Chapitre 50 : Sifflement insultant

399 34 6
                                    

Qu'est ce que vous voulez que je vous dise après ça ? 

La journée passe, et je rentre chez moi. Qu'une seule envie, retourner au bar. Je dois jouer. C'est urgent. Je me sens tellement mieux, près d'un piano. 

Fermé. C'est fermé. J'y crois pas ! 

- Salut bonhomme ! 

Karen ! 

- Comment tu vas petite tête ? 

Elle tousse. Je sens l'odeur de la cigarette dans l'air planant au dessus d'elle. Je sais que je ne dois pas m'attacher aux gens. Je le sais ! Mais cette femme dégage quelque chose... d'éternel. Et c'est rassurant. Mon père me manque tellement. Et elle, elle est la. C'est pas du tout la même chose, évidemment. On ne peut pas comparer.

- Tu m'as menti, coco. 

Je hausse un sourcil. Jamais je ne...

- Il y a un club de musique dans ton collège. C'est Jessica qui me l'a dit. 

Oh la peste.

- Je pense que tu devrais y aller. On a qu'une vie après tout.

Sur ce, elle s'en va. 

Je souris. Extraordinaire, cette femme. Je l'adore. 
N'ayant aucune raison de rester planter là, dans le noir, je rentre chez moi. 

"Viens à ma soirée, vendredi prochain.

Je fais quoi ? J'y vais ? Au risque de m'ennuyer profondément, de revoir les visages de tous mes bourreaux du collège et de passer un vendredi soir à me faire tabasser ?

* Ça n'arrivera pas tant qu'il y aura Andréas. Ta gueule ma conscience ! C'est quoi ça ? Depuis quand t'appelles le blond comme ça ? Et c'est quoi ce faux sentiment de sécurité, quand il est là ? Tu sais bien qu'il faut pas se fier à lui même si... Bon sang. *

Je respire un bon coup.
Les bras croisés derrière ma tête, je suis allongé sur mon lit, dans le noir.

* En même temps si j'arrive à m'éclipser, histoire que personne ne sache que je suis là... je pourrai peut-être voir ma Lola ! Elle me manque tellement elle aussi... et pour ça je suis près à prendre le risque. Sûr que c'est pour Lola que tu veux y aller...? Oui. Non? Rhoooh.

Mes yeux se ferment tous seuls et je m'endors.

- Michael. Michael ! 

J'ouvre un oeil. Ma chambre est baignée d'une lumière dorée. C'est plutôt beau, vu qu'elle est presque toute en bois. La plante verte sur mon balcon, habituellement pendouillante car gorgée d'eau de pluie, est redressée, presque fière que l'astre lui accorde quelques rayons de soleil.

On tambourine à ma porte sans aucune discrétion. 

- Michael ! Habille-toi ! Prends pas de douche ça sert à rien ! 

La voix de Paloma.

* Qu'est-ce qu'elles manigancent...? *

Je me redresse péniblement et entame le processus de ma préparation matinale. 

Une heure plus tard... 

La piscine ? Elles m'ont sincèrement amené à la piscine ?! Bon... Si ça peut leur faire plaisir.

- Michael arrête de réfléchir et viens t'amuser !

Yasmine est vraiment belle en maillot de bain. Tous les mecs se retournent sur mes soeurs et j'avoue que ça m'énerve vraiment. Protecteur, je passe mes bras autour de leurs épaules et sourit. Je les dépasse presque, maintenant, en taille. On entre doucement dans l'eau. Elle est presque trop chaude, comme je l'aime. Je lâche mes soeurs et me laisse glisser.
Quelle sensation... J'ai l'impression de prendre un grosse bouffée d'air après des heures sans respirer. Je fais quelques longueurs et retourne voir Paloma. Elle est seule.

- Viens, on va au toboggan !

Je la regarde de travers. 

- Quoi ? T'as toujours aimé le toboggan ! Oh et arrête de me regarder comme ça, c'est pas parce qu'on grandit qu'on doit arrêter de s'amuser ! 

Je souris et sors de l'eau. Elle me suit. Soudain, un sifflement. À mes côtés, Paloma rougit, et ses épaules se recroquevillent légèrement. La gêne transparaît sur ses traits presque malheureux. Une fraction de seconde  plus tard je comprends. On a sifflé ma soeur. Pour son corps. On a sifflé ma soeur, comme un animal. On réduit tout son être à de la chair et rien de plus. Je comprends alors tout ce que peuvent ressentir les femmes, dans la rue, la nuit par exemple. Ce sentiment d'insécurité, la honte de n'être remarquée seulement pour leurs jambes, ou leur poitrine. Et je me jette sur le mec qui vient d'émettre ce son scandaleux. J'ai très envie de lui crever les yeux puisqu'il ne sait pas apprécier la beauté du corps humain et la respecter. Ce n'est pas seulement pour ma soeur, là, que je réagis comme ça, mais au nom de toutes les femmes qui se sentent insultées, par la gente masculine.
Quoi ? Parce que les filles se mettent en jupe, elles vous allument ? Parce que leurs jambes sont découvertes, leurs cheveux lâchés, leurs yeux maquillés, ce sont des putes ? Cela vous donne légitimement le droit de les interpeller, de les siffler...de les violer ? Vous savez quoi ? Même si une fille se promène nue, entièrement nue, devant vos yeux, vous n'avez pas le droit de la toucher. 

- MICHAEL ! ARRÊTE ! NON ! 

Trop tard. Le coup est parti, et la stupeur dans les yeux du mec et de ses potes, envolée. Un regard noir et méprisant le remplace. Tout va très vite et je me retrouve à terre, le souffle coupé. Je reprends ma respiration, toujours au sol, et balaie ma jambe pour faire tomber les siennes. Il tombe. Le bruit de son genou sur le carrelage froid de la piscine m'indiffère. Avec une grimace de douleur, je lui décoche un coup de pied là où ça fait mal. Et me relève, soutenu par ce qui me semble être un maître nageur. 

- On veut pas d'ennuis. Bougez de là. Et que l'on ne vous y prenne plus

Après un dernier regard noir, le mec et ses potes se cassent. Tant mieux. 

- Ça va pas Michael ! me hurle Yasmine, qui n'a assisté qu'à la bagarre. 

- Ça va, Yasmine, c'est un pauvre con qui m'a sifflée... répond Paloma. 

- Ne te bat pas en public, c'est tout ce que je te demande. La violence ne résout rien, Michael, on ne t'a pas élevé dans la violence alors tu n'as aucune excuse. On se fait siffler des millions de fois dans la rue, tous les jours, tu sais ? Qu'est-ce que tu veux, les gens sont cons, on ne peut rien y faire ! 

* On ne m'a pas élevé dans la violence, hein...? Peut-être pas toi Yasmine. Ni papa. Ni maman. Mais à l'école si, on m'a appris la violence.

Je n'en revient pas qu'elles acceptent la situation aussi facilement. 

- Ça va...? dit une voix hésitante. 

Oh putain c'est pas vrai, pas lui... 


Rencontre AccidentelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant