Chapitre 12

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27/12/2016

Mon ange, ma Clara,

Tu sais ô combien je t'aime, ô combien je tiens à toi ... ou je tenais... Clara, aujourd'hui, ma mère m'a amenée voir un psychologue. Je ne voulais pas, vraiment pas. Mais j'ai fini par m'y résoudre, non pas par envie, mais pour que ma mère me lâche avec ça.

Je me suis rendue, en début d'après-midi, au centre-ville. J'ai préféré m'y rendre seule. Le cabinet était situé au rez-de-chaussée, sur l'avenue principale. L'entrée était modeste : un parquet en bois clair, des murs couleur crème. Une jeune femme, la vingtaine, peut être la trentaine, mais pas plus, se tenait assise derrière un bureau en bois clair.

Elle a relevé la tête, m'a regardé des ses petits yeux bleus, et m'a demandé la raison de ma venue. « Ma mère m'a pris rendez-vous avec le Dr. Parker ». Elle a surmonté mon nom d'une croix sur son cahier, s'est levée, et m'a emmené dans une pièce à côté. Elle m'a fait asseoir et m'a dit que la psy ne devrait pas tarder.

Comme précédemment, j'ai observé la pièce avec attention. J'étais assise sur un fauteuil et face à moi se dressaient un bureau et une fenêtre. Derrière moi, la porte, et sur le côté, un canapé. Le tout dans des tons crèmes, plus ou moins foncés, mais en parfaite harmonie, ce qui donnait un aspect chaleureux à cette pièce qui ressemblait plus à un salon qu'à un cabinet médical.

Alors que mon regard s'était perdu à contempler la neige qui tombait en silence derrière la fenêtre, la porte derrière moi s'est ouverte et m'a provoqué un léger sursaut. Une jeune femme, du même âge, sans doutes, que la secrétaire, aux longs cheveux bruns, s'est assise en face de moi.

Elle m'a regardé avec tendresse, et m'a tendu la main avec un sourire amical. J'ai serré sa main et lui ai rendu son sourire. Elle avait les mains douces et chaudes. Mais la chaleur de ses mains n'avait pas réussi à dissoudre le froid qui pesait dans la pièce. Je ne me sentais pas du tout à l'aise dans cet endroit.

Elle m'a demandé mon nom, et si je savais pourquoi ma mère voulait que je la consulte. Quelle question idiote ! Pour qui d'autre que toi aurais-je été amenée à consulter une psychologue ? Mais elle n'en savait rien... Je lui ai donc expliqué que tu avais été kidnappée, il y a deux ans de cela, puis que ton ravisseur avait mis fin à tes jours, un an après, et que depuis, une immense tristesse et une haine profonde occupait le fond de mon être, mais également un désir de vengeance.

Nous avons parlé une heure durant. Je ne lui ai rien dis à propos de mon enquête, et ne suis pas entrée dans les détails non plus de l'enquête policière. Mais notre conversation m'a fait prendre conscience que j'étais allée beaucoup trop loin dans cette histoire. J'accorde beaucoup trop d'attention à une personne défunte, bien que ce soit normale, mais j'y mets tellement d'énergie que j'en délaisse mes proches, et me renferme sur moi-même. Ce qui, somme toute, n'est pas une bonne chose. Après quelques mots, nous avons mis un terme à la séance.

Lorsque je suis rentrée, ma mère m'a assaillie de questions. Je lui ai dis que ça c'était bien passé, mais que j'aimerai me reposer. J'ai rejoins Maya et Tina au grenier. On en a fait un petit salon très confortable où nous passons le plus clair de notre temps. Je leur ai raconté brièvement la séance, comme je l'ai dit plus haut. Les deux filles ont approuvé les dires de la psychologue, et m'ont demandé de renoncer à me faire enlever.

Je t'avoue que j'ai énormément réfléchi à ça. Je n'ai pas beaucoup dormi la nuit précédente pour cette même raison. Renoncer à mon enlèvement, c'est en partie renoncer à découvrir l'identité du monstre qui t'a ôté la vie, renoncer à te venger, renoncer à toi. Maya m'a assuré que ce n'était pas la bonne solution, qu'elle comprenait que je veuille retrouver ce type, et qu'elle désirait autant que moi de le voir croupir en prison, mais me faire enlever n'était pas l'issue de nos problèmes. D'autant plus que nous n'avions pas vraiment de plan effectif.

Après une très longue réflexion, et de nombreuses remises en question, j'ai décidé de renoncer à mon projet. Je suis prête à tout pour toi, mon ange, mais comme l'a dit Tina, tout ceci est vraiment parti trop loin, dès l'instant où j'ai pris la décision de te venger.

Sérieusement, je suis rentrée deux fois, par effraction, dans une maison dans laquelle la police avait formellement interdit à quiconque de rentrer. Je suis également entrée par effraction dans un poste de police, j'ai pris des photos d'un dossier d'une affaire encore en cours, donc confidentielle. Je garde clandestinement chez moi depuis une semaine une fille portée disparue, et à présent, je projette de me faire enlever par un meurtrier.

Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ?? Les filles ont raison, cette histoire a pris des propensions démesurées, et, rongée par le manque, la peine et la haine, je me suis laissée allée à des penchants psychotiques. Comme l'a dit la psy, j'ai du mal à accepter le fait que tu sois morte, et je crois vraiment que tu n'es pas morte, que tu es là, enfermée, quelque part, dans une sombre pièce d'une maison abandonnée.

Mais il faut voir la réalité en face mon ange : tu es malheureusement bel et bien partie.

Je t'aime de tout mon coeur, Clara, tu ne dois jamais douter de ça, et tu me manques énormément, mais ma lutte est vaine.

Tout arrêter là, d'un coup, me déçois un peu. Après tout le chemin que j'ai parcouru, toutes les démarches que j'ai entreprise, j'étais si prêt du but. Mais si je continue dans mon enquête, j'ai bien peur d'atteindre ma santé mentale et de ne pas pouvoir m'en sortir à temps. C'est tout ma belle, je m'arrête là. C'en est fini. Je dois laisser la police faire son travail.

Je ne t'oublierai jamais Clara, je ne pourrais jamais oublier tous les moments que nous avons partagé ensemble, les bons comme les mauvais. Tu es à jamais dans mon coeur et je t'aime indéfiniment.

Ta meilleure amie,

Jade

RevengeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant