Divorcée ! J'ai reçu l'ordre du jugement ce matin. Quand j'ai ouvert l'enveloppe j'avais le cur qui tapait sacrément fort. Et là, jai lu que le juge m'offrait la clef de sortie de ma cellule de prison. J'ai eu une de ces envie de crier, je ne vous raconte pas. Aujourd'hui, à l'aube de mes trente-six ans je me retrouve donc célibataire et prête à croquer la vie à pleines dents. Quel pied ! Les sorties entre copines, le cinéma, les restaurants, les boites de nuit, les hommes... Ah ! Ah mais non J'ai des mômes... Bon ! Tant pis ... je prendrai mon pied plus tard. Quoi qu'il en soit, être divorcée à lapproche de la quarantaine c'est tout de même loin d'être hyper vendeur, faut bien se l'avouer. Niveau profil sur un site de rencontre je n'aurais pas beaucoup de contacts à qui conter fleurette. Vous imaginez un peu le style d'annonce : « Ana, jeune femme d'une trentaine d'années, fraîchement divorcée, mère de deux enfants et propriétaire d'un chat nommé Garfield cherche homme stable et sérieux pour relation passionnée ». Il est certain qu'avec les éléments actuels, je n'ai plus qu'à mentir pour embellir un peu mon portrait virtuel. En même temps, ces dernières années je les ai passées à m'occuper du foyer que j'avais construit avec Iggor. Quand je m'écoute parler et vous détailler mon ancienne vie de couple on pourrait croire que je suis à l'article de la mort . En y repensant, maintenant que je suis « seule », ma vie était tout de même devenue bien monotone. C'est fou de pouvoir ressentir ce genre de choses parce que quand on a la tête dans le guidon on ne voit rien venir. On est tous happés par nos soucis, la routine et on en oublie de vivre ; de vivre vraiment! « Monsieur Iggor Straviski et Mademoiselle Ana Rudenberg ont l'honneur de vous inviter à leur mariage qui sera célébré le 27 juillet 2000 ». A l'époque quand j'avais reçu l'ébauche de notre fairepart de mariage j'en avais eu les larmes aux yeux. J'allais à vingt ans épouser mon amour de jeunesse. J'étais folle de lui et il était vraisemblablement fou de moi. Nos parents, enfin surtout les miens, avaient fait les fonds de tiroirs pour nous offrir une fabuleuse cérémonie de ce qu'ils pensaient être le plus beau jour de notre vie. Quand j'y repense j'aurais mieux fait de me fouler la cheville ! Pourtant tout partait bien. C'était un gentil et beau garçon cet Iggor. Il avait tout du gendre et du mari parfait: travailleur, attentionné, respecteux et fidèle. Pas de chance pour moi, ça n'a pas duré ! Au fil du temps et avec son boulot très prenant il était vite devenu irrascible, toujours stressé, et presque hautain par certains côtés. Môsieur était pilote d'avion. Môsieur avait une grande charge de travail. Ça va, pas de quoi en faire tout un plat ! Enfin pour faire court, il n'était jamais là et quand il était là tout allait de travers. Très vite j'étais tombée enceinte de nos jumeaux, Max et Tom. Ils avaient comblé ce vide de vie sentimentale que je n'avais plus avec leur père. J' avais mis mon travail de chroniqueuse dans le journal local de côté pour m'occuper des petits pendant que mon cher mari s'envoyait en l'air pour le bien de sa société de voyage. Enfin ça c'est ce que je croyais ! Parce qu'en plus de prendre l'avion, mon cher époux prenait en plus sa collègue hôtesse de l'air. Alors comprenez que la question du divorce est vite venue sur la table après cette fâcheuse découverte. Autant que les choses soient claires entre nous, l'annonce de la séparation n'a pas été accueillie de façon très favorable. De mon côté, ma mère s'était mise à me sermonner avant d'éclater en sanglot. « Mais comment tu vas faire pour les enfants ? Et d'ailleurs vous y avez pensé aux enfants ? ». Si j'avais eu le cran je lui aurais répondu : « Eh bien je vais sûrement les placer jusqu'à leur majorité pour vivre ma vie tranquille. Tu sais bien je suis une mère indigne qui divorce juste pour faire du mal à sa progéniture ! ». C'est fou ! Est-ce que vous avez remarqué vous aussi ? Les gens ont une facilité de jugement qui me fait peur. Quand je travaillais encore j'avais écrit une chronique là-dessus : les faux semblants et leur jugement ! Ça avait cartonné. Va savoir pourquoi. Peut-être parce que nous sommes tous à un moment donné un juge sur la vie d'autrui. Quand un couple qu'on a toujours connu décide de mettre fin à la relation il y a forcément des incompréhensions.Une rupture soulève forcément des questions, des doutes et certains y vont bon train avec des hypothèses toujours plus saugrenues. Quel intérêt ? Faut-il porter en plus de la douleur de ne pas avoir réussi son mariage, les rumeurs et les commérages du voisinage ? J'ai toujours eu envie de vivre jusqu'à la fin de mes jours auprès du seul homme de ma vie. Je crois que depuis toute petite on nous formate pour ça. Quand on y regarde de plus près, à l'époque de nos grands-parents, quand quelque chose était cassé on le réparait. Enfant, on nous lisait des histoires d'amour qui débordaient de tendresse, et on regardait des films de princesses et de princes. Parlons-en du prince charmant ! Mais c'est quoi ces niaiseries de débutante. Il est où le cheval blanc, le premier baiser langoureux et le « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants » ? Pour ma part c'est plutôt du bisou avec appareil dentaire, une voiture tuning et une issue plus que désastreuse. Bref, on nous ment ! Le grand amour, le coup de foudre ça n'existe pas ! Ou seulement après deux vodkas. J'aurais aimé que tout se passe comme prévu. J'avais toujours cru quIggor et moi on terminerait nos vieux jours ensemble et qu'on verrait grandir nos enfants et nos petits-enfants main dans la main. Mais la vie en a décidé autrement ! Tout du moins nous avons pris les devants pour qu' elle change parce qu'elle ne nous convenait plus ainsi. Oui ça arrive. Ce n'est pas pour autant qu'on s'est plantés. C'est peut- être simplement que nos bouts de chemin devaient s'arrêter là. Quel but de savoir sur qui jeter la faute ? D'entendre les vieilles rombières se disputer pour connaître qui a trompé qui ? Le fait est que ça ne changera pas la finalité de l' histoire. Il y a tout de même pire que de vouloir arrêter de vivre avec le père de ses enfants, non ? Je crois quinconsciemment on a tous des doutes sur notre couple. C'est forcé, on s'est tous déjà demandés si oui ou non on finirait notre vie avec cet homme ou cette femme. Alors quand certains trouvent une véritable réponse à cette question et que tout pousse à croire qu'ils se sont trompés de direction, de personne , il n'y a pas de raison de devoir émettre un jugement. La seule chose que l'on puisse faire c'est de prier pour ne pas arriver à la même conclusion ou à la même réponse qu'eux. J'ai été de celles qui, comme tous, ne comprenait pas les divorces jusqu'à ce que je me prenne tout en pleine figure. Et là on voit sa vie partir à vau-leau. Tout ce qui avait toujours été, tout ce qui faisait ta zone de confort, toutes les certitudes, tous les projets plus rien n'existe. Tu deviens vide. Tu repars à zéro. Reset ! Et personne ne se dit que ça peut être dur, et que même si tu es une adulte tu as forcément des craintes. J'ai pensé à mes enfants. Dieu sait que j'ai pensé à eux. Mais moi ? La seule chose qu'on a vu c'est « tu es une mère et tu prends la décision de tout fiche en l'air ». Pas une seule fois on ne m'a demandé si je prenais les devants parce que je n'étais peut-être plus heureuse. Mais être heureuse c'est pourtant la finalité d'une vie. Le bonheur ! Avec ses amis, ses collègues, sa famille, son mari. Non ! J'étais plus heureuse. J'avais plus envie de faire semblant. Bref, j'ai divorcé ! Et je me sens vivante.... VIVANTE ! Je respire la vie, et je veux profiter. Qui suis-je ? Je ne l'ai jamais vraiment su je crois. Si ! Un peu ! Je m'appelle Ana Rudenberg, j'ai 36 ans, je suis une mère, une célibataire, et aujourd'hui je pars à la conquête de ma nouvelle moi !
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Les petites chroniques d'une trentenaire névrosée
Literatura Feminina« Les petites chroniques d'une trentenaire névrosée » : il est plutôt drôle ce titre, hein ? Mais au fond, ne croyez-vous pas que nous sommes tous un peu « des pétés du ciboulot » ! Tous un peu déglingués par les normes qu'impose la société, les di...