Réveil

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Je me réveille  à cause du bruit,  je reste éveillée à cause de lui.

Un garçon – assez grand de taille, les cheveux châtains ébouriffés, portant un tee-shirt, un jean et une paire de baskets Adidas – est allongé juste à côté de moi. Il ne ronfle pas vraiment, mais il respire bruyamment. C'est le garçon que j'ai rencontré la veille: Nicolas Logan.

Au début, mon cerveau a du mal à assimiler l'information que lui renvoie mon nerf optique.

Comment ce garçon pourrait-il être dans ma chambre et de surcroît sur mon lit ?

Je me frotte les yeux avec vigueur, m'imaginant que je suis en train de rêver ou que je suis victime d'une hallucination.

Lorsque je les rouvre, cependant, le garçon est toujours là.

A cet instant, je me dis qu'il ne me reste plus qu'une chose à faire.  Je prends une profonde inspiration et...

— AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH!!

Je me réveille à cause du cri, je reste éveillé à cause de la fille. Longs cheveux noirs dont une partie lui cache l'œil droit, teint pâle, beauté époustouflante. C'est la nouvelle : Claire Martinez.

– Qu'est-ce que... ?

Mon regard balaie rapidement la pièce dans laquelle je me trouve.

Ce n'est pas ma chambre. Et ce n'est pas mon lit.

– Qu'est-ce que... ? répétai-je.

Mais les mots se coincent à nouveau dans ma gorge. Je peux entendre des pas précipités se rapprocher. Avec la rapidité d'un félin, je me lève promptement et vais me planquer dans le seul endroit qui fait office de cachette dans la plupart des chambres. Je viens à peine d'intégrer le placard quand la porte de la chambre s'ouvre brusquement.

– Claire ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Tout va bien ?

A travers l'interstice de mon armoire, le garçon secoue la tête. Je devrais le dénoncer, mais il a l'air si effrayé et si désespéré que je n'ai pas le cœur de le faire. Je décide donc de lui donner un sursis.

Je lève les yeux vers mon père. En voyant son regard empreint d'inquiétude, je pourrais presque croire que les choses n'ont pas changé, qu'il se soucie toujours de moi...

La disparition de maman, deux ans plus tôt, au lieu de nous rapprocher, nous a éloignés l'un de l'autre. Lui s'est réfugié dans son travail – dans lequel il semble exceller – et moi dans mes études. Tout aurait pu être différent si seulement il m'accordait du temps. Oui, si seulement...

– Tout va bien, papa, dis-je en m'efforçant de sourire. C'était juste un cauchemar...

– Tu en es sûre ?

– Oui...

– Bon...Très bien. Je suis en train d'y aller. J'enverrai le chauffeur te prendre dans une trentaine de minutes.

– Non !

Il fronce les sourcils.

Merde... Qu'est-ce qu'il m'a pris de parler aussi fort ?

Je veux dire..., dis-je, essayant de me reprendre. Ce n'est pas la peine. Je vais marcher. L'école est juste à quinze minutes d'ici.

– Marcher ? répète mon père comme si je venais de lui annoncer que j'arrête mes études. Voyons, Claire...

– S'il te plait papa ! Je sais que tu veux juste me protéger en surveillant mes moindres faits et gestes, mais j'ai l'impression de vivre dans une prison. Je ne suis plus une enfant.

Il me considère plusieurs secondes. Je m'attends à ce qu'il m'impose sa volonté, comme d'habitude, mais finalement il se contente de soupirer.

– D'accord. Mais ne sois pas en retard. Il fait volte-face puis s'arrête, la main sur la poignée de la porte. Il se tourne vers moi. Si tu l'es, je le saurai.

Je l'entends descendre les escaliers, ouvrir la porte principale de la maison et la refermer.

Je saute de mon lit et vais guetter par la fenêtre. La Jeep noire ronronne déjà. À son approche, le chauffeur lui ouvre la portière. Quelques secondes plus tard, ils sont partis. 

Soulagée,  je me retourne.

– C'est bon, tu peux sortir ! dis-je d'une voix sèche.

J'hésite un instant. Et si c'était un piège ? Non... si elle avait vraiment voulu me dénoncer, elle l'aurait fait quand son père était là. J'ouvre la porte tout doucement.

Les bras croisés, elle m'observe avec un mélange de peur et de colère. Elle porte un pyjama en soie de couleur rouge. Malgré ma situation inconfortable, je ne peux m'empêcher de l'admirer.

– Merci de pas m'avoir dénoncé...

Elle continue de m'observer sans dire un mot.

– Ecoute, je...

– Garde ça pour plus tard, me coupe-t-elle. Si je ne veux pas être en retard, il faut que je m'apprête maintenant.

Elle s'approche de moi en marchant à grands pas. Je m'écarte sur son passage. Elle ouvre légèrement la porte de son placard et en sort des vêtements au hasard avant de le refermer violemment.

– Tu m'attends ici et tu ne touches à rien, ajoute-t-elle d'un ton sans réplique.

Sur ce, elle m'abandonne dans sa chambre, avec mes interrogations pour seule compagnie.

L'harmonie dans nos tumultesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant