recueil.

abandon

J'avais toujours été à tes côtés. Je t'avais toujours soutenu, rattrapé quand tu tombais. C'était comme si ma vie avait commencé le jour où mes pauvres yeux gris avaient croisé ton regard pétillant, multicolore. Il m'avait fascinée, avait capturé mon cœur. Qu'aurais-je fait si, dans ce couloir, je ne t'avais pas croisé ? Le monde me paraissait si sombre que, à chaque fois que je posais mes yeux sur lui, une indifférence cruelle empoignait mon âme. Je n'avais envie de rien. Je devais me lever tous les matins ? Bien. Sourire à ma famille et mes amis ? Aucun souci. Travailler, pour avoir un avenir ? Aucun avenir ne se dessinait devant moi, mais je le ferrai quand même.

Cependant, tu m'as électrisée. Une explosion de couleur m'est apparue, et j'ai découvert à quel point le monde était vaste. J'ai appris à sourire, à rire sincèrement. Pour la première fois, j'ai découvert ce qu'était la chaleur. Le contact de ta peau contre la mienne faisait brûler tous mes sens. Et comme Icare, j'ai volé trop près du soleil. Je voulais l'atteindre, m'enivrant de la beauté éphémère de ce monde.

Et tu m'as laissé brûler. Me consumer devant tes yeux. Qu'avais-je fait pour mériter cela ? Ne t'avais-je pas tout donné tout dédier ? Et lorsqu'aujourd'hui, j'attrape le barreau de fer froid devant moi, le ciel est redevenu sombre. Le monde est de nouveau incolore. Mes sentiments se sont de nouveau envolé.

Tu m'as reniée. Je n'ai pas le droit d'être ici. Je devrais être loin, me complaire dans cette vie vide de sens. Mais je reste là, les joues mouillées de larmes. Je pleure silencieusement, en observant le spectacle devant moi. Je regarde les autres pleurer. Ils semblent tellement perdus qu'une moi passée aurait pu les comprendre. Celle qui t'a volé ton cœur est celle qui pleure le plus. Sa délicate main tient celle d'un petit garçon, qui pleure aussi.

Les larmes sont à l'image de la pluie qui tombe.

Parce que tu es mort, abandonnant le monde à son sort.

Tu m'as sauvée, pour mieux m'abandonner.

Je te déteste.