L'harmonie dans nos tumultes

Réponses - Partie 2

— Pense à un chiffre, n'importe lequel.

— Hein? On joue aux devinettes ou quoi ?

— Fais-le s'il te plait...!

Je soupire. Puis, je fais ce qu'il me demande.

— Sept! s'écrie Nicolas.

Je hoche la tête, impressionnée.

— Wow... C'est donc vrai! Tu lis vraiment dans les pensées !

Il a l'air aussi stupéfait que moi.

— Alors tu me crois maintenant par rapport à la téléportation ?

— Lire dans les pensées c'est une chose, mais se téléporter... C'est un peu trop tirer par les cheveux pour moi.

— Bon, d'accord! dit-il en se levant soudainement. Puisque tu ne me crois pas, je vais te montrer.

— Quoi? Tu vas le faire ici ?

Il scrute les environs avant de répondre.

— Personne en vue, donc oui. Bon, allons-y.

— Et tu comptes le faire... juste comme ça? Tu n'sais même pas comment ça marche!

— Eh bien... Hier, j'ai juste pensé à toi et je me suis retrouvé dans ta chambre. Donc, je suppose qu'il faut d'abord que je visualise l'endroit dans lequel je veux aller. Ensuite, ça ira tout seul.

— Si tu le dis.

Je fais passer une mèche de cheveux derrière mon oreille et j'attends.

Il ferme les yeux. Ses sourcils se froncent. Il doit sûrement penser à une destination.

Je retiens ma respiration.

Les secondes s'écoulent, puis les minutes mais il ne se passe toujours rien.

Au bout d'un moment, il ouvre les yeux, l'un après l'autre.

Il n'a pas bougé d'un pouce.

Quand il voit ma mine moqueuse, il essaie de se justifier:

— Bon... Je manque sûrement d'entraînement.

Ouais c'est ça.

— Hey! Je t'ai entendu ! se plaint-il.

— Ah oui c'est vrai, dis-je avec un petit rire. Je sens que je vais avoir du mal à m'y habituer.

Je me lève, puis je me retourne pour prendre mon sac, mais maladroite que je suis, je le fais tomber accidentellement, répandant son contenu sur le sol couvert de brindilles et de feuilles d'arbres.

— Eh merde.

— Laisse-moi faire, dit Nicolas.

Mais je me suis déjà baissée et sans le faire exprès, nos mains se touchent.

Le lac, son sac étendu sur le sol, le grand bâtiment de Mystic High School qui nous tourne le dos, tout disparaît d'un coup.

Je suis maintenant ailleurs, ramassant un objet imaginaire sur le sol qui est recouvert d'une moquette orangée.

Presque aussitôt, je sais où je me trouve. Moi et...

— Qu'est ce qui s'passe? s'exclame Claire en se redressant au même moment que moi.

Elle balaie la pièce du regard.

— Oh mon Dieu! dit-t-elle. On vient vraiment de... Tu nous as... Putain!

Une porte s'ouvre quelque part.

— Nicolas? dit une voix au loin. C'est toi?

— Chut! intimé-je à Claire. Oui grand mère! réponds-je à la voix, essayant d'adopter un ton détaché.

— Qui est avec toi ?

Mince, elle l'a entendue. Plus question de mentir.

— Une camarade de classe, dis-je en regardant Claire qui semble sur le point de s'évanouir. On a un devoir à faire ensemble.

— Ah d'accord, répond ma grand-mère. Je ne t'ai pas entendu rentrer. Et ce matin tu es partie sans me dire au revoir. Elle fait une pause. Si jamais vous avez faim, ton amie et toi, il y a des lasagnes au micro-ondes.

— Merci grand-mère!

Un bruit sourd nous indique qu'elle vient de refermer la porte de sa chambre.

Soulagé, je reporte mon attention sur Claire. Ses yeux parcourent la pièce à nouveau.

— On est dans ta chambre? murmure-t-elle.

— Ouais, réponds-je en murmurant aussi. Je vis avec ma grand-mère.

— Putain! s'exclame-t-elle pour la énième fois.

Je colle l'oreille à la porte de ma chambre. La maison est calme et silencieuse. Je vérifie l'heure sur ma montre. Presque dix neuf heures. À travers la fenêtre, je vois le jour s'éteindre progressivement.

— Est-ce que tu réalises seulement ce qui vient de se passer ? demande Claire, murmurant toujours.

— C'est complètement dingue, dis-je sur le même ton, mesurant enfin l'ampleur de la situation. Mais maintenant tu vois que j'avais raison! On s'est bel et bien téléportés!

— Merci, j'avais remarqué, ironise-t-elle. Attends...Il faut que je m'asseye parce que là, franchement, c'est trop.

Elle s'assoit sur mon lit. Heureusement que ma grand mère l'a fait en mon absence. Dommage, cependant, qu'elle n'ait pas fait plus.

Sur un coin de la pièce, il y a des manga et des romans éparpillés un peu partout. Un vrai foutoir.

J'ai promis à Grand-mère de ranger un jour. Mais avec moi, un jour c'est toujours demain, qui finalement n'arrive jamais.

— Désolé pour le désordre, dis-je à Claire. D'habitude ce n'est pas...

— Mais pourquoi maintenant? me coupe-t-elle, apparemment indifférente à l'état de ma chambre.

— Pardon?

— Pourquoi est ce que ça a fonctionné maintenant? La téléportation ? Tout à l'heure, malgré le fait que tu te sois concentré comme si tu avais une diarrhée aiguë, il ne s'est rien produit !

J'éclate de rire.

— Tu ne mâches pas tes mots, toi. Écoute j'en sais rien. Tout ce que je sais c'est qu'au moment où je me suis baissé pour ramasser tes affaires, j'ai...

Je m'interromps. Tout s'éclaire soudain, comme si on venait d'allumer une lumière dans mon esprit embrumé.

— Quoi? dit Claire, perplexe.

— On s'est touché...

Claire fronce les sourcils, apparemment perdue.

— Tu t'es baissée au même moment que moi et on s'est touché !

— Oui et alors?

— Tu ne comprends pas ?

Je me lève brusquement, ce qui la fait sursauter.

— Hier quand j'ai débarqué dans ta chambre, c'était parce que je pensais à toi, dis-je en faisant les cent pas. Et aujourd'hui j'ai pu lire dans tes pensées et uniquement dans tes pensées. Et là, j'ai essayé de me téléporter mais je n'y suis pas parvenu. Seulement, quand j'ai voulu prendre ton sac, j'avais toujours l'image de ma chambre dans la tête. Et bizarrement, dès que je t'ai touchée...

Un profond silence s'installe, un silence dans lequel flotte l'implication de mes paroles.

— Apparemment, je n'arrive à faire des choses extraordinaires que... que lorsque...

—... que lorsque tu es avec moi, achève Claire dans un souffle.