Le temps d'un été

3 - Gwen ne veut pas rester

Gwendal est incontestablement le gars le moins veinard de sa génération. Preuve à l'appui : il est bloqué dans un trou paumé avec des inconnus pour ses grandes vacances. Sa belle-mère mérite vraiment la mort pour avoir "suggéré" cette idée à son père. Qui offrirait des vacances aussi merdiques à son beau-fils ? Qui offre des vacances aussi merdiques ?

À l'heure où il marche, il pourrait être dans un road trip infernal avec Max et Rita, à boire des canettes de bière dans la vieille Toyota de Jerem' pendant que celui-ci râle parce que personne lui en laisse. Il pourrait être en route pour un festival de musique et profiter enfin de ses vacances avant la rentrée et le bac. Au lieu de moisir dans cet endroit tout naze.

Mais comme Gwendal n'aime pas suivre les chemins tracés et que c'est un aventurier dans l'âme, il a décidé de ne pas se laisser bouffer par la fatalité et il a décidé, avant même le moment où il est arrivé dans la colo' de partir rejoindre ses amis dans ses vacances.

Tout était parfaitement organisé : il s'est renseigné sur les horaires de restauration et a donc conclut que le meilleur moment pour partir était pendant le petit déjeuner, le premier jour : les moniteurs ne lâchent pas les "pensionnaires" pour bien se faire voir et ceux-ci ne sont pas encore habitués aux horaires prévus par la colo'. En plus, qui oserait remettre en question l'autorité le premier jour ? Gwendal, appartement, mais ça ils ne devaient pas le savoir.

Il s'est alors couché tôt et n'a même pas participé à leur feu de camp stupide, il espérait qu'ils se soient endormi tard pour que ça traine à la cantine. Il a soigneusement rangé les affaires indispensables dans son vieux sac à dos la veille de son départ pour le Doux rivage et a laissé le reste de ses affaires sous son lit avec un "je suis parti en vacances" sur un bout de papier pour ne pas que sa mère appelle la police. Il a indiqué à ses amis d'attendre à cent mètres plus loin de l'entrée à neuf heures quinze précisément et leur a répété cette consigne la semaine qui précédait son arrivée à la colonie.

Il a tout prévu.

Alors, ce doux matin de Juillet, tout se passe bien, il remercie son horloge interne de le réveiller à une heure convenable, s'habille bien pour impressionner Rita, mange et sourit à Charles, le vieux moniteur des garçons pour qu'il ne le surveille plus. Il fait le tour des environs pour voir par où ce serait le plus judicieux de couper pour arriver à l'entrée et repère un coin où presque personne ne passe (il y a attendu dix minutes et n'a aperçu que quelques petits qui se couraient après). Il revient à son dortoir où son colocataire dort encore et récupère son sac à dos en silence.

Puis, il revient à son coin, mais y trouve un gamin qui fixe la forêt. Ses cheveux blonds font des reflets avec le soleil et il a l'air préoccupé par autre chose que sa crinière. Quand il aperçoit Gwendal, il n'a pas de réaction et celui-ci prend le risque d'entrer tout de même dans la forêt en signifiant au garçon de ne pas parler. Bon, il lui a juste dit "chut" mais ce n'est pas comme si ce gosse connaissait son prénom. Et malgré ce contre-temps, il se sent génial.

Il va tout d'abord tout droit pour éviter qu'on ne voit sa silhouette de l'autre côté, et ensuite il tourne à gauche et marche pour arriver à cette fameuse entrée. Il pourra alors aller avec ses amis. Et Rita.

-Nom de... ! s'exclame une voix qui le fait sursauter. T'es qui, mec ? Putain !

Gwendal se retourne vers cette voix et voit un garçon à sa gauche. Il le déteste déjà de l'avoir fait peur, mais au moins, il a l'air d'avoir son âge, ce n'est pas Bobby à la barbe râpeuse.

-Qu'est-ce que tu fous ici ? demande-t-il d'un ton las.

Le gars hausse les épaules.

-Mec, je te demande qui t'es d'abord, avec ton sac peut-être que t'es venu squatter la colo'.