The Mechanic of the Mind

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La créativité.
Qu'il y a-t-il de plus magnifique que cela ? La création mentale. Celle du Monde. Celle des Hommes. Celle des Astres. Celle des Êtres. Qui ne vit pas sans elle, cachée au fond de vous-mêmes, silencieuse pour ceux qui ne la regardent pas, hurlante pour ceux qui ont besoin d'elle ? Qui n'a jamais, au grand jamais, usé de son aide, de son soutien dans la vie du quotidien ?

Mia ne s'en serait jamais passée. C'était sa raison de vivre, sa raison d'exister dans ce bas monde où toutes choses semblent cramer comme le moteur de sa vieille Triumph Bonneville qui venait de faire des siennes. Comme d'habitude.
Cependant, heureuse, elle attrapait tous les outils nécessaires à sa réparation, comme un chirurgien le ferait pour soigner des tissus meurtris. Elle y passait à chaque fois des heures ; non pas qu'elle prenait cela comme une corvée, c'était en réalité sa passion.

Pour l'amusement, elle avait surnommé sa Triumph « sa petite amie » suite aux nombreuses, oh oui nombreuses et incessantes remarques sur sa féminité. Bien qu'elle s'en amusait, cela avait tendance à la blesser. Pour quoi elle ? Pourquoi est-ce que cela la blessait ? Pourquoi est-ce que cela la visait ?
Elle osait la différence, osait d'être ce qu'elle était réellement au fond d'elle, non homme, mais bel et bien femme. À sa manière. Bien que le mot mâle prenait un -e, d'ailleurs. Elle était mal dans sa peau et sa tête.

Et sa réflexion la poussa à s'observer. Qui était-elle, réellement, d'ailleurs ? Cette question qui hante nombre de personnes, et dont la recherche est perpétuelle.

Physiquement, ce n'était qu'une banale femme, vêtue d'un large tee-shirt où y était inscrit « Muse », d'un jean sombre, et tâché de cambouis. Une simple veste en cuir de mouton brun lui servait de manteau, ainsi que de protection pour ses longues balades en moto. Certes elle n'était ni trop robe, ni jupe, ni talons, mais cela ne l'empêchait pas d'être femme - il lui arrivait cependant d'en mettre, par plaisir. D'ailleurs, qu'est-ce que cela signifie, être femme ? N'y a-t-il pas autant de manière d'en être une que de femmes sur Terre, comme de manière d'être un homme qu'il en existe ? Si, bien sûr que si. Cependant il y avait des choses que l'on appelait « mœurs » et « critères de beauté » qui changeaient la vision et les pensées des autres. Pauvre monde, songea t-elle.

Elle avait l'impression d'évoluer, et de régresser aussi vite que le Monde ne le fait en une décennie.

Moralement, elle était spécifique. Parfois calme et réservée, parfois très énergique et qui va-et-vient voir et parler aux autres. En fait, son caractère se résumait à un perpétuel montage et démontage de ses pensées, de ses sentiments et de qui elle était. Comme si elle ne pouvait songer à rester stable, songer à ne connaître qu'une seule part de ce qu'elle était.

Depuis quelques mois elle réfléchissait à ce qu'elle voulait faire, à son rôle dans ce monde-ci, sans qu'aucune réponse ne lui vienne à l'esprit. Alors quand elle réfléchissait trop, elle enfourchait « sa petite amie » et roulait des heures entières, à la recherche de nouvelles choses à découvrir, de nouveaux lieux.

Mia se sentait libre sur sa moto ; ses sens étaient à l'affût, ses pensées évanouies dans le grondement du moteur. Il n'y avait rien de plus plaisant.

Pourtant, un beau soir, tout changea.

Elle observait des engrenages qu'elle assemblait artistiquement sur sa table, s'en servant de décoration, les repeignant de toutes les couleurs, les entretenant. Elle réutilisait tout ce qu'elle pouvait. Et en les observant, elle crut se voir. Te voir. Nous voir. Voir le Monde entier.
Un Puzzle immense, où chacun en est une pièce, composée elle-même de multiples pièces détachées.

Devant ce tableau à la beauté incomprise, elle discerna ce qu'elle devait entreprendre.

Alors, sans vraiment de plan ou de dessin de construction, avec pour seul moteur ses idées et ses sentiments, elle commença à assembler une par une chaque pièce de métal qui se glissait sous ses doigts. Elle y passa des heures, voire des jours entiers, avant qu'un beau jour, son œuvre fut terminée. Il était enfin terminé.

The Mechanic of the MindOù les histoires vivent. Découvrez maintenant