Alice

Chapitre 5 : Honte

Bruyant. Voilà le premier mot qui m'était venu à l'esprit lorsque je me suis assis à cette table. Je mangeais aux côtés de vingt autres inconnus, sur une table en bois qui penchait, assis sur un tabouret dont je doutais de la solidité.

Un bol remplit d'une soupe verdâtre, et un verre d'eau. Même pas un petit morceau de pain. Pas de viande ou de poisson pour accompagner mon repas.

J'observais mon voisin dévorer sa soupe avec appétit. C'était un gorille de deux mètres de haut et un mètre de large. Il me donnait des coups de coudes involontaires dès qu'il bougeait. Enfin, c'était ce dont j'essayais de me persuader : "involontaires".

Je cherchais Vaelle du regard. Elle était assise un peu plus loin avec Roy et une petite fille que je reconnu instantanément. C'était celle qui était aux côtés de Vaelle lors de mon réveil dans la forêt.

-T'manges pas, l'Chasseur ? demanda le gorille.

Je me retournais brusquement vers lui. Son visage était à quelques centimètres du mien et il me crachait son haleine au visage. Une odeur délicieuse, je vous jure.

-Je ... Je n'ai pas très faim, bougeonais-je.

-Ah ? C'bon pourtant. T'aimes pas ? dit-il en s'approchant encore plus.

-Oui, oui c'est bon ... Mais comme je te l'ai dit je n'ais pas faim ... répondis-je avec un rire nerveux.

Il fronça les sourcils. Mon corps formait à présent un angle à quarante cinq degré incliné vers l'arrière tant il était proche de moi. Il daigna finalement de se reculer et je pus enfin respirer. Je le regardais terminer sa soupe avant de me tourner vers la mienne. Je ne l'avais toujours pas goûté. Il faut dire que la couleur ne me donnait pas tant envie ...

Malgré ce que j'avais raconté à mon voisin, j'avais effectivement faim. Je finis par inspirer un bon coup en portant le bol à les lèvres. Parce que oui, on n'avait pas de cuillère, et j'étais obligé de boire ma soupe comme un enfant de huit ans.

Finalement le goût ne se révéla pas si terrible. C'était même plutôt bon. Je commençais enfin à réellement apprécier mon repas quand je reçus un violent coup de coude qui fit sauter ma soupe à mon visage. Je reposais précipitamment le bol sur la table et me penchais en avant. J'avais avalé de la soupe par le nez. Mon dieu. Je vais mourir.

-Ah bah merde alors, l'Chasseur y s'transformé en Cetelem ! s'exclama le gorille.

Toute cette zone de la table éclata de rire. Je fermais les yeux en me pinçant les lèvres. Je devais garder mon calme. Ferme la Nylander, si tu dis quoique ce soit ce monstre va t'arracher la tête.

-Aah ça va boude pas ! s'écria t-il en me donnant une (violente) tape dans le dos. T'm'en veux quand même pas, si ?

-Non, non bien sûr que non, répondis-je avec un faux sourire. Je vais me rincer maintenant.

Je me levais de table et quittais la pièce silencieusement. Je sentis le regard de Vaelle se poser sur moi alors que je passais devant elle.

Voilà, en plus de me prendre pour un meurtrier elle devait aussi se dire que j'étais un abruti. Non pas que je m'inquiétais particulièrement de ce qu'elle pensait de moi, mais j'avais pour habitude de faire attention à mon image. Et en l'occurrence, cette image ne cessait de se salir depuis cet ... événement.

Je m'arrêtais soudainement en plein milieu du souterrain. Je ne savais pas où se trouvait la salle de bain.

-C'est vrai qu'on ne t'as pas fait visiter finalement ...

-Hm.

-Tu comptes bouder encore longtemps ?

-Je ne boudes pas.