La matinée n'allait pas tarder à s'achever tandis que je marchais, une fois de plus, le long de la route en me demandant ce que j'allais bien pouvoir faire une fois arrivé à Sarlat. Je savais déjà qu'il y avait un parc naturel un peu plus loin vers l'est ; sûrement un bon endroit pour se reposer quelques jours en établissant, pour de bon, un plan de route. Je ne parvenais pas à me concentrer tant que je n'étais pas à l'abri de l'adversité ; il fallait que je me pose. Pour l'heure, c'était la seule opportunité qui me semblait pertinente.
Mais plus qu'autre chose : j'avais énormément chaud à force de marcher. Mes cheveux, encore insolemment emmêlés, commençaient à mes coller au front et mes pieds se gonflaient dans mes chaussures. La terre me paraissait condamnée à brûler sous le tourment du soleil mais ce n'était que l'effet des kilomètres que j'avais englouti. Même ma moustache suait. Je dois dire que la chaleur me pesait doublement sur le dos car il ne faisait pas particulièrement chaud : c'était bien parce que j'avais un lourd sac sur les épaules et que je marchais depuis longtemps que je transpirais autant. Ce qui, d'ailleurs, ne faisait que renforcer ma haine envers Kaiser et Jean-Snob. Tout ça pour dire que l'envie de me laver me vint finalement assez naturellement. Elle me vint surtout du fait qu'il y avait un marché en plein milieu de la route, sur les chemins avoisinants. Il fallait même traverser pour faire l'aller-retour du bazar. Je me suis demandé qui était chargé de la logistique de l'évènement mais il apparaissait évident qu'il avait fait semblant de bosser. Mine de rien, il y avait du monde et j'ai commencé à croiser de nombreuses voitures à partir de là.
Je voyais de nombreuses silhouettes floues déambuler à droite et à gauche tels des âmes en peine dans le brouillard puis la brume s'est dissipé pendant que j'avançais. C'est parce que j'avais oublié de mettre mes lunettes, je m'en souviens maintenant.
Peu importe. Je fus assez surpris de prime abord mais j'ai rapidement vu des affichettes et des panneaux en carton de partout avec comme inscription « marché artisanal ». Je me suis encore demandé pourquoi le mec ou la donzelle de la logistique n'avait pas trouvé ça assez logique de foutre ce marché à l'intérieur-même de la ville. Même si, pour être honnête, la réponse n'allait pas bousculer grand-chose étant donné que j'avais eu un sacré coup de chance de tomber sur ce bordel.
Il y en avait vraiment de toutes les couleurs ; j'aurais voulu acheter au moins la moitié des stands que j'ai vu. Une femme vendait des bouquets de lavande qu'elle faisait pousser elle-même dans un immense jardin derrière chez-elle et ses fleurs sentait si bon, si précis, si délicat que j'ai cru être rentré à la maison en l'espace de quelques instants. J'ai aussi remarqué un bonhomme qui vendait des saucissons aux légumes ou aux fromages. Le type a voulu me faire goûter mais je ne digère plus la viande depuis longtemps alors j'ai refusé mais l'odeur m'attirait énormément. Je me demandais si les cochons n'avaient pas été bercés, parfumés et lavés avec du savon à la mangue tellement c'était agréable à renifler. J'en ai profité, d'ailleurs, en parlant de légumes, pour acheter des tomates fraiches et un petit melon. Ce n'était qu'une petite dépense et ça allait me servir de déjeuner. Je fus aussi appelé par les apparats d'un petit atelier de vieilles dames qui préparaient des fraises trempés dans du chocolat. Le fruit ressortait couvert d'une couche de chocolat bien compact. Je voulais me retenir de dégainer mon argent pour un simple plaisir passager mais l'une des bonnes femmes qui en faisait a commencé à me taper la discussion. Je lui ai expliqué ce que je comptais faire et d'où j'étais venu sans rentrer dans les détails du pourquoi du comment. Après ça, la donzelle m'a refilé un cône en papier rempli de fraises aux chocolats blancs, mon préféré. Elle m'a souri un moment, le visage déformé par les griffes du temps, puis a refait le chignon dans ses cheveux gris souris. Elle avait mis une baguette japonaise pour les attacher dans le style nippon (j'ai repéré les katakanas), c'était d'une élégance à souligner.
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Les Lavandes Épicées
AventureJe suis le prototype de l'écorché vif. Incapable de vivre sans angoisse pour me battre, j'ai préféré tout abandonné, tout jeter de ma carte d'identité à mes clefs pour m'enfuir. Retourner chez moi, dans ma ville natale où j'ai passé toute mon enfanc...