Effie, appuyée contre un arbre contemplait les élèves entrer dans l'école. La plupart affichait des visages encore ensommeillés, mais aucun fait notable en particulier. Ils portaient leurs jolis uniformes gris et leurs petites chaussures vernies.
Seuls, par groupes, ces centaines d'enfants se dirigeaient comme à chaque matinée à l'intérieur de l'école pour une nouvelle journée. Il y avait vraiment beaucoup de monde.
Effie veillait à ce qu'ils entrent tous dans l'école, qu'il n'y ait aucun problème. Sans trop savoir pourquoi, elle se sentait un peu responsable d'eux, même si son rôle demeurait mineur. Après tout, une élève morte, c'était déjà bien assez.
Dans la foule, elle repéra deux enfants, en sixième qui riaient très fort en se bousculant mutuellement. Plus haut, quelques terminales s'agitaient en groupe d'une façon toute aussi infantile.
Une fois que les professeurs eurent refermé le portail, elle marcha jusqu'à sa salle de classe. Les couloirs débordaient de monde, d'élèves qui hurlaient, se heurtaient les uns aux autres. Il y avait des sacs volant dans tous les sens
Effie gagna sa classe avec lenteur. Elle était en avance après tout. Entrant dans la salle peinte d'un châtain clair, elle s'exclama d'une voix enjouée :
« Bonjour monsieur ! »
« Bonjour. »
Effie se figea avec stupeur. Puis, elle fut traversée par deux élèves. Soupirant, elle s'installa au bureau abîmé qui était le sien, poussé au fond de la salle. La leçon débuta avec deux minutes de retard. A la pause de dix heures, Effie s'éloigna dans le couloir qui vibrait de nouveau des bavardages bruyants. Alors qu'elle se dirigeait vers la cours, une injure interrompit sa route :
« Tu pues ! »
Elle provenait d'un groupe d'enfants, des quatrièmes. Deux filles et trois garçons, un sourire goguenard plaqué sur le visage. La jeune fille tourna la tête pour apercevoir une silhouette voûtée au pas plus rapide que les autres.
« Ca pue la pisse ! »
Effie se précipita après l'élève victime de leurs moqueries.
Il montait les escaliers à toute vitesse, Effie entendait sa respiration haletante. Quatre à quatre, elle avalait les marches après lui. Enfin, ils atteignirent le quatrième étage, normalement condamné aux élèves. La porte menant aux anciennes salles avait été murée, mais le personnel déchargeait dans la cage d'escalier les vieux bureaux.
Ainsi, l'endroit n'était qu'un lieu sans issue, pourtant accessible. Situé sous les toits, silencieux, peuplé de meubles patinés et griffonnés.
Le garçon s'assit sur l'un des bureaux en soupirant. Effie gravit les dernières marches en le détaillant, l'air inquiet.
Il posa les mains sur ses cuisses, respirant profondément. Ses jambes tremblaient. Le jeune homme était petit, un peu potelé, des cheveux bruns en bataille et un visage parsemé de tâche de rousseur. Elle demeura debout, appuyée contre la rambarde de l'escalier en constatant qu'il ravalait sa peine avec difficulté.
Il parut se calmer, peu à peu, voir même s'apaiser, seul dans ce lieu dénué d'agitation. Enfin, pas si seul. Hélas, la sonnerie le ramena à la réalité : l'école continuait.
Avec une peine infinie, il se leva et redescendit les escaliers, comme un condamné à mort. Effie le suivit, soucieuse. De retour dans le couloir, il rasait les murs, mains jointes, tête baissée. Il s'engouffra dans l'une des classes de quatrième, voisine à celle de la jeune fille. Elle hésita un instant, mais décida de rester avec lui. Elle s'excuserait plus tard.
