Au fil des saisons

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La clameur avait finit par revenir, sous un ciel poussiéreux et froid. Les petits bonhommes gris animaient l'immense complexe scolaire de leur présence, un lundi matin à huit heures. On percevait le froissement des uniformes et les claquements des souliers vernis. Course, bavardage, rires, cris. La vie. Dans la grande cour, le sol fade s'égayait de milles couleurs : du orange au rouge, les feuilles mortes craquant, dénudant les longs arbres effilés.

L'endroit était si vaste, si long, pleins de recoins et de passages condamnés, de pièces, de placards, d'étages et de dédales. Il fallait presque un plan pour s'y retrouver. Les, très, nombreux élèves se croisaient sans se reconnaître. Il y avait tellement d'enfants que ne pas connaître tout le monde était naturel. L'endroit les gérait, les administrait comme du bétail, numéros, dossiers, traitement informatique. Les promotions se succédaient avec rapidité, année après année, de nouvelles têtes, un nouveau tour.

L'école compose un tournant majeur dans la vie d'un individu. Après tout, la vie commence au sein d'une classe, entouré de camarades. On y apprend aux bambins à se respecter, être poli et obéir aux règles. Ne pas faire de remous, bien travailler, obtenir le papier tant attendu, et continuer.

Le grand hall débordant d'écho rassemblait la totalité des étudiants. Ils y déposaient leur parapluie, et s'acheminaient vers leurs casiers pour y récupérer les livres. Puis, ils se séparaient en plusieurs groupes au détour d'escaliers divergents. Les professeurs, eux, continuaient à droite pour gagner la grande salle qui leur était réservée. De même, ils étaient très nombreux, et ne se connaissaient pas tous entre eux. Comme leurs élèves, ils avaient chacun un petit casier agrémenté de leur photo et un bureau attitré. Un enseignant dans la fleur de l'âge s'asseyait justement à l'un d'entre eux. Ses collègues lui jetèrent un regard de désapprobation : il était en retard. Dans un soupir, l'homme s'affaissa sur sa chaise grinçante et abîmée.

Il arborait deux immenses cernes noirâtres et un teint tirant sur le jaune. Une fatigue datant de plusieurs années déjà, qu'il traînait sans relâche malgré des repos touchant presque au coma durant les vacances.

Son regard s'attarda sur le bureau encombré de détritus. Les cercles sombres formés par le café et la petite plaque où était inscrit son nom : Maxime Arnaud.

D'un geste lourd et lent, il extirpa son trieur afin de réorganiser ses cours futurs. En première heure, les cinquièmes. Puis, les sixièmes, pendant trois heures. L'après midi, conférence aux lycéens. Ça y est, il ne voyait pas le bout de la journée.

La grande pendule au tic tac lourd lui indiqua qu'il était huit heures moins le quart. Il avait encore le temps. Se munissant de son stylo rouge, il s'attaqua à une pile de copies. A ses côtés, une jeune fille observait l'extérieur par la fenêtre brouillée, l'air anxieux. Effie attendait l'arrivée des ouvriers, encore bouleversée des découvertes nouvelles qu'elle avait faites.

Son excursion dans le bureau du directeur n'avait rien mené, une fois revenu, il avait appelé la police, croyant qu'un cambrioleur rodait dans le lycée. Heureusement, ils n'avaient pas découvert le nid d'Effie. Après coups, elle s'était attaquée plus discrètement aux documents que le directeur conservait. Elle n'avait rien trouvé, ni dans les coupures de journaux qu'elle conservait depuis six ans. Alors, elle attendait. Quoi ? Elle n'en savait rien. Mais peut être recevrait elle des réponses.

Maxime quitta son poste à la sonnerie, évoluant dans les couloirs bondés, comme d'habitude. On le malmenait sans ménagement, sans un regard ou un pardon. Lui, avait perdu la bataille depuis longtemps. Il sentait leur chaussures lui écraser les pieds, comme s'il était inexistant.

En orbiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant