■ Chapitre 8: Seule ■

36 4 2
                                    

15 avril 1855

Le plancher du couloir émet un craquement sourd. Je quitte mon état de perplexité en sursaut. J'entends des murmures se rapprocher.

"- Rangeons rapidement, lance une voix juvénile de l'autre côté du rideau. C'la fête ce soir je n'ai pas envie d'arriver en retard.

- Dis plutôt qu't'as peur qu'il reste plus de bistouille! Raille son compagnon

- Ne pourriez vous pas employer votre temps à apprendre à parler correctement plutôt que de le perdre en beuverie? Demande exaspérée, une voix féminine.

- Va y avoir des combats spectaculaires dans l'arène du quartier de Červená paraît il !

- C'est un quartier malfamé! S'insurge la fille

- Et j'ai entendu dire que les entrées sont gratuites !" Informe l'autre homme.

Le petit groupe est sur le point d'entrer dans la salle de spectacle mais je n'ai toujours pas bougé d'un iota. Dans la panique et la pénombre, je ne trouve meilleur endroit que l'armoire qui a servit au numéro du magicien pour me cacher...

"- Vous êtes exaspérant!" S'exclame la jeune fille

Brusquement, deux jets de lumières semblables à des feu d'artifices fendirent les rideaux. Ils traversent la salle dans une course folle, zigzagant entre les objets qui encombrent la scène, et les piliers qui soutiennent la toile du cirque. Ils se poursuivent jusqu'au sommet du chapiteau où leur attend leur fin grandiose:
Ils éclatent en milliers d'étoiles multicolores et scintillantes, les corolles retombent lentement en une pluie de flocons sur le sol de la scène. Ma main se détache de la porte de l'armoire que j'allais refermer sur moi. Mes lèvres s'étirent en un sourire émerveillé comme ceux des enfants lorsqu'ils tiennent pour la première fois dans leurs mains le cadeau qu'ils désiraient tant.

"- Nous y voyons plus clair maintenant!" S'exclame la fille

Je reviens à moi en sursaut. Je me précipite dans l'armoire puis referme sans un bruit la porte et écoute. Je prie pour qu'ils repartent rapidement en laissant l'armoire ici.

"- On commence par le plus lourd?" propose un des deux hommes

Non non non non non!!

"- Oui cela sera fait " répond l'autre

Je me mord la lèvre inférieur. Mon cœur martèle dans ma cage thoracique à tel point que j'en ai mal aux côtes. Les deux hommes se rapprochent de l'armoire en discutant. J'entends leur voix étouffée par la cloison en bois tout près de moi.
Une mains s'écrase sur la porte. Le pêne de la serrure s'encastre avec force dans la gâche. Je plaque ma main sur ma bouche pour étouffer un sursaut.

"- C'tais encore mal fermé " constate un homme

Je constate surtout que je ne peux plus sortir d'aucune façon; une armoire ne possède pas de poignet intérieure... J'aurais dû m'en douter... Alors que je maudit ma stupidité, les déménageurs de scène ne chaument pas, ils commencent un décompte avant de soulever l'armoire, ils la basculent ensuite en arrière d'un seul coup. Ma tête percute la cloison en bois rependant l'écho de ma chute dans toute l'armoire. Cela n'a pas eu l'air de faire réagir les deux hommes.
Ils allongent le meuble sur un chariot qu'ils poussent ,difficilement, probablement vers les coulisses. Le rythme des roulettes sur le sol s'accordent aux voix graves des deux hommes qui recouvrent le bruit de mon corps bringbalé et malmené contre les parois de l'armoire.

Le périple s'achève enfin pour mon plus grand bonheur, mes épaules n'en pouvaient plus d'être écrasées de tous les cotés...

J'entends le bruit d'un trousseau de clé, une porte qui se ferme, une clé tournée dans une serrure et puis plus un bruit... Allongée sur le dos dans l'armoire, j'ai soudain l'impression d'être enfermée vivante dans un cercueil. Et le sait-on, les morts ne sont dérangés que par les larves qui dévorent leurs entrailles...

CIRCUS: The Madness BeginsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant