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Je dépassai un bâtiment sur ma gauche où une pancarte affichait « intendance ». J'y rentrai et découvris une femme tirée à quatre épingles derrière un comptoir. Coiffée d'un chignon soigné, son tailleur noir moulait parfaitement les formes de son corps. Elle rangeait des documents dans une boîte à archives et ne leva pas la tête à mon approche.

— Bonjour ! lançai-je assez fort pour qu'elle me remarque.

— Bonjour, répondit-elle sans lever les yeux vers moi et en continuant sa tâche.

Quelle impolitesse chez ces Spes. Hormis Connor, aucun ne dégageait une once de sympathie. Aurore avait été aimable, mais sans pouvoir l'expliquer, je ne la sentais pas.

— Mme Dura, repris-je en lisant son nom sur le badge accroché à sa veste, je souhaiterais téléphoner à ma mère, elle doit...

— Qu'avez-vous dit ? me coupa-t-elle, le visage pâle.

J'avais enfin attiré son attention. Ses mains tremblaient, elle le remarqua et elle les posa sur le comptoir sans me quitter des yeux.

— Je disais que je souhaiterais téléphoner à ma mère. Lorsque mon instructeur m'a enlevée, je devais la retrouver à l'aube ce matin, dans le hall des urgences. À cette heure-ci, elle doit s'inquiéter. Je dois la rassurer.

Mme Dura reprit de son assurance malgré son visage pâle. Je ne comprenais pas sa réaction.

— Mademoiselle, j'informerai au plus vite Aurore de votre demande.

— Mais...vous ne pouvez pas me passer un téléphone ? J'en ai pour cinq minutes...

— Non, me coupa-t-elle. Ici, je n'ai rien ! Je vais avertir Aurore !

Son ton changea, il devint plus ferme, même nerveux. Elle s'en alla aussitôt en disparaissant derrière une porte.

Je lus le plan qui me guida jusqu'à ma chambre. J'essayais de rester concentrée sur les explications mais mon esprit était resté à l'intendance. Je ne comprenais toujours pas le comportement de cette Mme Dura. Je n'étais pourtant pas en prison ! Je pouvais téléphoner à qui je souhaitais. Mon cœur se serra à la pensée de ma mère. Elle devait être morte d'inquiétude. J'étais déterminée. Si Aurore ne venait pas à moi, c'est moi qui irais à elle. Je lui laissais jusqu'à la fin de la journée.

Je m'arrêtai un instant, mes yeux allaient du plan au paysage qui se dressait face à moi.

— Je ne me suis pourtant pas trompée ? m'exclamai-je.

Je m'attendais à un bâtiment sinistre de deux étages, avec dortoir filles et garçons, mais pas à ça ! Après avoir longé la bâtisse de l'intendance, je débouchai sur une forêt qui s'étendait à perte de vue avec des petits chalets en bois éparpillés à cinq mètres de distance les uns des autres. J'aimais cette couleur du bois dans ce paysage montagnard. Les chalets étaient séparés par des cèdres et un sentier en terre où la neige avait été dégagée. Ma chambre portait le numéro dix. Je suivis des panneaux en bois qui indiquaient des tranches de chiffres. Je fus ravie de ne pas être dans le dernier chalet. Je montai les trois marches pour me retrouver sur une terrasse spacieuse et ombragée. Une table et deux chaises habillaient les lieux. J'ouvris la porte et contemplai l'espace où j'allais vivre ces prochains jours, mois, ou même toute ma vie. Cela ressemblait à une chambre d'hôtel mais en bien plus chaleureux. Un grand lit et deux tables de chevet étaient contre le mur principal. À côté, une porte donnait sur une salle de bains, avec deux vasques, une douche italienne et une baignoire. En face du lit, une télévision, une corbeille de fruits et le nécessaire pour se confectionner une boisson chaude étaient posés sur une table. Ce chalet était éclairé grâce à deux fenêtres principales dans la chambre à coucher et une autre dans la salle de bains. Le bois donnait un côté chaleureux et les teintures couleur lavande des rideaux, de la couette et des coussins apportaient la dernière touche. Oui, je me sentais bien.

EirennOù les histoires vivent. Découvrez maintenant