Chapitre 1
Je portais un important manuscrit sous le bras lorsque je pénétrai, sans y avoir été invitée, dans le très célèbre bureau de l’un des éditeurs les plus connus sur la place de Paris.
Nous étions en mai, pourtant l’air frais formait une buée à chacune de mes respirations. Pour l’occasion, j’avais dû emprunter un long manteau matelassé, trop étriqué, gênant le moindre de mes mouvements, au point de me mettre mal à l’aise. Lorsque j’arrivai à destination, une bâtisse de caractère se dressait sur plusieurs étages. J’avais vaguement hésité face à la haute porte verte en bois laqué. Piétinant, ressassant mes motivations, je me morigénai une dernière fois.
Les évènements se précipitèrent au moment où un livreur quitta le siège de la société d’un pas pressé, indifférent à ma présence. Instinctivement, j’en profitai pour entrer en toute discrétion. L'agitation de la rue laissa place à un étrange silence, troublé de temps à autre par des froissements de papier. Alors que je sondais les lieux avec une certaine appréhension, la réceptionniste hypnotisée par un écran d’ordinateur finit par se lever et tourner les talons pour aller vers un distributeur de boissons. Ses longs cheveux roux offerts aux regards de tous me stupéfiaient. Comme je n’avais plus de temps à perdre, je m’engageai dans le hall d’entrée raffiné où des éclairages diffusaient une lumière tamisée. La tête légèrement rejetée en arrière à l’affût du moindre danger, je me hâtai de repérer sur un panneau l’étage où se trouvait le directeur. Par chance, une moquette d’excellente qualité étouffait le bruit de mes pas. Après avoir ignoré les ascenseurs, je gravis les escaliers sans jamais croiser qui que ce soit, surprise de constater avec quelle aisance j’étais arrivée jusque-là.
Au dernier niveau, un étroit couloir lumineux égayé par quelques copies de toiles de maître suspendues à intervalles réguliers s’étendait devant moi. Depuis ma position, j’avisai alors le bureau de la secrétaire, en retrait. Le manuscrit toujours serré contre ma poitrine, j’attendais patiemment pour agir. Une employée se tenait de dos, entièrement absorbée par ses occupations. Son corps penché au-dessus d’une table de travail, elle paraissait étudier des documents. Tandis que je restais immobile, je tentais de localiser le bureau où je devais me rendre. Pendant ce temps, mon imagination envisageait toutes les possibilités pour y accéder. Après quelques minutes qui me semblèrent interminables, la jeune femme quitta le service, un dossier à la main. Alors sans perdre une seconde, j’avançai sur la pointe des pieds, le cœur prêt à exploser.
Une plaque apposée sur une porte venait me confirmer l’identité de celui que je devais affronter.
Du reste, il ne pouvait être pire que l’antihéros de mon roman ! Quoi qu’il advienne, mon corps ne se figerait pas pour devenir une nouvelle acquisition dans la collection de M. Spons ! Après avoir frappé un coup bref à la porte, je tournai subrepticement la poignée afin de me faufiler dans la pièce.
Le directeur de la société en personne était assis derrière un bureau imposant, absorbé par la lecture d’un livre. Il redressa la tête avec vivacité, plongea ses yeux dans les miens. Une lueur de stupéfaction étincelait devant tant d’aplomb tandis que sa bouche se plissait, dévoilant une contrariété évidente.
Les paupières mi-closes, l’éditeur m’accueillit par un silence glacial. Néanmoins, si son attitude m’indisposait, je m’attachai à faire en sorte de n’en rien laisser paraître, dans la mesure où je ne bénéficiais d’aucune autre alternative. Pour ne rien arranger, ma conscience me tarabustait. Je me doutais bien avant de venir là qu’il ne me faciliterait pas la tâche ! L’obsession de parvenir au bout de ma démarche, même si pour cela ma fierté s’en trouvait froissée, me poussa à avancer jusqu’aux fauteuils réservés aux visiteurs.
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Zoé Travis, l'Éternelle par Patricia LAURENT (Chapitres gratuits)
Science FictionZoé Travis, une jeune femme tourmentée, parvient par la ruse jusqu’aux bureaux d’un prestigieux éditeur, Matt O’Neill, avec la ferme intention de lui remette son manuscrit. Pour y parvenir, elle arrive à le convaincre du succès futur de l’ouvrage. L...