Chambre 18

PROLOGUE - Ema

-  Attention, tape le plus beau sourire du monde, rigole Elena en faisant un selfie de nous deux.

Je ressemble à une veille fille qui n'a jamais dormi tant mes cernes sont marqués, quant à Elena, elle se tape les yeux les plus rouges du monde et je pense que cette soirée n'y est pas pour rien. Elle enchaîne les verres depuis que je suis arrivée. Il faut dire qu'elle essaie d'oublier sa rupture et de fêter sa prochaine nouvelle vie. Elle sourit et je comprends que pour elle, la soirée vient de commencer.

- Allez, reste un peu ! S'écrie-t-elle en me tendant son verre d'alcool que je refuse d'un geste de la main.

- Je suis désolée je dois filer, dis-je en enfilant ma veste.

J'enlace mon amie et lui souhaite bon courage pour enlever les traces de vomi de ses invités.

Je n'ai pas prévu de venir à cette soirée mais Elena m'y a forcée. En général, je ne vais à aucune soirée, ou j'y reste peu de temps les rares fois où je m'y rends. Ça peut paraître bizarre pour certains mais je n'aime pas être en présence de beaucoup de gens et puis qui dit soirée, dit forcément alcool... Et je n'aime pas l'alcool. Je ne comprends pas comment les gens peuvent trouver un plaisir à avaler quelque chose qui leur brûle la gorge, je préfère boire du soda ou encore mieux, de l'eau !

Ce matin, quand Elena m'a invitée, elle savait que j'allais refuser, c'était une évidence, tout le monde le sait. Pour beaucoup, je suis une fille coincée, ce qui explique pourquoi je n'ai pas beaucoup d'amis mais pour moi, ce n'est pas parce qu'on n'aime pas la foule et l'alcool qu'on est coincé.

Chaque personne a sa vision des choses et puis honnêtement, les gens se permettent de critiquer pour tout et n'importe quoi. C'est pourquoi je préfère rester dans ma bulle et j'en suis très heureuse ainsi. Dès que je lui ai dit qu'il est hors de question que je vienne à sa soirée, elle s'est mise à me regarder avec sa mine de chien battu en me disant :

- Allez Ema, ce ne sera pas une grosse fête, juste quelques personnes de mon âge. Tu pourras partir tôt si tu le souhaites, je ne te retiendrai pas !

J'ai de suite accepté car je savais que j'allais en entendre parler toute la journée. Grave erreur ! Cela ne s'est pas déroulé comme prévu. La petite soirée a mal tourné.

Dans un sens, je me dis « pauvre Elena ». Elle qui voulait fêter son admission en école d'infirmière, elle a été servie. Elle a beau être plus âgée que moi, je la bats niveau maturité. Jamais je n'aurais pris le risque d'inviter Rick, le mec le plus populaire. Mila et Stéphanie sont adorables et ce sont les seules avec qui j'ai discuté. D'après ce que j'ai compris, elles entrent toutes les deux en école d'aide-soignante, la même que celle d'Elena, et c'est d'ailleurs comme ça qu'elles se sont connues. À vrai dire, j'en sais beaucoup plus sur elles qu'elles n'en savent sur moi car ce sont de vraies pipelettes. Alors qu'elles se sont contentées de venir à deux, Rick, lui, n'en a fait qu'à sa tête, et est venu accompagné d'une foule de gens qu'Elena ne connaissait pas.

- Mais tu es fou ! C'est un appartement de 40 m², Rick ! Pas un château ! S'est-elle écriée lorsqu'ils ont sonné à la porte.

Je me souviens qu'il lui a souri et qu'elle n'a rien pu faire d'autre que de les laisser entrer. C'est à ce moment là que c'est devenu étouffant et que ça a dégénéré.

La musique est devenue bien trop forte à mon goût, des assiettes et des verres tombaient en mille morceaux par terre, les gens criaient, s'embrassaient et d'autres buvaient à s'en faire vomir. Je me suis alors mise à rêver d'un endroit calme où je me sentirais à ma place et où je m'amuserais plus qu'ici. C'est là que j'ai pensé à ma chambre et que je me suis surtout rappelée que je devais être chez moi depuis plus d'une heure.

Lorsque j'arrive en bas de l'immeuble, je consulte mon téléphone et aperçois les messages agacés de ma mère.

De : maman
A : Ema
Tu comptes rentrer à quelle heure ? Je te signale que tu avais jusqu'à deux heures maximum ! Je travaille demain !

Je pousse un long soupir.

Pourquoi est-elle reste éveillée aussi longtemps, elle aurait pu aller dormir.
De toute façon, je ne suis pas très loin et rien ne peut m'arriver dans cette petite ville.

De : Ema
A : Maman
Je suis désolée, je me dépêche.

Il fait nuit, il pleut et je ne vois pas grand-chose dans l'obscurité. Heureusement pour moi, je connais le chemin par cœur. Je cours tout en grimaçant face à la pluie qui me frappe le visage. J'habite avec ma mère et ma sœur, Eva ma jumelle.

Nous ne connaissons pas notre père biologique car il est parti le jour de notre naissance. Notre mère n'a jamais voulu nous en dire plus à son sujet, pas même nous montrer des photos, nous ne savons rien sur lui mis à part qu'il nous a abandonnées. Tant mieux car ma mère nous a raconté que ce n'est pas un homme honnête et qu'il n'était pas prêt à être père. Nous avons appris à vivre sans et c'est bien mieux ainsi car je ne veux pas vivre avec un père qui ne sait pas aimer ses enfants. Je pense que c'est également ce qui nous a énormément lié Eva et moi.

Je m'arrête de courir quand je dois être à quelques mètres de la maison. Je suis à peine assez près pour constater toutes les lumières éteintes sauf celle du rez-de-chaussée. C'est probablement ma mère, assise sur une chaise devant la porte, en attendant impatiemment que je rentre.

- Je suis là, tu peux aller dormir tranquillement, chuchotais-je quand soudain une très grande force me pousse en arrière et me fait glisser.

Je suis à terre et ne me souviens de rien. J'ai à peine le temps de lever la tête pour voir l'inconnu qu'il s'empresse de me plaquer un chiffon humide et puant contre ma bouche et mon nez. Je suis prise de panique et ne comprends pas ce qu'il se passe et avant de comprendre que l'inconnu est en train de m'agresser à quelques pas de chez moi, je tente de hurler mais à la place je m'évanouis.