Chapitre 4 - La fuite

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  La tempête n'avait pas épargné Amy, victime d'un terrible rhume. Emeric s'en voulut tellement qu'il peinait d'aller à l'école le matin, ne désirant pas la laisser seule pendant la journée. Mais sa mère le réconfortait en lui assurant qu'elle s'en remettrait bien vite. Cela ne l'empêchait pas de culpabiliser. Ses demi-points perdus sur ses évaluations n'avaient plus d'importance. Il se faisait du souci.
Un soir, quand le bus scolaire le déposa devant chez lui, Emeric apprécia un court instant la vue sur l'océan. Son père lui avait expliqué que l'école de Beauxbâtons donnait aussi sur la mer, implantée sur un flanc de montagnes. Et cela réjouissait Emeric. Il aimait beaucoup cet environnement, ce bleu, cet air frais. Cette sensation de liberté, d'immensité. D'absence de frontière. Il commençait à se faire à l'idée de cette nouvelle école, quand bien même ce ne serait pas Poudlard. Il rencontrerait là-bas de nouveaux amis. Et peut-être, qui savait, une future amoureuse... !
Le cœur guilleret, il rentra dans le cottage et s'annonça :

— Maman ! Je suis là !

Rien ne lui répondit, sauf le tic-tac de la grosse horloge du salon. Emeric se déchargea de son cartable et de son manteau, qu'il prit soin d'accrocher au bon emplacement.

— Maman ?

Emeric s'avança, passa une tête dans le séjour, vide. Le kiosque en verre où se trouvait le piano était déserté aussi.

— Maman ?

De plus en plus soucieux, Emeric grimpa à l'étage, ses pas feutrés par les marches en moquette.

— Maman, tu es là ?

Ce fut alors qu'il l'aperçut, entre les barreaux de la rambarde en bois : Amy s'était écroulée au sol, dans le couloir. Le cœur d'Emeric manqua un battement.

— Maman !

Il se précipita vers elle et tenta de la réveiller. Amy n'était pas blessée, mais sa respiration était aiguë, à demi-consciente.

— Maman !

Pris de panique, Emeric ne sut que faire. Il n'y avait personne pour l'aider et son père reviendrait tard du Ministère. Si seulement il avait eu un téléphone ! Appeler les pompiers, dans ce cas ? Mais il ne voulait pas la quitter des yeux, rien qu'une seule seconde. Avec difficulté, il la retourna ne pas la laisser à plat ventre. Il se résolut à descendre à toute vitesse pour attraper le téléphone. Mais son premier choix ne se porta pas sur les secours :

— Allo, Meg ? C'est Emeric ! Maman est tombée ! Elle s'est évanouie ! Elle a besoin d'aide ! Oui... Non, je suis seul ! Qu'est-ce que je dois faire ? D'accord. Je... oui. Dépêche-toi !

Il raccrocha d'un doigt tremblant et remonta à l'étage. Il s'assit sur la moquette, à côté de sa mère inconsciente. Il se sentait tellement impuissant, gardant sa main dans la sienne. Puis il se mit à pleurer.

— Ca va aller, maman... ça va aller. Je te promets. On va te guérir.

Dix minutes plus tard, il entendit le vieux van rouillé de Meg se garer à toute vitesse en bas de la maison, les pneus crissant sur le béton recouvert d'une fine pellicule de sable. La meilleure amie de sa mère le rejoignit en quatrième vitesse et demanda l'aide d'Emeric pour porter Amy dans son lit.
Meg avait averti par hibou Ste Mangouste, pour dépêcher un guérisseur sur place. Ce dernier arriva à son tour une bonne heure plus tard. Il examina Amy et prépara un onguent magique pour dégager ses bronches, appliquant le produit sur son sternum.
Amy reprit connaissance dans la soirée. Emeric, qui était resté à son chevet, surveillant sa respiration et son rythme cardiaque, assista à son réveil, sa main toujours dans la sienne. Un sourire éclairait ses traits malgré le visage décomposé de sa mère. Il comprend que les yeux bleus de sa mère, bien que fixés sur lui, ne le voyait pas.

— Mon... chéri ?
— Je suis là, maman, lui sourit-il.

Il attrapa les lunettes sur la table de chevet et les positionna sur le nez de sa mère. Elle cligna plusieurs fois des paupières.

— Je suis désolée... j'ai dû... j'ai dû te faire peur.
— Tu es malade, maman. Tu dois te reposer. Et ça va mieux aller. Le guérisseur va repasser demain. Il va essayer. Et Meg est en train de préparer de la soupe, en bas. Papa n'est pas encore revenu.

Le pouce d'Amy caressa le dos de la main de son fils. Sa voix restait sifflante et faible.

— Comment s'est passé ta journée ?
— Je te raconterai plus tard. Tu dois te reposer...

Elle soupira et approuva d'un hochement de tête douloureux. Puis, elle esquissa un sourire à peine perceptible.

— Tu restes avec moi ? S'il te plaît ?
— Bien sûr, maman.
— Je t'aime...

Assister à la souffrance de sa mère brisa le cœur du petit Emeric, qui, malgré la menace de la contagion, se glissa dans le lit pour se blottir contre sa mère. Amy n'eut pas la force de le repousser. Elle avait besoin de le sentir à ses côtés...

*** *** ***

Malgré quelques améliorations temporaires, l'état d'Amy restait instable. Faible, elle se voyait obligée d'annuler tous ses concerts, confinée chez elle, entre le lit et les fauteuils. Quand la force le lui permettait, elle pianotait, mais cela la contrariait. Ses doigts tremblaient et elle sentait la dextérité lui manquer. Sa performance en pâtissait.
Eugene ne pouvait pas se permettre de prendre des congés pour aider sa femme, bien qu'il tentât. La guerre était désormais son nouveau quotidien, même s'il le cachait à sa famille. Le ministère était tombé aux mains des Mangemorts et de Voldemort. Il faisait alors profil bas pour éviter d'attirer les ennuis sur lui et sur ses proches. Par chance, travaillant à l'office des portoloins, il était relativement épargné par les rafles et les obligations malsaines, si ce n'était de contrôler que des dissidents n'en utilisaient pas pour échapper aux Mangemorts. Mais cela, personne ne pouvait le vérifier... Quand les mages noirs n'avaient pas d'yeux derrière son épaule, il lui arrivait de refourguer deux ou trois portoloins à un intermédiaire de l'Ordre pour espérer sauver quelques sorciers traqués. Eugene ne préférait rien en savoir. Plus il s'écartait de ce genre de complicités, moins il risquait de s'attirer l'intérêt des Mangemorts.
Obligé de travailler certains week-ends, il laissait donc Amy aux mains d'Emeric, aux petits soins de sa mère. Il lui préparait ses repas, l'aidait à se lever, lui apportait tout ce dont elle avait besoin. Malgré son cœur lourd, Emeric affichait un inconditionnel sourire. Il savait que cela réconfortait sa mère, de le voir avec une telle expression, tandis que ses inquiétudes ne faisaient que l'affaiblir.
Il était en train de préparer des steaks hachés dans une poêle quand il entendit quelqu'un frapper à la porte, un samedi midi. Il en sursauta. Prudent, Emeric baissa le gaz sous la viande et se rendit ouvrir la porte. Quand il vit apparaître deux hommes en cape sombre, les mains enfilées de mitaines, l'un avec une tête carrée les cheveux très courts et la barbe approximative, l'autre avec un catogan gras, Emeric devina qu'il s'agissait de sorciers. Et la présence de sorcier au cottage n'était pas la chose la plus rassurante.
Le sorcier au catogan afficha un sourire satisfait face au garçon.

— Je suppose que c'est toi...

Il consulta un morceau de parchemin déchiré qu'il tenait entre ses doigts.

— « Emeric Beckett », lut-il.

La gorge d'Emeric se noua. Il hocha la tête. Le sorcier passa un œil à l'intérieur.

— On peut entrer ?
— Je suis seul, mentit Emeric. Et mes parents m'ont toujours dit que je ne devais pas laisser entrer des inconnus.

Cela amusa les deux adultes, qui ricanèrent.

— Je me présente, Finn Selwyn, attesta le sorcier au catogan, une main sur le sternum, dans un semblant de courtoisie. Et lui, c'est Titus Travers. Maintenant, nous ne sommes plus des inconnus, n'est-ce pas ?

Il força le passage en poussant la porte et Emeric n'eut pas d'autre choix que de les laisser entrer. Ces deux hommes l'intimidaient. Et les baguettes qu'il voyait dépasser de leurs poches aussi. Si seulement son père avait été là pour gérer la situation.
Selwyn étudia les lieux, les mains derrière le dos. Il tâta le steak qui cuisait et glissa un doigt dans la sauce tomate, qu'Emeric avait versé dans un bol à part, pour la goûter.

— Ca n'est pas très sorcier, chez toi, mon garçon, fit remarquer Travers avec une voix rocailleuse.

En effet, le cottage des Beckett comportait quelques rares objets sorciers, des photos, entre autres. Mais la plupart des objets n'étaient pas magiques pour en permettre leur utilisation par Amy.

— C'est comme c'est, chez moi, expliqua Emeric, tout tremblant. Et c'est pas moi qui décide de la décoration, de toute façon.
— Pourtant, t'es un sorcier, non ?

Selwyn pointa une nouvelle fois son parchemin.

— Ton nom est bien dans la liste de Poudlard. C'est exact ?

Cette fois, Emeric ne répondit rien. Leur avouer qu'il allait changer d'établissement en l'absence de son père ne lui apporterait que des problèmes.

— Et si t'es inscrit à Poudlard, je suppose que... c'est parce que tu es un sorcier ? déduisit Selwyn.

Cela fit pouffer Travers, qui revint vers le garçon. Cela semblait l'amuser de l'effrayer.

— À moins que tu ne sois qu'un sans-baguette.
— Je n'ai pas encore acheté ma baguette chez Ollivander, oui.
— Ce brave Ollivander, rebondit-il, amusé. Tu n'iras pas chez Ollivander.
— Hein ?
— Pour commencer, il n'y est plus... Et surtout, tu ne mérites pas ta baguette.
— Je... je ne comprends pas. Pourquoi vous êtes là ?

Un peu malgré lui, Emeric leur tenait tête et cela ne leur plut que moyennement.

— Peut-être parce que tu n'es qu'un Né-Moldu, cracha Travers, avec dédain.
— Je... je ne suis pas un Né-Moldu ! Mon père est sorcier !
— Ce n'est pas les informations qu'on a eu.
— Tu nous mens, petit.
— Mais non !

Selwyn, agacé, sortit sa baguette magique dans un soupir et la pointa sans grand dessein sur Emeric, tout à coup pétrifié par la peur.

— Je n'ai pas envie de m'énerver, petit. Et on a juste envie que les choses soient claires...
— C'est dangereux de pointer sa baguette sur quelqu'un, couina Emeric. Vous pourriez me faire mal !
— Oh ! Mon pauvre chou ! Tu vas pleurer ?
— Vu sa tête, il va surtout se pisser dessus, s'esclaffa Travers.
— Comment osez-vous pointer une baguette magique sur mon fils ?

Tous les regards se tournèrent vers Amy, debout dans l'escalier, se tenant à la rampe d'une poigne solide. En robe de chambre, Emeric devinait qu'elle déployait des efforts surhumains pour se présenter devant eux malgré la maladie. Mais le regard bleu d'Amy ne mentait pas : elle aurait été capable de les assaillir à mains nues pour le protéger.

— Madame Beckett, mes hommages, s'écarta Selwyn, avec un sourire fallacieux.
— Vous entrez chez moi sans permission et vous vous permettez de menacer mon fils, poursuivit-elle, sèche, en descendant les dernières marches. Qui êtes-vous ?
— Nous étions simplement venus poser des petites questions.
— Vos méthodes ne me plaisent guère.
— Et je n'apprécie pas qu'une Cracmolle nous parle sur ce ton.

Amy ne se laissa pas intimider par les paroles de Travers et se planta sous son nez, la haine dans son regard décuplée par les verres de ses lunettes.

— Vous êtes chez moi, répéta Amy, avec une voix lente et basse. Et je vais vous demander de partir.
— Nous sommes ici en inspection, rétorqua Travers. Nous faisons ce qu'on veut.
— Mon fils est un sorcier.
— Mais il est votre fils. Et vous n'êtes... pas une sorcière.

Il avait prononcé ces mots avec un tel mépris que cela fit enrager Emeric en son for intérieur.

— Son père est un sorcier. Nous sommes mariés. Et il a reconnu Emeric comme son fils biologique. Vous manquez cruellement d'informations, chez les Mangemorts...

Sa phrase provoquante ne plut pas à Travers, qui lui poussa les épaules. Mais l'équilibre d'Amy était si fragile qu'elle en tomba à terre.

— Maman !

Emeric se précipita vers sa mère pour vérifier qu'elle n'était pas blessée. La scène amusa les deux Mangemorts.

— Maman ! imita Selwyn avec une voix aiguë.
— Vous êtes pathétiques... vous, les sans-baguettes... Des êtres infâmes. Vous ne mériteriez même pas d'exister.

Cette fois, ce fut le regard d'Emeric qui l'incendia. Car il ne prit pas la sentence pour lui. Mais comprit qu'elle était adressée à sa mère. Et personne ne pouvait s'attaquer à Amy sans le payer...
Les flammes bleues du gaz s'allongèrent sous la poêle et quelques cadres se mirent à frissonner sur les murs. Il y eut un étrange silence et Travers comprit qu'il se produisait quelque chose. Par réflexe, il porta ses doigts sur sa baguette magique.

— Ma mère vous a demandé de partir, répéta Emeric, l'air sombre.
— Tu ne vas pas nous dire ce que nous devons f-...

Il fut interrompit brutalement quand tous ces vêtements s'enflammèrent d'un seul coup. Le Mangemort se mit à hurler de peur et de douleur, alors que sa peau commençait à fondre, incapable de prononcer une formule pour éteindre le subit incendie. Son compère se précipita à son aide et lui jeta un sortilège d'aguamenti. Il y eut des cris, des jurons et Travers rejeta son collègue qui venait de le sauver. Il pointa une baguette magique vers Emeric, qui le regardait sans peur. Amy, à terre, derrière son fils, lui tirait la manche, terrifiée.

— Je suis un sorcier, avança Emeric, avec une assurance peu rassurante. Et ma mère vous a demandé de partir...

Travers, trempé, recula, sans baisser sa baguette magique, des yeux noirs fixés sur Emeric.

— On t'attendra. À Poudlard... Petit sans-baguette. Et crois-moi. Là-bas, tu feras moins le malin.

Sur ces mots, ils quittèrent les lieux, sans se priver de leur jeter un regard mauvais. Amy et Emeric les entendirent transplaner dehors. Aussitôt, Amy ouvrit les bras et attrapa son fils pour le serrer fort contre elle. Son souffle fort était tremblant, alourdi de larmes de frayeur.

— Merlin... j'ai eu si peur, Emeric.
— Ne t'en fais pas, maman. Je suis là pour toi. Je te protégerai toujours.
— Je sais, mon chéri, je sais...

Elle l'écarta d'elle pour contempler son visage, caressant ses contours d'une main moite.

— Mais ne fais plus de bêtises, Emeric. Ces hommes sont ... Les Mangemorts ne sont pas des gens biens. Ne t'en fais pas des ennemis. Il pourrait te le faire regretter. Et je ne veux pas qu'il t'arrive de mal.
— Il ne m'arrivera rien, maman. Je te le promets... Mais il ne t'arrivera rien non plus. S'il faut que je reste ici pour te protéger, je n'irai pas à Poudlard. Je n'irai pas à Beauxbâtons. Tu as besoin de moi.

Amy sourit, contenant sa toux, et l'étreignit de nouveau.

— Oui, admit-elle à voix basse, souffreteuse. J'ai besoin de toi...

*** *** ***

Les nuits suivantes, Emeric enchaîna les cauchemars. Il revoyait les Mangemorts à sa porte, entrer par effraction, violenter sa mère, la tirant par les cheveux, la frappant, lu infligeant des sortilèges. Ce qui le faisait le plus souffrir restait sa propre impuissance. Il avait beau être un sorcier, il ne ferait jamais le poids contre une armée de brutes à baguettes... Et la nuit, le moindre bruit le réveillait en sursaut, chaque ombre à la fenêtre le terrifiait. Même le son lointain des vagues ne le rassurait pas.
Il ne se rendit pas à l'école le lundi. Il ne s'en rendrait plus à l'école tout court. Sitôt eut-il eut vent de l'incident qui se fut produit en son absence, Eugene décida qu'il était grand temps pour les Beckett de déménager. Du moins, temporairement. Pour mettre Amy et Emeric à l'abri. Rien n'affirmait que les Mangemorts reviendraient, mais ils devaient se prémunir. Rester ici les exposait à trop de dangers.
Ils ne mirent pas tout en cartons, se contentant de rassembler les affaires et les victuailles les plus utiles. Le plus grand regret d'Emeric était de laisser le piano ici... C'était compliqué de le transporter où ils allaient, même avec la magie.
Meg passa un soir pour aider la mise en boîtes et Amy qui demandait toujours des soins. Mais quand Emeric partit se coucher, il veilla en réalité et descendit espionner, caché dans les ombres. Il ne comprit pas tous les tenants et aboutissants. De plus, il était trop loin pour entendre. Il y eut des semblants de dispute, des voix qui se haussaient, parfois ponctuées par les toux d'Amy qui aplanissait la conversation animée des trois adultes.
Mais quand il glissa la tête hors des ténèbres, il assista à une scène particulière, qu'il n'avait jamais eu l'occasion d'observer. Assises l'une en face de l'autre, Meg et Amy s'était attrapée le bras, les yeux dans les yeux. Le père d'Emeric était debout, entre les deux et sa baguette magique braquée sur leurs avant-bras liés. Il y eut des murmures et un à un, des fils dorés sortirent du bout de la baguette d'Eugene, s'enroulant autour des mains d'Amy et de Meg. Emeric ignorait qu'il assistait là à un Serment Inviolable...
Quand le rituel se termina, Meg ne s'attarda pas et repartit. Dans son lit, Emeric ne parvint pas à trouver le sommeil, travaillé par ce qu'il venait de voir, obsédé de savoir de quoi il s'agissait...

Sa marraine revint au cottage quelques jours plus tard pour charger les cartons des Beckett et les emmener dans leur future maison. Ils furent tous les quatre écrasés, entre deux boîtes ou couettes, dans le vieux van de Meg qui le conduisait, Eugene à l'avant, et Amy et Emeric à l'arrière, serrés l'un contre l'autre. Entre deux affaires, Emeric vit sa maison s'éloigner par le pare-brise arrière. Il reviendrait, il le savait. Quand la guerre serait terminée. Dans un mois, dans un an, dans une décennie. Il n'en savait rien. Mais une chose était certaine : ses pas refouleraient les falaises de Lyme Regis un jour.
Le van restait la meilleure solution pour les Beckett. Avec les surveillances, le réseau de cheminette et les portoloins n'étaient pas indiqués. Ni Amy ni Emeric ne pouvait chevaucher de balais et tous les tapis volants avaient été réquisitionnés par les Mangemorts. Quant au transplanage, Amy était trop faible pour supporter le voyage... La voie moldue était la seule issue, peu traçable par les Mangemorts.
Ils longèrent la côté sud de l'Angleterre, s'arrêtant chaque soir dans des petits hôtels lugubres. Quelquefois, ils dormaient dans le van, transis de froid dans cette période d'hiver malgré les sortilèges d'Eugene. Mais la nuit tombante, il se dissipait tant qu'il n'était pas renouvelé toutes les heures.
Amy grelotait et cela ne rassurait pas Emeric. Quelques temps, il retirait sa propre couverture pour la rajouter par-dessus celle de sa mère. Cette dernière clignait des yeux :

— Tu vas attraper froid, mon chéri...
— Mais non, maman. Je t'assure. Tu m'as toujours dit que je ne tombais jamais malade.
— Réveille ton père. Il pourra jeter un sortilège et...
— Non. Je ne veux pas le réveiller. Il ne dort déjà pas beaucoup...

Mais cela ne convainquit pas Amy, qui se pencha en avant pour réveiller son mari en secouant son épaule, le siège devant lui.

— Eugene. Eugene... Il faudrait... KEUF KEUF !
— Maman ! Maman, rendors-toi... Il faut vraiment que tu te reposes.

Épuisée, Amy renonça à tirer son mari du sommeil et s'écroula sur la banquette. Elle réclama sans un mot les mains de son fils : celles du garçon étaient chaudes, les siennes, glacées.

— Je suis désolé, maman.
— Pourquoi ? Keuf ! Tu n'as pas... tu ne dois pas être...
— C'est à cause de moi, tout ça. Qu'on s'enfuie...
— Emeric. Tu as le droit de vivre. Tu as le droit d'apprendre la magie. Que ce soit à Poudlard ou à Beauxbâtons. Tu as le droit d'être un sorcier. Je ferai tout pour te donner cette chance que je n'ai pas eue. Tu comprends ?

Ses doigts se serrèrent autour de ceux d'Emeric, mais ils étaient si faibles.

— Tu dois devenir un sorcier. Et tu deviendras l'un des plus grands sorciers de tous les temps. Je le sais...

Le cœur d'Emeric battait fort dans sa poitrine, les larmes lui montant aux yeux. Et il se réfugia contre sa mère en marmonnant :

— Je deviendrai ce que tu veux. Mais je veux rester avec toi...
— Je serai toujours avec toi, mon chéri. Toujours...  

Estuant interius ira vehementiWhere stories live. Discover now