La pluie tombait à tout rompre, dehors, à croire que ce jour était aussi funeste que je le pensais.
J'étais habillée d'une robe simple noire, mes épaules recouvertes d'une veste en cuir afin que je n'attrape froid. Certes, la fin des vacances d'été n'était pas encore terminée mais le temps donnait des airs hivernaux, obligeant les vacanciers à mettre leurs gros manteaux.
Je serrais les poings le long de mes cuisses, espérant que mon père ne remarquait pas la colère qui trépignait en moi en cet instant. Or, malgré ce que je souhaitais, il me demanda :
-Comment tu te sens, Hazel ?
Je me tournais légèrement vers lui et l'observais l'espace de quelques secondes.
Ses cheveux noirs coupés court lui allaient à la perfection tandis que ses yeux d'un bleu clair illuminé son visage d'une joie intense. Cependant, en ce jour, ils semblaient éteints de toute passion de vivre, juste des larmes qui les emplissaient. Son front était plissé, dévoilant de nombreuses rides du aux cinquantaine d'années de son existence. Il devait faire deux têtes de plus que moi et avait une musculature assez imposante étant donné qu'auparavant, il était agent de sécurité. Mais c'est à partir de ma dixième année qu'il a compris que cette vocation ne lui correspondait plus et il s'était donc lancé dans des études de droit qu'il avait parfaitement réussi.
J'aurai aimé que la réponse que je lui apportais soit positive mais ce n'était malheureusement pas le cas.
-Elle me manque, me contentais-je de murmurer.
-A moi aussi, souffla-t-il.
Je savais que la douleur que je ressentais n'était rien comparé à celle de mon père.
Quelques jours auparavant, ma mère reposait sur un lit d'hôpital, les yeux clos, les lèvres aussi froides que la mort. Oui, elle était décédée et cela à cause d'un stupide cancer qui avait pris possession de son corps. Un stupide cancer qui l'avait détruite pendant plus de deux ans mais contre lequel elle s'était battue sans abandonner.
J'avais vu ses yeux s'éteindre chaque jour, ceux-ci ne s'étaient plus illuminé de la joie de vivre que je lui connaissais depuis des semaines entières mais elle n'avait jamais lâché.
A présent que je me trouvais dans cette voiture, assise à la place passagère, j'évitais de fermer mes paupières en sachant pertinemment que son visage apparaîtrait dans mes pensées. Je ne voulais pas pleurer, je n'en avais pas le droit, je le lui avais promis. Mais la douleur que je ressentais au plus profond de moi était bien plus puissante que je n'aurai imaginé. Pourtant, une larme perla le long de ma joue sans que je ne le veuille.
Si mon père le vit, il ne commenta pas, il voulait sûrement me laisser dans mes songes, faire mon deuil dans mon coin. Après tout, nous n'étions pas tellement proche, lui et moi. Il était avocat et passait le plus clair de son temps dans son bureau situé au rez-de-chaussée de la maison afin que ses clients puissent mieux lui rendre visite.
J'avais été le plus présente de nous deux auprès de ma mère mais je ne pouvais lui en vouloir, il avait tout fait pour elle. Il avait donné nombre de chèque pour qu'elle obtienne les meilleurs médecins, les meilleurs chirurgiens, ... Mais en vain, aucune méthode n'avait fonctionné, rien n'avait pu la sauver...
Je remarquais alors seulement que mon père était déjà garé et m'observais depuis quelques temps, les sourcils froncés afin de déchiffrer l'expression que je laissais apparaître sur mon visage.
J'esquissais un sourire afin de ne pas l'inquiéter et alors que j'allais prononcer quelques mots, quelqu'un toqua à mon carreau me faisant sursauter de surprise. Je me tournais vivement vers le bruit et tombais sur la bouille adorable de ma filleule, Flore, âgée de dix mois et de celle de mon frère, Peter, âgé de vingt-cinq ans.
Il était arrivé au bon moment, m'évitant les questions de mon père auquel je ne voulais répondre.
Je sortais du véhicule et embrassais sur les deux joues Peter.
Celui n'avait pas tellement changé depuis l'adolescence, seul son visage était devenu mature. Il avait les yeux verts de ma mère et les mêmes cheveux que mon père. Son nez fin était parsemé de quelques taches de rousseur et lui donnaient un air sympathique qui allait parfaitement avec le personnage qu'il était. Contrairement à mon père, il était menu mais s'en fichait. Il faisait la même taille que moi et venait d'être père de la ravissante petite Flore dont j'étais la marraine.
Du coin de l'œil, je découvrais que sa femme, Léna, discutait avec l'une de mes tantes éloignées qui était en pleur.
J'appréciais ma belle-sœur. Elle était gentille et souriante, se souciant toujours du bien être des personnes qui l'entoure. Elle était sortie avec mon frère pendant l'adolescence et leur histoire n'avait jamais cessé. Ils s'étaient mariés il y a deux ans et avaient emménagés dans une splendide maison à quinze minutes de la maison familiale où je vivais.
En me voyant à son tour, celle-ci s'excusa auprès de ma tante et s'empressa de nous rejoindre. Ses cheveux bruns bouclés et souples volèrent à cause du vent qui s'était mis à souffler. Ses yeux noisette essayaient d'exprimer de la joie mais n'y arrivaient pourtant pas.
Lorsqu'elle arriva aux côtés de son époux et de sa fille, elle me sourit en dévoilant ses deux fossettes et me demanda :
-Bonjour, Hazel. Comment vas-tu ?
J'esquissais un sourire.
Depuis ce début de matinée, toutes les personnes que j'avais pu croiser m'avaient posé la même et entêtante question. Je ne pouvais leurs en vouloir, après tout, tous savaient que j'étais restée au chevet de ma mère pendant des heures. Mais je n'aimais leurs mentir, j'essayais de les persuader que j'allais bien mais ce n'était pourtant pas le cas.
Je me contentais d'hocher la tête, refusant de sortir pour une énième fois cette réponse « Elle ne souffrira plus désormais. Je pense que c'est le principal ».
Je passais ma main dans mes cheveux cuivrés afin de les replacer en arrière tandis que mon père, Simon, arrivait à mes côtés. Il salua mon frère et sa famille d'un hochement de tête tout en déclarant :
-Je suis heureux que vous ayez pu être présent.
-C'est normal, répondit sèchement Peter.
Peter vouait une haine inconditionnelle envers mon père. Il lui reprochait de ne pas avoir été présent aux côtés de notre mère, de ne pas s'être occupé aussi bien qui devait le faire de Peter et moi. Mais Simon lui avait toujours tenu tête en prétextant le sens inverse. Il n'y avait donc presque jamais de repas de famille étant donné qu'ils finissaient toujours sur le même sujet fâcheux.
Mon père posa sa main sur mon épaule et lâcha :
-Nous devrions rejoindre les autres.
J'hochais la tête, refusant de lui adresser la parole.
Je prenais les devant et me diriger, la première, vers les autres membres de ma famille à qui je ne dirais pas bonjour. Pourquoi ? Parce que je ne voulais pas entendre de nouveau cette question stupide et répondre ce mensonge qui me serrait le cœur à chaque fois que je le prononçais.
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Hazel
RomanceJe n'avais jamais ressentis cela auparavant et même si ma tête m'hurlait de m'ignorer, mon cœur me disait de ne pas penser et battait à la chamade en le voyant malgré le fait qu'il avait trahi ma confiance. Je savais que nous étions des opposés mais...