Jamais le cœur de Rémus n'avait battu aussi vite. Autour de lui, chaque élève était debout, le visage trempé de sueur, les mains tremblantes, le nez plongé dans un cahier pour des révisions de dernière minute. Le jeune homme regarda sa montre sans la voir. Les chiffres se brouillaient devant ses yeux, et il dût s'y reprendre à trois fois avant de comprendre qu'il ne restait que cinq minutes.
Pour tenter de se distraire, il rouvrit son sac et vérifia pour la cinquantième fois qu'il ne lui manquait rien. Crayons de couleur, trousse, règle, rapporteur, équerre, calculatrice – tant pis si c'était l'épreuve de philo – feuilles de brouillons – tant pis si ils les fournissaient.
Rémus manqua de s'évanouir lorsque la porte s'ouvrit. Un homme leur fit signe d'entrer et de s'installer. Il s'exécuta, et tenta de maîtriser la nausée qui lui soulevait l'estomac lorsqu'il s'assit sur la chaise qui lui était attribuée.
Les sacs étaient posés dans un coin de la salle, l'homme leur avait distribué des copies et le sujet, qu'ils devaient maintenir face cachée. Rémus avait tout sorti, des barres chocolatées à la calculatrice. Pour s'occuper et éviter de paniquer, il aligna ses crayons sur la table par couleurs et tailles.
L'homme regarda l'horloge, puis tapa dans ses mains. Le cœur de Rémus lui remonta dans la gorge. Il retourna son sujet.
1er sujet : Suffit-il d'observer pour connaître ?
2ème sujet : Tout ce que j'ai le droit de faire est-il juste ?
3ème sujet : Expliquer le texte suivant : extrait de ROUSSEAU, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1755.
Sa main cessa de trembler. Il attrapa son stylo, une première feuille de brouillon, et commença à écrire.
« T'as pris quel sujet ? »
« Le premier, et toi ? »
« Le premier ? Mais t'es fou, il était archi-dur ! Nan, j'ai parlé du texte de Rousseau-je-sais-pas-quoi. »
Rémus ne participait pas aux habituelles conversations post-épreuves. Un poids s'était envolé de sa poitrine : il avait pris le deuxième sujet et estimait avoir plutôt bien réussi. Il espérait juste ne pas avoir débordé du sujet : il avait parlé de Claudine et de l'auto-mutilation.
Ces quatre heures l'avaient épuisé et il pensait déjà à l'épreuve d'histoire-géographie, le lendemain, quand son téléphone sonna dans les couloirs du lycée. C'était Claudine. Un sourire fleurit sur son visage et il décrocha.
« Allô ? »
« Allô, Mumus ? Alors, ce grand méchant bac de philo ? »
« Plutôt bien ! J'ai pris le sujet deux, 'tout ce que j'ai le droit de faire est-il juste ?'. »
« Et alors, tout ce que tu as le droit de faire est-il juste ? »
« Hé bien, non. Et ton avis ? »
« Pour une fois, je suis d'accord avec toi ! Tu as un exemple ? »
« Bah, j'ai dix-huit ans dans deux jours. J'aurais légalement le droit de boire, par exemple. »
« Loi que tout le monde respecte, au passage... »
« Qu'est ce que tu sous-entends ? », rit Rémus. « Bref, j'aurais le droit de boire, pourtant ce n'est pas juste, enfin, je trouve. Et toi, un exemple ? »
« J'ai légalement le droit, quelque soit mon âge, de slut-shamer ou de victim-blamer quelqu'un, et c'est très, très injuste. Et la réciproque ? Tout ce que tu n'as pas le droit de faire est injuste ? »
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le funambule
Teen FictionIl y a Claudine et Rémus, des adolescents qui se cherchent, qui croient se trouver, qui se trompent, qui se cassent la gueule et se relèvent tant bien que mal. Et il y a tout ce qui gravite autour d'eux dans le décor paisible de leur petite ville de...