Partie 3

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Le lendemain matin, je me réveille dans un lit froid, comme depuis un mois. Encore un réveil en solitaire... J'ai rêvé de lui. De sa voix, de son sourire, de ses yeux noirs, de ses murmures... De sa voix soufflant mon nom sous les draps, de sa peau contre la mienne. Mon cœur me fait mal, j'ai l'impression qu'il va éclater en morceaux mais pourtant je n'ai plus la force pleurer. Je resserre mes bras autour de mes genoux et pose ma tête dessus. Je me sens vide, comme une coquille à laquelle il manquerais l'intérieur... J'ai perdu ma raison d'exister, j'ai l'impression d'avancer sans savoir où je vais, tel un aveugle guidé par un chien.

Aoi, mon Aoi... Tu me manques tellement... Que fais tu en ce moment ? Est tu en train de dormir ? De te blottir dans les bras d'un autre ? De jouer de la guitare ? De rire ?

Je me décide à me lever, donne à manger à Koron, attrape un sweat-shirt bordeaux, un jean noir et m'enferme prendre ma douche. Quand j'en ressort, de la buée couvre le miroir mural. Je la chasse du revers de la main, et la personne que j'y découvre me surprend. Ca faisait un moment que je n'avais pas observé mon visage au naturel, sans maquillage. Ce n'est pas Takanori, ce n'est pas non plus Ruki, c'est une ombre de la personne que je suis, ou plutôt que j'étais... Mes yeux sont cernés de violet, mes cheveux blonds cendrés tombent tristement autours de mon visage mais ce qui frappe le plus, ce sont mes yeux, qui sont comme... Éteints. Peut être qu'Aoi a éteint la flamme qui y brûlait quand il m'a dit « Tout es fini, Ruki. Je ne veux plus vivre avec toi... » Je ne sais pas... Je soupire et me tourne vers une palette de maquillage quand une pensée me traverse l'esprit : Je ne suis pas allé sur la tombe de ma mère depuis qu'Aoi est partit, depuis un mois. La culpabilité m'assaillit, un sentiment qui manquait à la collection de ceux qui font rage en moi. Avant, j'allais la voir chaque semaine, des fleurs blanches à la main, et je lui racontais ce qui se passais sur terre... Je lui racontais la scène, les concerts, le stress, mais aussi mes rires, la raison de mon bonheur, de mes larmes... Je lui parlais de la pluie, du soleil, des étoiles et des oiseaux, je lui parlais pendant des heures parfois... Aoi était parfois là et il parlais avec moi.... Il m'a un jour dit qu'il la considérais comme sa propre mère, la sienne n'étant plus là pour lui depuis longtemps... Il savais que j'allais là quand je me sentais mal, il savait que même si elle n'était plus de ce monde, elle était toujours celle qui as forgé celui que je suis devenu et que je veux rendre fière depuis les étoiles a tout prix...

Je décide de me rendre au cimetière après avoir seulement camouflé mes cernes, sans mon maquillage habituel. Je lace mes chaussures, attrape une veste et une écharpe en laine noire que j'enroule autours de mon cou avant de suspendre aussitôt mon geste : C'est Aoi qui me l'as offerte... Il ne m'a laissé que des souvenirs, alors la moindre chose matérielle qui me prouve qu'il a bien vécu ici, avec moi, je m'y accroche comme un fou... Je ferme la porte de mon appartement à clé avant de descendre les escaliers. Je décide de marcher jusqu'au cimetière pour prendre un peu l'air et essayer d'oublier ne serais ce qu'un instant toutes ces pensées qui me tourmentent... Quelques personnes se retournent sur mon passage, j'entends quelques filles murmurer mon nom avec des gloussement hystériques, mais je n'ai pas cœur à les écouter ou m'arrêter pour leur signer un autographe. Le vent froid de cette fin d'hiver me fouette le visage, fait voler mes cheveux mais je profite de cette sensation : j'ai l'impression de me sentir vivant, c'est la première fois depuis un mois que je ressent de nouveau cette sensation.

Arrivé devant la grille du cimetière après avoir fait un détour par chez le fleuriste, je renverse ma tête vers le ciel gris pour me donner du courage, comme avant de monter sur scène. Je pousse la grille et marche lentement entre les allées de stèles pour finalement arriver devant celle de ma mère. Je m'agenouille dans l'herbe, baisse la tête et formule une prière silencieuse avant de dire :

« Bonjour, Oka-san. Je m'excuse de ne pas être venu te voir depuis si longtemps... J'espère que tu ne m'en veux pas. Si je ne suis pas venu, c'est parce que... Je... Il s'est passé quelque choses avec Aoi. Je voudrais t'en parler, pour que tu puisse me réconforter, comme avant... Mais avant, je voudrais te raconter quelque chose, un secret qui me pèse depuis longtemps... Je voudrais te parler de lui, Oka-san. »

Le bonheur en trois lettres (Aoiki)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant