13 avril 1855
Nous attendons le fiacre envoyé par mon père devant la gare de Lyon. Le temps est radieux mais frais. Je resserre mon chale autour de mes épaules. Je jette un coup d'œil circulaire autours de moi. Les diligences s'enchaînent sur la route. Comme à la gare de Marseille, tous les voyageurs semblent pressés de prendre leur train ou de vite rentrer chez eux. Je vois enfin un fiacre rutilant vert et noir portant les armoiries de ma famille. Il s'arrête devant nous, le cocher descend de son siège et s'incline. Grand et fin, son visage porte les marques de la vieillesse, son regard n'en est pas moins vif et dur comme l'acier.
"- Mademoiselle Irène, je suis Bertrand le valet de M. Geoffroy. Il vous attend à son hôtel particulier. "
Après les présentations je monte dans le fiacre direction le 16eme Arrondissement.
Les hôtels particuliers et les demeures rivalisent de beautés et de majestés. Dans cette arrondissement, toute maison bourgeoise qui se doit, doit comporter plusieurs étages et un jardin ou une cour. Les rues sont pavées et parfaitement entretenues de même que la végétation qui borde les routes et trottoirs. Nous entrons dans un quartier bordé de grands immeubles somptueux. Les toits en ardoises se marient à merveille avec les façades beiges des bâtiments. Les immeubles, tous de six étages en comptant les logements des domestiques sous les combles, créent une véritable allée de par et d'autre de la route. Sur les larges trottoirs couverts de grands arbres, des piétons marchent d'un pas léger en bavardant entre eux. D'autres plus pressés traversent au pas de course le grand quartier. Alors c'est à cela que ressemble Paris!
Le fiacre s'immobilise devant notre hôtel particulier. Je reste quelques instants devant l'escalier qui mène au palier de l'immeuble.
C'est ici que père vit...
Bertrand ouvre la grande porte de l'hôtel particulier.
J'entre dans un hall somptueux. Une immense coupole de verre baigne de sa lumière un grand escalier de marbre rose qui ondule sur les murs pour monter aux étages supérieurs. Le carrelage finement décoré par des rosaces s'accorde aux murs roses pâles, verts pâles, jaunes pâles et nacres du hall et des couloirs. Le style, d'inspiration italienne, donne un cachet supplémentaire à l'entrée et des petits palmiers donnent une touche exotique à l'ensemble. Deux ouvertures voûtées donnent accès aux couloirs de part et d'autre du hall. Je lève la tête et aperçois, du haut d'un balcon qui débouche sur l'escalier, une dame sublime: ma tante. Les mains posées sur la rambarde elle m'observe sans chaleur. C'est une femme superbe. Ses cheveux noirs de jais sont attachés dans un chignon sophistiqué et légèrement lâche sur sa nuque. Une pince en or incrustée de diamants tient le tout. Son corsage blanc boutonné jusqu'en dessous du menton est orné d'une broche sertie d'un rubis tandis que sa robe rouge sang tombe délicatement de sa poitrine sur ses hanches. Sa posture impériale n'a rien à envie à l'impératrice Eugénie.
Ma tante fait glisser ses mains sur la rambarde et descend gracieusement avec la fluidité d'un félin le grand escalier. Lorsqu'elle arrive à la dernièremarche, j'effectue une révérence qui a pour but de l'impressionner. Je ne vois aucune lueur de satisfaction dans ses yeux. Sa bouche se tord dans une moue amer. Elle tique. Qu'ai je fait de mal ?
"- Alphonse a raison, toute une éducation à refaire " lâche t elle
Je reste interdite. Quel accueil chaleureux ! Plus grande que moi, je tente tout de même de soutenir son regard en prenant le même air fière qu'elle.
"- Quitte à être fière autant l'être complètement. Lève la tête et ne lâche pas le regard de ton interlocuteur. Ne regarde pas par en-dessous, ça te donne un air vicieux ou dominée. Ta révérence doit être gracieuse, respectueuse mais jamais docile et enfantine. Tu fais ton entrée dans la haute société, pas à la petite école. Tu ne plairas pas à tout le monde. Soit! Tu es comme ta mère. Tâche seulement de mieux te tenir et d'être plus respectueuse. Intéresses toi aux personnes qui te seront utiles. Tu n'es pas une petite femme docile? Et bien devient une élite. Tu as le tempérament pour l'être d'après les dire de ton père. "
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CIRCUS: The Madness Begins
FantasyJ'étais rationnelle. Le surnaturel et l'occulte ne faisaient aucunement partis de ma vie. Je n'avais qu'en tête l'objectif que mon père me rabâchait : Être la femme la plus en vu de l'Empire, mener une vie digne des plus grands dans la haute sociét...