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        Les jours passaient, aujourd'hui plus ennuyeux qu'hier, demain certainement plus monotones encore, avec toujours cette même lenteur qui affaissait les visages. Oui, l'été était arrivé, avait bousculé violemment le printemps, beaucoup trop tôt, beaucoup trop vite.

Ce matin-là, à peine le soleil avait pointé un de ses doigts vers la terre, que la vie animait enfin les allées étroites du petit village. De tous coins de rues les marchands, leur cargaison sous le bras, sur leur cheval ou leur voiture, se rejoignaient dans la rue principale pour installer leur stand.

Le temps passait lentement en quelque chose de familier chez chacun, les vendeurs et les clients se multipliaient autant que les bruits grandissaient. Au milieu de toute cette agitation, se fondant dans le décor mais quelque peu visible par cette innocence, un enfant marchait.

La misère recouvrait chaque parcelle de son corps frêle. Elle creusait ses joues pour laisser ressortir des pommettes saillantes. Personne ne le regardait, personne n'accordait un seul regard dans sa direction.

Ses vêtements, beaucoup trop larges pour lui, étaient sales et usés. Ils ne le couvraient guère de la brise matinale. Il portait un tiroir qui semblait lourd entre ses bras fins. L'objet était retenu contre son torse avec un bout de corde effilochée qui entourait la poignée pour se nicher en nœud dans sa nuque. Sur le bois, de petits et maigres bouquets de fleurs mauves étaient délicatement entrelacés les uns avec les autres.

La couleur des violettes détonnait avec la pâleur maladive de son vendeur. Pourtant, le petit garçon avait cette fissure franche qui semblait imperturbable entre ses joues. Malgré ces yeux délavés que l'on pouvait avoir l'un de ces jours misérables, ses iris marrons étaient traversés de l'étincelle d'espièglerie et d'insouciance de la jeunesse.

Elliott arpentait les rues tordues et étroites, là où le marché prenait forme. Il déambulait entre des cris forts et commerciaux qui s'élevaient en des bruits fracassants et violents.

Lui, marchait en silence, souriant imperceptiblement aux gens tout en brandissant l'un de ces plus beaux bouquets. Personne ne pouvait imaginer, ni la boulangère ni le cordonnier, ce que le petit enfant endurait, depuis l'extinction de son père. Il était maintenant le seul à supporter l'avenir de sa famille, à pouvoir subvenir aux besoins qui leur sont vitaux. Oui, le garçon devait oublier l'enfant pour devenir l'homme.

Sa mère et ses trois petits frères ne pouvaient assurer ce rôle de père, l'une beaucoup trop malade, les autres beaucoup trop jeunes. Derrière lui, son paternel n'avait pas laissé grand-chose, à par la cicatrice du souvenir de joie et la passion des fleurs. Il n'avait fait que ça de sa vie, rencontrer maman, élever ses petits et vendre des pétales. Eliott aurait voulu qu'un avenir plus glorieux l'attende dans l'ombre, voulant juste sortir au bon moment, en vain. Il était parti maintenant, mais ses fleurs dans leur minuscule jardin continuaient de pousser.

Le marchand de violettesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant