T'as pas deux balles ?!

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Ma première sensation fut... eh bien, de ne plus rien ressentir. Puis, à la vue des yeux terrorisés et larmoyants de ma mère, je compris qu'à présent, tout avait changé. Pire, que seul un miracle pourrait me sauver. Mais... Les miracles n'ont jamais fait partie de ma vie, pas plus quand j'étais enfant que maintenant que je suis étudiant. Un petit quelque chose me disait que ça n 'allait pas commencer maintenant. Et pourtant...

C'est ainsi que j'ai vécu les premiers instants de ma « non-mort » : étendu sur mon balcon, la tête en bouillie et sans trop d'espoir de vivre tout le reste de ma vie. Pourtant, au fond, j'espérais... Je me pris à croire que mon heure n'était pas encore venue, parce que j'avais encore des milliers de choses à découvrir, que je ne pouvais pas mourir comme ça, pas de cette manière. Dans un dernier sursaut d'énergie, j'arrivais encore à murmurer à l'oreille de ma pauvre maman éplorée un « c'est pas d'ma faute, m'man... J'te jure ». Je sentais mes forces m'abandonner. Finalement, convaincu de ma fin imminente, je crus que cette phrase débile allait bel et bien être ma dernière déclaration officielle sur Terre. Et déjà, je vis poindre dans les yeux encore humides de ma mère comme un air de reproche... Que voulait dire ce « c'est pas d'ma faute, m'man... J'te jure » ? Est-ce que cela avait un rapport avec ce qui m'arrivait ? Tout en sentant la fleur rouge sang qui se répandait sous moi, je me laissais sombrer dans un autre monde pour revoir les heures défiler devant mes yeux, et revivre ma journée depuis le commencement.

Six heures et demie du matin, mon réveil sonne. Contrairement au soleil qui se lève chaque matin aux aurores pour me réveiller, je n'ai aucunement envie de me lever. D'ailleurs, j'éprouve pour lui une haine irrésistible. Pourquoi se lève-t-il si tôt ? Et pourquoi faut-il qu'il mette sa lumière à fond ? Et pourquoi tout le monde lui prête, à cette minable boule de feu, une telle importance ? Je n'ai jamais pu trouver de réponses qui me conviennent à ces nombreuses questions, plus difficiles les unes que les autres. En fait... Je comprends rarement les choses qui ne tombent pas sous le sens... Le mien. C'est comme pour ma triste vie... Elle ne sert à rien, alors pourquoi continuer ainsi ? Tant de questions se bousculent dans ma tête. Tant d'idées. Mon réveil sonne à nouveau. Six heures trente-cinq. Le temps passe si vite. Je me décide enfin à me lever. Je m'assoie au bord de mon lit, habillé uniquement d'un caleçon orné du logo de superman. Je ne pourrais pas me permettre ce genre d'infantilisme si je vivais avec un colocataire. C'est peut-être aussi un peu pour ça que je vis seul. Pour continuer d'être un enfant. Pour que le monde soit parfait, un paradis sans parasites ni défauts. Mais non ! Ce n'est pas pour ça (et c'est bien dommage). C'est simplement parce que personne ne veut de moi, du moins, c'est ce que je pense, même si personne ne me l'a jamais dit. Je ne leur en veux pas... Moi-même, des fois, je me dis que si j'étais un autre, je me mettrais volontiers des baffes...

Je me dirige vers ma salle de bain. Sur ma lancée, je continue à méditer. C'est ma mère qui m'aide à financer ce studio. Mon père, étant porté disparu depuis mon plus jeune âge, n'a jamais rien fait pour moi. C'est ma mère qui a dû faire des extras pour continuer à nous élever, moi et mes frères. Enfin, en vrai, je n'ai qu'un frère... Mais j'ai toujours considéré mon cousin comme tel, et m'a mère l'a élevé avec nous. Je m'étais souvent inquiété qu'elle finisse par déprimer, mais à chaque fois que je lui en parlais, elle prenait simplement ma tête, l'approchait de son visage et déposait un baiser sur mon front en m'assurant que tout allait bien. Et moi, je me laissais bercer par les battements de son cœur.

Maintenant, c'est différent, je suis un adulte. Je vis seul. Enfin presque. Tous les trois viennent toujours me rendre visite. Surtout ma mère. Chaque soir ou presque, elle fait le déplacement jusqu'à ce que j'appelle mon « chez moi ». Elle me mijote de bons plats et m'aide à faire le ménage, tout en me posant des questions pour finir par m'interrompre dans mes réponses pour me raconter les péripéties de ses journées à elle. Ce sont ces moments que j'aime le plus, car ce sont ceux où je me sens le plus libre.

P'tites NouvellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant