II

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        Le garçon continuait sa route. Il aimait contempler les gens autour de lui : les paysannes aux tabliers terreux, les mineurs aux gueules noires, les artisans aux paumes rugueuses, les avocats aux vêtements sombres. Le monde abrite des personnes aussi différentes les unes que les autres, et Elliott le savait.

Avec ses vêtements sales, il était forcé de lever la tête afin d'admirer les hommes de loi, aux costumes riches et élégants. Il en faisait de même pour la plus grande partie du village.

Alors qu'il était en train de lorgner sur des mets sophistiqués, il sentit une certaine pression enserrer subitement son épaule, telle une pâte d'ours sur la neige fraîche. Il se retourna brusquement, les sourcils froncés d'incompréhension. Un sourire carnassier et une moustache recourbée vinrent alors le rassurer.

L'homme, qui avait posé sa main sur l'épaule de l'enfant, était de grande taille, peut-être aussi imposant que les nuages, pensait Elliott. Il était vêtu d'un costume noir ajusté à ses courbes généreuses, ainsi que de chaussures si parfaitement cirées que le reflet d'Eliott s'y miroité. Sa peau blanche semblait transparente, contrastant avec son vêtement.

Maitre Bollard-Briagone demeurait un homme enjoué en toutes circonstances : le petit garçon l'avait toujours vu surplombé de ce sourire intimidant entre les joues. Comme s'il n'avait jamais eu une journée misérable, songeait Elliott en adressant un léger sourire à l'avocat.

« Bonjour Maitre », salua le gamin.

« Salut mon tout jeune ! » s'exclama son interlocuteur. « Il me semble que tu étais mieux portant, la dernière fois que nous nous sommes aperçus ».

Elliott ne savait que répondre. Sa mère lui avait appris à ne jamais rattraper les paroles des riches alors qu'elles étaient encore suspendues dans les airs.

« Comment puis-je vous servir, Maître ? » finit par dire le jeune garçon.

Alors, l'homme s'élança dans un discours tonitruant. Il expliquait par de grands gestes énergiques ses phrases sans queue ni tête, celles-ci se mélangeant sous le coup de l'enthousiasme. L'enfant se forçait à comprendre ces mots si majestueux en bouche, qui semblaient tellement jouissifs à prononcer lorsque l'on connaissait leur sens... Maitre Briagone, de sa main toujours posée sur l'épaule fine d'Elliott, vint y resserrer l'étreinte.

« J'ai besoin des plus belles de tes fleurs » conclu-t-il, « Cette femme-là adore les fleurs ».

Elliott continuait à le détailler, un bref sourire aux lèvres. Il savait que l'homme aimait goûter les femmes, comme si elles étaient des mets appétissants et envoûtants. L'homme, voyant que l'enfant ne réagissait pas, farfouilla dans le tiroir pour y trouver ce qu'il voulait. Il cherchait ensuite parmi les écus des pièces rondes et sales. Il en jeta deux dans la paume ouverte du garçon.

« Bonne journée, mon tout-jeune ! ».

L'avocat avait disparu rapidement du regard d'Elliott.Il regardait les mornes sous dans sa paume crasseuse, puis les plaça docilementdans la poche de son veston, songeant à ce qu'il pourrait ramener à sa famillele soir-même. Il continua à se frayer un chemin entre les hautes personnesautour de lui, veillant à regarder où se posait chacun de ses pieds.

Le marchand de violettesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant