Chapitre 1

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Le temps maussade, le monde qui se presse dans les couloirs, le brouhaha, le sol en damier noir et blanc, les murs dégueulasse, tout ça fait partie du décor, de mon quotidien du lundi matin quand je sors de mon cours d'histoire pour aller à celui d'anglais. Ce qui est inhabituel par contre, c'est cette fille qui m'appelle.
« Hey la nouvelle ! »
C'est vrai que je ne suis arrivée que cette année dans cette petite ville où tout le monde semble connaitre tout le monde, mais deux mois se sont écoulés depuis la rentrée alors peut-être que ce qualificatif n'est plus approprié.
« Hey, attends ! »
Cette fois je me retourne, pour rencontrer les yeux bleus d'Anna Horel.
Cette fille, c'est le genre de personne qui rigole sans raison et qui parle fort, que tout le monde apprécie et dont les bavardages m'empêchent souvent de suivre le cours de français. Je ne dirais pas que ça me dérange, ce cours est particulièrement ennuyant, mais les discussions de ma voisine de classe ne sont pas plus intéressantes.
Pour en revenir à celle qui m'a appelé deux fois sans raison apparente et qui se faufile entre les élèves pour me rejoindre, elle a de longs et lisse cheveux bruns, dont quelques mèches rebelles partent on ne sait où. Ses yeux quant à eux sont d'un bleu métallique, presque gris. Un sourire transcende son visage et enfin, elle arrive près de moi.
« Tu as fais tomber ta carte de cantine, explique-t-elle. Et ton sac est ouvert. »
Elle me tend le bout de plastique et je la remercie d'un sourire avant de le ranger et refermer mon sac.
Nous faisons la dizaine de mètres qui nous sépare de notre classe en silence et ce n'est qu'arrivées devant la porte qu'elle me dit :
« Tu ne parles pas beaucoup, hein ? »
Et elle a raison, mais elle ne peut pas le deviner après seulement une minute de silence.
Je lui répondrais bien qu'elle, parle beaucoup, mais elle a déjà gagné sa place et rigole à la remarque d'une de ses amies.

J'ai à peine le temps de poser mon plateau que Julien vient s'asseoir en face de moi. Julien, c'est un terminale, un ami de mon frère.
« Salut gamine. »
Il n'a que trois ans de plus que moi mais comme il est bientôt majeur, à ses yeux je suis une "gamine".
« Salut.
— Encore toute seule ?
— Non, non, mon ami imaginaire est juste sous tes fesses, il te dit bonjour d'ailleurs. »
Il soupire, mi amusé mi exaspéré et se relève.
« Et bien si toi et ton ami imaginaire veut manger avec nous, il y a de la place.
— Si "nous" inclut mon frère, merci mais je dois déjà le supporter chez moi.
— Ouais je sais, c'est un con. Mais à plusieurs pour le supporter ça passera mieux. »
Le concerné qui écoute quelques tables plus loin nous fait un geste obscène auquel je répond par un sourire. On rejoint la table et on s'assoit là où il reste de la place. Je suis à côté d'une fille que je ne connais pas mais vu comme elle mange la bouche de Fabien, je suppose que c'est sa petite amie. Fabien, c'est le jumeau de Julien et la seule chose qui les différencie sont leurs cheveux : Julien les a blonds, Fabien les a teints en rose. Je reconnais aussi Lucas et Tom, tous des amis de mon frère et membres de l'équipe de basket. Il y a surtout beaucoup de visages inconnus mais je ne m'en préoccupe pas. Je me contente de mange silencieusement, écoutant d'une oreille distraite les conversations autour de moi. Je ne sais pas pourquoi j'ai accepté de manger avec eux : je préfère rester seule. Probablement parce que je n'ai pas osé refuser. Je fais partie de ces personnes qui ont du mal à dire non.
« Ca te dirais de venir ? demande Julien. »
Je lève le regard vers lui et perdue dans mes pensées, je n'ai pas écouté ce qu'ils se disaient.
« Donc... insiste-t-il.
— Tu vois bien qu'elle suivait pas, rigole Fabien. T'inquiètes pas, moi aussi je décroche quand Julien parle. On parlait de la soirée de ce soir.
— Et je vous disais de ne pas entrainer ma soeur là-dedans, soupire mon frère.
— Oh ça va, elle a quinze ans, faut bien qu'elle découvre la vie, commente Julien. »
Ce même Julien qui m'appelait "gamine" il y a vingt minutes, oui.
« Peut-être mais une soirée un lundi soir c'est pas forcément conseillé, répond-il.
— Non, ce n'est pas conseillé, intervins-je doucement. Mais est-ce que tu peux me donner ce genre de conseil alors que tu viens de redoubler ?
— Uh. Touché. »
Il mime une blessure au coeur et les rires fusent. Depuis qu'il a loupé son bac, j'ai enfin de quoi lui répondre.
« Vachement agressive la petite soeur, rigole Fabien. Et donc, qu'est-ce que tu décides ?
— Je verrais. »
Je ne leur dis pas que j'attendrais d'être seule avec Alex pour lui demander si je peux y aller. Il ne dit rien non plus. Il se contente de me sourire et bientôt, nous débarrassons.

Je referme la porte et pose mon sac.
« Hey Liliputienne. »
La passion de mon frère : Me trouver un surnom de plus en plus idiot en rapport avec ma taille. Je ne relève pas.
« Hey Alex.
— Tu as passé une bonne journée ? »
J'hoche la tête et enlèves mes chaussures pour m'asseoir à la table de la cuisine, en face de lui.
« Et toi ?
— Une journée de lycée normale.
— Je ne t'ai pas vu cet après-midi.
— Mais j'étais là. »
Je le regarde silencieusement et il finit par lever les mains avec un sourire.
« Ok j'avoue.
— Ne sèches pas les cours..
— Tu ne vas pas non plus me faire la morale du haut de tes quinze ans, dit-il avec un air amusé.
— Tu vas pas non plus faire l'adulte du haut de tes dix-sept ans.
— Mais c'est qu'elle sort les griffes la tigresse.
— Idiot, je soupire. »
Je lui prend un de ses gâteaux aux chocolat que je mange en silence avant qu'il ne reprenne.
« Alors cette soirée ?
— Hm ?
— Tu veux y aller ?
— Je ne sais pas.
— C'est peut-être le moment de te faire des amis.
— J'ai des amis.
— Bien sûr, on va faire comme si je te croyais. Et bien si tu as des amis, invites-en un demain, sourit-il.
— Je n'ai pas dis que je viendrais.
— Je vais être chiant trente secondes, m'ignore-t-il, mais fais attention à toi. Il y a beaucoup de connards et de gens bourrés en soirée, et parfois ce sont la même personne. Ne bois pas dans le verre de n'importe qui, ne suis pas les inconnus, montes pas dans la camionnette d'un vieux monsieur qui te propose des bonbons..
— Je n'ai pas six ans, je soupire. Et je n'ai jamais dis que je viendrais. »
Et pour cause : Il a raison. Je n'ai pas d'amis.

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