Moi, cet incompris

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Moi, cet incompris, qui cherche la beauté cachée dans ce monde de laideur, qui cherche à rétablir l'ordre des choses avec l'ordre des mots.

Moi, cet incompris solitaire, qui, enfoui dans mes pensées, pleure de tout le mal que vous me faites. Mes maux n'ont pas de cures, mes mots n'ont pas d'audience. J'écris cette lettre à ceux qui voudront la lire, à ceux qui pourront la lire, j'écris à ceux qui pourront comprendre ma peine. Plus personne ne voit ce que je vois, ni la douceur du vent dans les feuilles, ni la colère de la pluie. Plus personne ne pense ni ne réfléchit, plus personne ne voit ni le bien ni le mal que peuvent causer les mots. Plus personne n'utilise ce pouvoir : le pouvoir des mots ! Cette source de liberté insatiable qui ne paraît plus qu'illusion au vu de l'attention que vous lui portez, au vu de l'utilité qui en est tirée. Fut un temps où l'art des mots et de la musique transmettait des émotions et des idées, aujourd'hui ce n'est plus que quantité, sans fond ni passion, sans anges ni démons. Peut-on seulement appeler cela de la poésie?

Moi, cet incompris indigné, je m'échappe dans le monde des idées. Je préfère être seul dans mes pensées que mal accompagné. Mais comment m'échapper ? Comment me libérer du mal qui nous consume, qui réduit à néant l'imagination et la création ? Alors j'observe mon verre, qui se vide et se remplit , j'observe les plis de la nappe tachée de vin, et je m'évade. Je rejoins les ivrognes des bars, ensemble nous avons choisi de fuir cette réalité, choisi de dévoiler nos idées, nos pensées entre nous, car nous sommes trop éméchés pour que vous ne daignez nous écouter. Mais malgré leur compagnie, je suis seul, ils boivent pour oublier leurs problèmes, je bois pour oublier les vôtres, pour oublier les limites de vos esprits trop simples pour apprécier pleinement notre réalité, trop simples pour notre monde des idées.

Moi, cet incompris indigné par vos regards sur mes papiers, sur les pages rédigées de mes peines. Vous jugez ma détresse sans la comprendre, sans vous rendre compte que vous en êtes la cause... Vous vous complaisez dans votre ignorance...
Alors chaque soir je pleure dans mon lit, les draps imprégnés de l'odeur rance des plaies ouvertes de mon esprit.

Moi, cet incompris, qui tente de faire communier nos esprits, trop différents pour l'accepter. Vous vous indignez de mes paroles crues, mais vous êtes simplement têtus ! Ces paroles que vous dites "crues" sont en vérité, laissées longtemps mijoter et sont méticuleusement assaisonnées.

Moi, cet incompris, spirituellement solitaire, tous les ivrognes qui m'accompagnent ne sont que compagnons éphémères, ils vont et viennent; sans but précis.

Moi, cet incompris, pour vous, ivrogne indigné et seul, pour moi,  penseur clairvoyant.
Je suis le dernier poète de mon ère.
Je suis solitaire.

Pensées Furtive Et Idée VagabondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant