ZEBKNA : un autre Monde.

1- Aelys.

Jour J.

Ma mère avait tendance à dramatiser la situation, comme à son habitude. Elle était venue me sortir du lit vers sept-heure trente du matin, la bouche en cœur alors qu'elle avait quelques heures d'avance. Evidemment, si elle n'avait pas été ma mère, je n'aurais pas fait preuve de tant de courtoisie. Elle avait bien sûr appuyé le fait que la cérémonie se déroulait ce jour-ci et que je me devais d'être prête.

- Maman, ça fait un an que tu me prépares à cette fichue cérémonie, crois-moi, j'ai compris que c'est important, grognais-je.

Un an... C'était un euphémisme. On nous préparait à ce qui ressemblait de près ou de loin à une répartition qui avait pour but de nous définir depuis le plus jeune âge. C'était peu dire, finalement, cette dernière était irrévocable. Impossible de faire marche arrière et, quoi qu'il en soit, la décision de l'Auxidius n'était pas discutable. Je ne savais guère trop quoi en penser, être anxieuse ou davantage excitée... Je n'avais pas la moindre idée de la façon dont je devais me comporter. Quelle ironie. J'avais été préparée à cette mascarade depuis ma naissance et, alors que ce jour arrivait finalement, je ne savais à quoi m'attendre.

Etait-je plus chercheuse, patrouilleuse ou guérisseuse ?

Avais-je ma place dans l'une de ces divisions ?

Moult questions se bousculaient dans ma tête, me donnant la nausée. Je détestais être réveillée si tôt le matin. Pourquoi diable fallait-il que ma mère soit quelqu'un de si prévoyant ? Tandis que je pestais, elle était là, se tenant devant moi son éternel sourire aux lèvres. J'admirais sa patience et sa bonté, elle avait gardé sa joie de vivre et ce malgré la perte de son époux. Il était rare de côtoyer une femme aussi forte et, d'aussi loin que je me souvenais, nul ne lui arrivait à la cheville. En toute objectivité, évidemment.

- Tu devrais être pressée d'y être ! A ton âge je sautais partout tant j'attendais avec impatience le passage des tests.

- Je n'en sais rien, mam's. Toi, tu savais déjà que tu étais faite pour soigner les gens. La médecine t'inspire depuis toujours... Je ne suis pas faite pour soigner les gens, je saurais à peine te dire où se trouve je ne sais quel muscle ou os du corps humain. Je me vois mal rester cloisonnée dans un laboratoire ou bureau pour faire des recherches.

A cet instant précis, je réalisais sans réellement en être consciente, que mon cœur battait d'ores et déjà pour l'autre division : les Patrouilleurs. Mais comment lui faire part d'une telle envie d'aller sur le terrain, de défendre nos troupes et explorer davantage le Monde alors que mon père était décédé en patrouillant... ? Je me voyais bien mal lui balancer cette révélation à la figure, briser tout ce qu'elle avait construit depuis ce tragique accident. Elle qui était restée si forte jusqu'à présent pourrait-elle seulement supporter de me voir répartie chez eux ? J'en doutais fortement. Nous n'avions jamais réellement évoqué cette possibilité, comme si, pour elle, il n'était pas question que sa fille puisse envisager un tel sort. Malheureusement, nul n'avait le pouvoir de contredire l'Auxidius. A défaut de porter le nom de Harry Potter et un couvre-chef magique corruptible, nous devions nous contenter d'un conseil dont la décision se basait sur des tests psychologiques et physiques. Ce qui, en fin de compte, n'était pas plus mal, beaucoup auraient eu tendance à vouloir influencer la décision et les troupes, guérisseurs et chercheurs n'auraient pas été aussi fiables qu'ils l'étaient. C'était également ce qui faisait notre force en ces temps douloureux, finalement.

Ma mère me regardait, songeuse, de son regard perçant qui n'avait nul mal à me décerner. Elle s'en doutait, j'en étais persuadée. Elle afficha, l'espace d'une demi-seconde, un air inquiet mais celui-ci fut vite balayé par son éternel sourire. Pourquoi cela me faisait-il tant de mal de la voir dans cet état-là ?