II

157 34 85
                                    

A l'intérieur de la salle du trône, le roi siégeait sur ce dernier, considérablement élevé et impeccablement doré.

Cette salle était la plus belle et la plus volumineuse de tout le palais.

Elle était longue, large et puissante, comme si rien ne pouvait la démolir. Le plafond s'étendait à perte de vue.

Deux énormes fenêtres étaient incrustées sur les murs droit et gauche.

Elle comportait des poutres tout le long de la salle.

Ses murs étaient colorés et gravés entièrement de dessins dorés et argentés. Pas un endroit d'un des murs de cette salle n'était vierge et pâle.

Curieusement, Chaoul ne mangeait ni ne festoyait avec les autres. Une coupe de vin à la main, il scrutait l'horizon sur une des deux grandes fenêtres donnant sur la vallée du Ran. Voir son peuple fêter la victoire avait était le but depuis le commencement de son règne, il n'en demandait pas plus. Il s'était fait la promesse que ce jour arriverait.

Ce calme et cette sérénité fut interrompus violemment lorsque les portes s'ouvrirent avec fracas.

Chaoul sursauta, observant avec frustration mais avec le plus grand respect le prêtre s'avançant vers lui.

Le roi posa sa coupe de vin sur le vaste accoudoir gauche de son siège imposant.

Sans même un salut respectif, le grand prêtre demanda :

" - Qu'est ce ces bêlements qui frappent mes oreilles, et ces mugissements de bœufs que j'entends ? "

Chaoul répliqua de suite ;

" - On a amené ces animaux de chez nos ennemis pour les sacrifier à Dieu, mais le reste nous l'avons détruit.

Assez ! Je veux t'apprendre ce que cette nuit Dieu m'a dit. "

Après un long silence, Chaoul, essayant de comprendre la gravité de la situation, déclara enfin ;

" - Parle.

Dieu ne t'a-t-il pas Sacré roi et Souverain du Royaume du Ran ? Dieu t'a chargé d'une expédition et Il a dit : « Va détruire ce peuple coupable et fais-lui une guerre d'extermination ! » Pourquoi donc n'as-tu pas obéi à la voix de Dieu et t'es tu jeté sur le butin faisant ainsi ce qui déplait à Dieu ?

A ces mots, le Souverain du Ran se leva.

Mais j'ai obéi à la voix de Dieu ! J'ai accompli la mission qu'Il m'avait donnée ! J'ai emmené Agag et l'ai fait prisonnier, et les autres je l'ai ais exterminés ! Puis le peuple a choisi dans les dépouilles du menu et du gros bétail le meilleur de l'anathème pour l'immoler à Dieu.

Assez ! Des holocaustes et des sacrifices ont il autant de prix que l'obéissance à la voix de Dieu ? Un prisonnier qui n'est autre que le roi repousse t-il le commandement de ton Roi ? Ah ! l'obéissance vaut mieux qu'un sacrifice et la soumission que la graisse des béliers ! Cette rébellion est coupable puisque tu as repoussé la parole de Dieu, alors Dieu te retire de la royauté. »

Les yeux de Chaoul fixèrent avec affront ceux du prêtre.

« -Non, murmura-t-il, les yeux luisants déjà de pitié. Tu ne peux pas me faire cela.

-Malheureusement, telle est la volonté du Maître. »

Et à ces mots, ce dernier lui tourna le dos, tête baissée, pour s'en aller.

« Pitié » ; supplia Chaoul.

Mais le prêtre ne se retourna pas, insensible et indifférent.

Alors Chaoul se précipita vers lui et le rattrapa, mais en voulant le retenir, il saisit un pan de sa tunique, ce dernier avançant toujours, Chaoul arracha le bout de tissu.

Le prêtre se retourna donc, sans même prêter attention au dommage de son vêtement. Il regarda longuement le roi, le morceau de tunique toujours dans la main de Chaoul.

Je suis coupable dit-il, car j'ai transgressé la parole de Dieu, toutefois ne sois pas si dur à mon égard, souviens toi de tous les bienfaits que j'ai accompli et apporté au peuple.

Et le prêtre regarda le bout de vêtements arrachée que Chaoul saisissait encore dans sa main ;

C'est ainsi que Dieu t'arrache la royauté, pour la donner à ton prochain plus digne que toi.

Et il dépassait les portes de la salle du trône laissant Chaoul seul et brisé, lâchant lentement le pan de la robe par terre.

« - Toi là-bas ; dit-il a un de ses serviteurs, posté derrière une poutre. Prépare moi l'exécution d'Agag sur la place publique dans deux heures.

- Oui mon roi.

- Et ne m'appelle plus comme cela ».

Chaoul observa le serviteur s'animer et partir informer sûrement son dernier ordre.

Il regagna docilement son trône, affaibli par la tristesse mais aussi rongé par la rage.

Oui, surtout la rage.

Mais cette rage devenait si intense qu'elle fit soudain place à la haine.

Il reprit sa coupe de vin pour la porter à sa bouche devenu sèche, quant au loin par la fenêtre il aperçut le grand prêtre s'éloigner de la ville à cheval, galopant, droit devant le soleil couchant encore brûlant pour cette heure de la journée.

Et il n'avait plus soif de toute façon ; il savait qu'à partir de ce jour il ne le reverrait plus jamais, du moins juste avant la mort de l'un d'entre eux.

Sa rage s'amplifia d'un coup ; grimpa dans son ventre, en sa gorge, puis se mêla à l'intérieur de ses yeux.

Si le serviteur était encore là, il aurait pris peur à la vue des prunelles de Chaoul devenues noires de vengeance.

Puis laissant pousser un cri de colère, il jeta son verre de vin avec violence, qui se brisa dignement au sol.

Ce vin rouge sombre, s'écoulant lentement, avec toute la grâce et la gravité qu'il comporte.





     Rouge Sombre || Fin

Rouge SombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant