1 - Micka ne veut pas y aller

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Quand on a seize ans, on en a fini avec les vacances en plein air avec des moniteures relous qui font semblant d'être intéressés par des gosses qui ne voulent même pas être là. Quand on a seize ans, normalement, on part plus en colo "pour se faire de beaux souvenirs pour la rentrée". Foutaises. Les parents de Mickaël ne respectent aucune de ces règles, car Mickaël part actuellement en colonie de vacances après la fête endiablée de ses seize ans. Mais, attention, une colonie nouvelle génération, avec une description digne des téléréalités les plus beaufs :

-Des adolescents de quatorze à dix-sept ans, filles et garçons, se retrouvent dans un trou paumé sans téléphones, sans wifi, et avec des vieux qui les feront se coucher à vingt-deux heures. Durant ces quatre semaines, les candidats devront jongler entre ennui, ennui... Et sexe aussi si les filles sont bonnes, faut pas-

-Mickaël ! s'exclame sa mère.

Mickaël surprend Pam réprimer un sourire et il se rassoit avec fierté dans la voiture. Il sait que ses parents sont soulagés qu'il prenne finalement cette nouvelle avec le sourire. Il est tout de même déçu que ses stratagèmes n'aient pas fonctionné, et pourtant il y a mis du sien. Tant pis, avoir appelé la directrice de la colo', avoir simulé une crise d'asthme et avoir encouragé ses parents à se payer une croisière à la place de ses vacances, n'a pas suffit. Au moins, ça fera de bonnes histoires à raconter à ses amis à la rentrée (et Micka s'y connaît en narration mélodramatique).

Pendant qu'il pense à l'après-colonie, sa mère lui explique pourquoi elle a tant voulu l'y inscrire :

-Tu passeras de bons moments, tu sais. Je me souviens, quand tu étais plus petit tu me demandais tout le temps d'y aller, même en temps d'école.

-J'étais Young, dumb and broke. Mais surtout dumb, commente-t-il.

-Le grand air te fera le plus grand bien, s'amuse Pam, t'es tout pale et tu te fais bouffer par cette société trop anglophonisée.

-Écoute la voix de la sagesse.

Mickaël s'avoue vaincu et rit avec ses deux mères. Pam a toujours su mettre les gens de bonne humeur, un peu comme Micka. Et même quand elles ont émis cette idée affreuse qu'est la colo', elle a su détendre l'atmosphère. Il aurait bien voulu faire la gueule un après-midi pour mieux prouver qu'il n'était pas du tout content de cette idée, mais rien n'y faisait, avec un gâteau et un peu d'argent pour s'acheter des trucs pour la colo', il a arrêté de bouder dans son coin. Que voulez-vous, il est faible.

Pourtant, il continue à penser qu'une croisière aurait été un bien meilleur investissement. Quel gâchis.

*****

-Ne pleurez pas, ça m'a pris beaucoup de temps pour décider si je voulais être le mec mystérieux ou le gars sensible. J'ai choisi le gars mystérieux, ça m'évite de parler aux gens et en plus je me fais griller en moins de deux secondes quand je joue aux gars sensibles.

-Les gens mystérieux ne parlent pas autant que toi, remarque sa mère.

Il s'empêche de sortir un "ah oui, merde", le genre d'expressions que sa mère aime moyen et à la place il prend une expression qui veut dire la même chose. Il dit au revoir à ses parents et va voir le moniteur qui le guette depuis son arrivée. Il se dit qu'il a une tête à s'appeler Jacky ou Francisco avec sa moustache apparente et sa barbe mal rasée. Il porte une casquette et un short au-dessus des genoux. De là où il est, Mickaël peut même voir la broussaille de ses jambes. So sexy.

Micka a à peine le temps d'entendre Pam dire "maintenant on peut aller en croisière" et sa mère éclater de rire que Jacky Francisco lui saute dessus avec son calepin et son air faussement ravi.

Le temps d'un étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant