III

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Dans les groupes d'amis, on retrouve systématiquement le même genre de personnes. Il y a la personne drôle, qui fait l'animation et fait rire les autres avec des blagues plus ou moins douteuses, il y a le psychologue, celui qui écoute les autres, les conseille au mieux sur leurs vies, leurs couples .., il y a le déprimé, celui qui a toujours un problème mais qu'on aime bien quand même, à petite dose du moins. Il y a celui qui a un milliard de préjugés, qui a des avis sur tout mais qui au final évolue au contact des autres. Il y a l'extraverti, qui peut être également le rigolo et il y a aussi la personne franche, celle qui dit les choses sans réfléchir avant, sans filtre mais qui est appréciée pour ça quand même.

Et enfin, il y a ce que l'on appelle en langage vulgaire le « bouche-trou », celui que l'on va voir quand les autres ne sont pas disponibles ou alors celui que l'on va voir quand on veut parler sur le dos des autres tout en sachant que cette personne ne répétera rien car trop honorée d'avoir été « choisie ».


Lorsque j'étais avec ma « bande d'amis », il était vrai que chacun d'entre nous reflétait l'une de ces personnalités et je m'étais toujours demandé laquelle j'étais. J'aimais à penser que j'étais un peu de chaque, un savant mélange de toutes ces personnalités. Et sans m'en rendre compte, je venais de définir un tout nouveau genre : l'égocentrique narcissique.


Chaque personne a un côté égocentrique et plus ou moins narcissique en lui mais généralement, il explose à l'adolescence et la personne finit par redescendre sur Terre.

Ça n'a pas été mon cas. J'ai toujours été la petite préférée partout, celle que tout le monde appréciait, celle avec qui tout le monde voulait être amie alors sans même le savoir, je me suis créée une jolie basse-cour qui ressemblait tellement à un groupe d'ami qu'au final, j'ai fini par y croire moi-même.


Mais malheureusement, un jour ou l'autre, l'illusion finit par ne plus être viable. Elle finit par se briser en mille morceaux et l'on finit par atterrir difficilement car notre si joli petit groupe n'est en réalité qu'une vive mascarade.


C'est lui qui, un jour, a fait se briser ma jolie petite illusion.

Le jour où il a rencontré mes amis, il les a écoutés parler pendant quelques minutes, s'est brusquement levé du banc sur lequel on était assis et est parti, sans même une explication. Je l'ai suivi et il m'a expliqué qu'il ne voulait pas rester avec des gens qui s'inventaient une vie pour me plaire.

Je ne comprenais pas. Je connaissais ces personnes depuis toujours et je n'avais jamais eu de problèmes avec, ils me « divertissaient ».

Et c'est lorsque j'ai dit qu'ils me divertissaient que je me suis rendu compte qu'au fil du temps, ils s'étaient faite une image d'eux qui me convenait. Ils n'étaient jamais eux-mêmes avec moi et je me suis rendu compte que le ver dans la pomme, c'était moi.

Je pourrissais toutes ces personnes par ma simple présence. Alors, j'ai arrêté de leur parler, je ne voyais plus l'intérêt de leur pourrir la vie juste pour mon bon plaisir.


Il m'a fait grandir en accéléré et la crise d'adolescence que je faisais depuis des années a subitement pris fin. Je suis passée de gamine capricieuse et égocentrique à paumée de service en quête d'une nouvelle identité peut-être plus proche de ce qu'elle voudrait être.


Je crois que les changements qu'il a opéré dans ma vie étaient une petite fierté pour lui et maintenant que j'y pense, il avait de quoi. Il m'avait rendue meilleure, bien meilleure et je pense que si je ne l'avais jamais rencontré, j'aurai continué ma vie en rendant les gens malheureux, en me rendant malheureuse sans même m'en apercevoir.



Parce que parfois, la meilleure chose à faire est de prendre du recul, de s'effacer et d'arrêter de respirer pour eux.  

She was smilingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant