Chapitre 2

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« Tu me fixes. »
Elle plante son regard dans le mien, attendant que je me justifie.
« On peut s'y mettre ? je réponds. »
Parce que ça fait un quart d'heure que je vous écoute parler, toi et Morgane. Quinze minutes que vous parlez de choses dont je me fiche et je m'ennuie. Surtout que le temps passe et que nous devons rendre notre devoir à l'heure suivante.
« Oui, oui. »
Anna soupire. Si l'instant précédant elle riait, désormais elle semble faire la moue, comme un enfant rechignant à faire ses devoirs.
« Elle a raison, me soutient Morgane. C'est bientôt la demi et on a pas commencé.
— J'ai compris, soyons ennuyeux et travaillons, grogne-t-elle en prenant un stylo. »
Elle rechigne encore un peu mais elle finit par s'y mettre. Elle a une voix rieuse et chaude, douce à entendre mais un terrible accent anglais, ce que son amie ne manque pas de lui faire remarquer en rigolant.
L'heure passe rapidement et nous finissons quelques minutes avant la sonnerie.
Alors que je range mes affaires, Anna me demande :
« A part travailler, tu fais quoi de tes journées ?
— Hm ?
— Je sais pas, t'as l'air d'être.. Le prend pas mal, hein. »
Je sens que je vais le prendre mal.
« T'as l'air coincée, finit-elle. »
Morgane pouffe et je la fusille du regard avant de refermer mon sac.
« Le mot c'est asociale. Je préfère rester seule qu'avec des cons. »
Et je pars.
Oui, c'est pour ce genre de remarque que je n'ai pas d'amis.

La matinée est passée lentement, très lentement. La remarque que j'ai lancé à Anna a fait le tour de la classe avant que la première heure ne commence.
Depuis, je reçois des regards aussi peu discret que les remarques qu'ils font quand ils ne sont qu'à quelques mètres de moi.
Je ne relève pas, j'ai l'habitude. Je n'ai jamais réussi à me faire de vrais amis : les seuls que j'ai eu ont été des personnes que j'oubliais dès que je rentrais chez moi.
Et puis, il m'arrive de dire ce que je pense sans réfléchir, comme ce matin, ce qui n'aide pas franchement.
« Je peux te parler ? »
Non.
Je ne dis rien et je me contente de croiser le regard d'Anna. Elle est seule.
« Qu'est-ce qu'il y a ? je demande, plus froidement que ce que je voulais.
— Je voulais te dire que je suis désolée pour ce matin. Je ne le pensais pas. »
Bien sûr qu'elle ne le pensait pas. Elle ne connait pas mon prénom alors comment pourrait-elle me trouver coincée ?
« C'est bon, je réponds. Je m'en fiche.
— Tu n'es pas coincée, dit-elle, et je pense qu'elle essaye de s'en persuader. Juste.. Tu ne parles pas beaucoup alors tu as l'air renfermé.
— Ok. »
Je n'ai rien d'autre à répondre à ça. Elle a l'air de s'en vouloir et au fond, ça me fait plaisir de penser qu'elle est peut-être différente de ses amis. Elle se détourne, et c'est à ce moment là que je croise mon frère, qui sourit en me voyant.
« Anna ! je l'interpelle. »
Elle se retourne, fronçant légèrement les sourcils.
« Oui ?
— A part travailler, je ne fais pas grand-chose de mes journées. Mais mes soirées sont un peu plus intéressantes : je vais à une fête ce soir. Tu m'accompagnes ? »
Je sens mon souffle se couper, je ne sais pas d'où m'est venu cet élan de courage. Elle me regarde pendant quelques secondes, les yeux remplit d'incompréhension puis un sourire vient se dessiner sur son visage.
« Si tu veux, ouais. Tu me donneras l'adresse en classe ? »
Et elle part.
Comme je peux être stupide.
Je viens d'inviter une personne que je n'aime pas simplement pour donner tort à Alex.
Je soupire, j'aimerais tellement rentrer  chez moi et me coucher pour oublier cette horrible matinée. Au lieu de ça, je me dirige vers la cantine, le pas trainant.

Alex est déjà euphorique : il ne tient pas l'alcool.
Pourtant, la soirée n'a pas vraiment commencé, les membres de l'équipe de basket sont venus plus tôt et comme Alex conduit, je suis venue avec lui.
Ils ont un peu parlé de basket, de la nouvelle saison de la NBA et se sont très vite tourné vers ce qui semble être leur passion : le terrain et l'alcool.
Depuis une dizaine de minute, nous sommes dehors, sur le terrain de basket, avec une bouteille par terre. Les garçons se mettent au milieu du terrain et essayent de mettre un panier pour faire boire les autres, et moi je me tiens un peu à l'écart, à les regarder faire.
« Tu ne veux pas jouer ? demande Julien.
— Et finir bourré parce que vous faites du basket trois fois par semaine et moi jamais ? Non merci.
— Oh, mais ce serait amusant ! Pour moi en tout cas, rigole-t-il.
— Ahah, très drôle. En attendant, je te rappelles qu'Alex est à quelques gorgée d'être explosé et faut bien quelqu'un pour surveiller un enfant comme ça. »
Julien rigole une nouvelle fois et Alex marque son panier avant de se tourner vers moi.
« Parce que du haut de tes quinze ans et de ton mètre douze tu peux surveiller quelqu'un ?
— Si le quelqu'un est un con de dix-neuf ans complètement arraché, oui. Souviens-toi, je l'ai déjà fait.
— Mais c'est qu'elle se sent adulte la petite soeur, commente Fabien.
— Sinon, reprend Alex, tu vas avouer que j'avais raison ?
— Sur ? je demande.
— Le fait que t'as pas d'amis.
— J'ai des amis, je soutiens de mon ton le plus convaincant.
— Pourtant personne ne t'a accompagné, dit-il l'air victorieux.
— Sois patient, elle arrivera vers vingt-et-une heure.
— Hmm, et tu as vraiment une amie ou c'est quelqu'un que tu as payé ?
— Alex, tu serais pas entrain d'insinuer que ta soeur à besoin d'engager des putes pour se faire accompagner comme toi t'as besoin de putes pour baiser ? demanda celui au cheveux roses en buvant une gorgée.
— Alors déjà, je t'emmerde, et plus asociale que ce nain de jardin, y a pas. »
Génial, un nouveau surnom.
« Génial un nouveau surnom.. »
Pour une fois que ma pensée et ma parole s'accorde. Alex semble fier de lui et je soupire.
« Bon, c'est quoi le nom de cette amie imaginaire ?
— Je t'ai déjà dis que t'étais chiant ?
— Tous les jours. »
Il rigole et je ne sais pas s'il laisse tomber ou s'il oublie mais ne me pose plus de questions.

Par-delà la fenêtre.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant