Little Twins

CHAPITRE 2 - LA MORT DANS LE SANG

CHAPITRE 2

L A M O R T D A N S L E S A N G

Les lueurs dansent sur le chemin. Je n'ai jamais pris la peine de prêter attention à ce genre de détails. Ces rochers que Dame Nature a taillé ci-et-là sur la route, ces hautes herbes valsant au gré du vent, cet endroit parsemé de pas et de débris. Toujours je n'ai ressentis qu'une simple antipathie en observant ce lieu démuni où se réfugient tous les Ratés. Aujourd'hui, sous la faible lumière qui nous éclaire et qui brûle la Sainte Forêt de Nihaka, je me rends compte que tout est absolument effrayant. Au loin, les flammes grandissent et grondent de plaisir lorsqu'elles engloutissent ces chantiers. Une nanoseconde, c'est le temps exact qu'ils leurs faut pour anéantir ce que nous avons mis tant d'années à bâtir de nos propres mains. Ces cabanes faites en bois massif servant d'abri aux égarés de la nuit, ces ponts abîmés reliant nos cités et nos villes. Est-il possible de perdre espoir en une telle soirée, s'il est encore possible d'admettre qu'il existe une once de ce sentiment en ce monde ? Dans notre monde.

La Sainte Forêt de Nihaka abrite nos souvenirs. Nos vies. Notre enfance. Elle est une partie de nous. Lorsqu'un Raté né, il est d'ordre et de coutume de plonger le nouveau-né dans l'eau sacré de ce lieu florissant, afin qu'il puisse puiser sa puissance dans les profondeurs de la terre. De nos terres. Pour beaucoup d'entre nous, ce qui se déroule sous nos yeux est un signe de malheur. La paix de reviendra pas. Et même les plus vaillant peinent à croire en une victoire idéaliste. Au-delà de ce ciel noircit par la fumée noirâtre de cet incendie, les étoiles ne brillent pas. Tout du moins, leur éclat ne nous parvient pas. Vivre dans l'obscurité totale est déroutant. J'ai toujours grandi de la sorte.

"Ne te montre pas. Reste caché et tu survivras".

Voilà ce que l'on me disait, étant enfant. Or, toujours, je n'ai eu de cesse que de rechercher cette lumière. La lumière du jour. Celle me permettant de vivre au grand air et laissant mes actes, ainsi que mon corps agir de leur propre chef. Interdisez à un enfant de sortir et il fera tout pour obtenir l'effet inverse. Oui. Mais jamais, le monde n'a été aussi sombre et cruel qu'il ne l'est aujourd'hui. Sous ce voile de gaz noir, il me semble que je suis plongé pour l'éternité dans une nuit infaillible. Mes jambes se dérobent sous mon corps et l'espace d'un instant, je me sens croulé et m'affaler sur ce sol caillouteux. Il est dur et froid, comme la nuit en ce moment même. J'ai la sensation d'entendre encore les cris des villageois s'affolants dans un brouhaha frigorifiant. Ou alors de percevoir en continu ces rires démoniaques qui appartiennent aux destructeurs de notre monde.

- SNYX15, te voilà enfin ... murmure une voix dans laquelle je ressens le soulagement.

Ce n'est que Nawel. Elle est effrayante. Sa chevelure blonde brûle de mille feux et accompagne les flammes tueuse de l'incendie. Son intonation me fait froid dans le dos, et instinctivement, je recule. Pourtant, ma tête me cris de me ressaisir. Ce n'est pas le moment, ni d'avoir peur, ni de désespérer.

- Ce n'est que toi, Nawel.

- Tu ne devrais pas m'appeler de la sorte en publique. Pense aux innombrables punitions qui t'attendent si un Divin te surprend à le faire.

- Un Divin ? Ici ? Ne raconte pas n'importe quoi Nawel, les seuls Divins aptes à nous observer en ce moment, son ceux que le ciel nous cache par cet étrange couleur bleutée, elle-même assaillit par ce noir infime.

- Tant de poésie dans une situation si déplorable. Quel étrange homme tu fais, Jamie.

Sa remarque a le mérite de me faire un esquisser un sourire. Nawel est une des seules femmes de mon village que je peux côtoyer sans pour autant avoir le sentiment de m'aventurer dans une relation allant au-delà d'une simple amitié. Et ici-même, le terme employé est faux. Je considère bien plus Nawel comme ma soeur qu'une petite amie potentielle. Tout comme moi, elle ne recherche pas le réconfort dans les bras d'un homme ou d'une femme, mais plutôt dans le combat et la victoire. Elle est mon identique et mon semblable. Ma camarade et mon ainée.