Chapitre deux

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Felicita

Une douce odeur sucrée vint chatouiller les narines de Roméo. Il ouvrit les paupières lentement, reniflant cette senteur parfumée. Quand le jeune homme se releva dans son lit, vers neuf heures du matin, une douleur aigüe au dos le fit tressaillir, et il retomba sous les couettes aussitôt. L'entraînement de la veille lui avait causé des courbatures insupportables sur tout le corps.

Généralement, il s'entraînait sur des mannequins. Inertes,  ils étaient incapables de blesser l'apprenti épéiste. Seulement, la veille, son père qui rentrait de son mois de travail au Royaume, avait jugé bon de tester les talents d'escrime de son fils aîné. Les humains en tissus étaient en somme, bien plus faciles à battre que la personne la plus haut gradée dans la garde royale. Il avait eu le droit a de sérieuses réprimandes de la part du vieillard, critiquant à la fois sa manière d'attaquer, sa méthode de défense, et sa posture. Heureusement pour lui, aujourd'hui, son père était reparti au château et ne rentrerait que le mois suivant. Roméo était à la fois heureux que son père ne lui fasse pas une deuxième démonstration, mais aussi triste et vexé qu'il ne soit pas là le jour de l'anniversaire de son fils.

Il entendit des pas traverser le couloir. Supposant que c'était sa mère et qu'elle était très à cheval sur les principes et les horaires de réveil et de coucher, il se dépêcha de se lever, ignorant sa douleur et commença à déboutonner son pyjama faisant mine de se changer.

La porte s'ouvrit dans un bref grincement et une silhouette petite et fine se dessina dans l'embrasure. La mère Felicita, Alejandra, était l'unique héritière d'une très grande fortune, ce qui faisait d'elle, l'une des femmes les plus respectées du village. Elle portait une longue robe rouge comme la braise, qui se fendait au niveau de ses mollets. Son visage fin et ses yeux en amande avaient toujours attiré les hommes.

La jolie femme observa son fils, et lui souffla d'un air agacé de se dépêcher de s'habiller, que le gâteau était prêt. En effet, elle connaissait les habitudes de Roméo et savait quand il venait d'émerger : son air endormi, ses cheveux blonds en bataille, la trace de l'oreiller sur sa joue ferme, ne trompait pas l'oeil expert de sa mère.

Quand elle eut quitté la pièce, le garçon finit d'enfiler ses vêtements et se précipita en courant dans la pièce commune. Pablo, le chien de la maison, accueillit son maître en lui sautant dessus et en lui bavant sur les cuisses. Roméo le salua en lui caressant gentiment sa tête poilue et essuya d'un revers de la main, les léchouilles de son meilleur ami.

L'odeur sucrée se faisait de plus en plus forte à mesure qu'il approchait du salon. Une odeur épicée de cannelle, mélangée à la senteur douce de la pomme.

Quand il arriva, Louna, sa petite soeur âgée d'environ une dizaine d'années était en train de jouer avec des poupées de porcelaine sur le sol froid et carrelé, tandis que Louisiana, la petite amie du jeune homme, aidait Alejandra à nettoyer la cuisine.

Quand la jeune demoiselle aux formes avantageuses vit le bel étalon sur le pas de la porte, elle lui sauta dans les bras, écrasant son imposante poitrine contre le torse de Roméo, qui, lui caressa les cheveux d'un geste amical, comme il l'avait fait à Pablo.

Louisiana était en effet, dotée de plusieurs atouts : elle était ronde, ce qui plaisait aux garçons de son âge. En effet, son ventre arrondi faisait ressortir ses jolies formes de femme bien faite. Son visage aussi était joufflu et pâle. 

Ses yeux vert prairie étaient dissimulés derrière des lunettes carrées, dont la branche, était camouflée par ses courts cheveux bruns. 

Elle était sûrement l'une des plus jolies filles du quartier. Les idiots la sifflaient sur le trottoir, et, dans un sourire des plus aimable, elle leur tendait son majeur. 

Pour Roméo, ce n'était pas tant sa beauté qui l'avait "charmé", mais son tempérament et son sens de l'humour. 

Seulement, aujourd'hui serait un jour spécial. En effet, depuis quelques temps, il sentait que l'amour qu'il éprouvait auparavant n'était plus aussi fort et intense qu'au premier regard échangé. Il voulait le faire le plus tôt possible, même si il aurait préféré attendre un jour autre que son anniversaire. 

Il repoussa la jolie demoiselle d'un geste amical et lui fit comprendre qu'il avait besoin de lui parler. La jeune fille dut comprendre, car son éternel sourire complice s'était effacé, tout comme cette lueur chaleureuse dans ses prunelles claires.

Il lui prit la main, histoire de la réconforter, et tenta de la mener sur le balcon mais, d'un geste froid, elle défit sa main, et suivit le jeune homme, d'un pas lent et fatigué.

Quand le duo arriva à l'extérieur, le vent chaud de l'air claquait contre les faces tristes des deux individus, faisant également voler les cheveux de la petite.

Après un long moment gênant de silence, Roméo tenta d'ouvrir sa fine bouche, mais Louisiana le coupa :

" - Pas la peine, je sais déjà... ce que tu veux me dire.

- Je suis vraiment désolé, susurra-t-il près de son oreille avant que la poupée humaine s'éloigne du bel éphèbe aux yeux bleutés."

Le garçon tentait d'être le plus doux possible, lui montrer qu'il continuait à l'apprécier, en lui faisant des gestes amoureux et romantiques, mais ces marques d'affection ne faisaient qu'enrager la petite, qui commença à pleurer des larmes brûlantes de colère.

Elle sortit du balcon et courut jusqu'à la porte d'entrée, qui claqua dans un bruit sourd de frustration.

Bien que le coeur de Roméo venait d'être brisé en des milliers de morceaux, aucune larme ne coula, et un sourire de gagnant se dessina sur les babines du garçon.

Il retourna à la cuisine, et sa mère, paniquée, l'interpella :

" - Qu'est-ce qui s'est passé avec Louisiana ?

- C'est fini, c'est tout... Je n'ai pas envie d'en parler, annonça le garçon dans un soupir."

Alejandra ne dit mot, et, laissa tomber le bol qu'elle tenait, qui s'écrasa dans un tintement de verre brisé. Le récipient aux éclats transparents et brillants éparpillés rappelèrent la peine qui abritait son coeur.

Comme si cela ne suffisait pas, la vieille femme s'approcha de Roméo, et, avec une once de dégoût dans le regard, gifla sa joue, qui s'empourpra sous le choc.

Alors, comme il sentait que ce n'était pas son jour, il retourna dans sa chambre en marchant ; chose rare pour lui qui était d'originaire si dynamique, et quand il arriva à la porte, il la ferma à clé derrière lui. Les volets fermés, les lumières éteintes, créaient une atmosphère obscure à la pièce qui se voulait pourtant accueillante.

Roméo s'allonga sur son lit chaud, et, tandis que les larmes roulaient sur ses joues meurtries, il souffla :

" Joyeux anniversaire, Roméo..."




Roméo et RoméoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant