tabouret devant ce celui-ci. Il portait une vielle salopette en jeans, était mal rasé et couvert de tatouages de la tête aux pieds. J'ai sûrement froncé les sourcils, ayant un léger apriori sur le talent de cet étrange personnage, c'est à lors qu'il a entamé une mélodie incroyablement belle et émouvante. Je crois me rappeler être restée subjuguée quelques instants puis avoir tiré la manche de mon père et dis d'un ton catégorique "je veux apprendre".

Je m'installe sur le tabouret rouge hérité de ma grand-mère et entame Spring Waltz de Frédéric Chopin, cette même musique qui m'avait tant envoûté... Je me laisse porter par la mélodie et je m'imagine à Paris, dans un café, sirotant un jus de fruit. Spring Waltz est une des rare musique capable de me faire rêver; elle est particulière, vivante.

DRINNNGGGGGG
Je me réveille en baillant au corneille, j'ai juste le temps de m'étirer un peu puis je saute de mon lit, dévale les escaliers en courant et manque de tomber la tête la première sur le tapis vert habillant le parquet de l'entrée(un souvenir d'Inde).
-Je suis là; papa?
Le silence me répond, je me demande où il peut être.
Je m'avance vers le salon aux murs exclusivement rouges, et vois mon père sur un vieux fauteuil en cuir les bras repliés et la tête penchée dans une position inconfortable. D'un geste nerveux je remets mes cheveux roux derrière mes oreilles. Mon père a beau avoir quarante six ans, il semble en avoir cinquante cinq révolu. Des cernes monstres accentuent sa ressemblance avec un zombie et ses cheveux poivres sels n'arrange pas les choses... il était plutôt bel homme pourtant mais la mort de maman l'a détruit aussi bien physiquement que mentalement. J'ai la sordide impression que l'aura de maman l'enveloppe comme si elle ne voulait le laisser partir. Mon père transpire la fatigue... je sors de ma contemplation et décide de le laisser se reposer.

En me promenant du côté du théâtre Bolchoï je m'arrête dans un petit café pour ingurgité un chocolat chaud. Demain je m'envole pour la France pendant deux semaines, ce pays que j'ai toujours eu envie de découvrir, à présent que le départ est proche je ressent une excitation inexplicable, je souris toute seule comme une folle tout en buvant ma boisson fumante.

Après quelques heures de marches dans les rues et ruelles de Moscou, j'entre dans une librairie poussiéreuse qui accueille des livres dégageant une odeurs ancienne que j'affectionne particulièrement. Je récupère Les fleurs du mal de Baudelaire puis rebrousse chemin jusqu'à chez moi.

En rentrant je m'assieds près du feu qui brûle dans la cheminée sûrement préparé par mon papa, et laisse mon regard vagabonder dans la pièce, je reste fixée sur la neige qui tourbillonne dehors enveloppant la ville de son manteau blanc.

SunshineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant